Fête des travailleurs : « les femmes doivent se battre comme ou plus que les hommes »

Madame Traoré Tiguidanké Diaka Condé, conductrice de bus et d’engins lourds en service à l’aéroport international de Conakry-Gbessia
Madame Traoré Tiguidanké Diaka Condé, conductrice de bus et d’engins lourds à l’aéroport de Conakry-Gbessia

L’humanité célèbre ce vendredi, 1er mai 2020, la journée internationale du travail dans un contexte particulier avec la propagation du coronavirus qui continue de semer la mort à travers le monde. En Guinée, plusieurs femmes se distinguent dans des secteurs d’activités souvent réservés aux hommes. C’est le cas notamment de madame Traoré Tiguidanké Diaka Condé, conductrice de bus et d’engins lourds en service à l’aéroport international de Conakry-Gbessia.

Dans un entretien accordé à un journaliste de Guineematin.com hier, jeudi 30 avril 2020, madame Traoré est revenue sur ses débuts dans ce métier, ses relations avec ses collègues de travail, les difficultés qu’elle rencontre dans son service, avant de prodiguer d’utiles conseils à la gent féminine.

Guineematin.com : vous conduisez des engins lourds à l’aéroport international de Conakry Gbessia. Comment avez-vous appris ce métier réservé le plus souvent aux hommes ?

Tiguidanké Diaka Condé : il y a très longtemps que j’ai appris ce métier. J’ai d’abord commencé ma formation à CEPERTAM. Lorsque j’ai eu mon diplôme là-bas, je suis venu à la SOTRAGUI (Société publique de transport, ndlr). Mais avant d’aller à CEPERTAM, j’étais d’abord à la SOTRAGUI comme contrôleur des tickets. E là je suis venu au guichet pour la vente des tickets aux passagers. Alors un jour, je me suis dit, pourquoi ne pas apprendre à conduire. C’est ainsi que je me suis lancée dans la conduite. Ainsi, je suis allée faire une formation avant de revenir conduire d’abord les gros bus de la SOTRAGUI. J’étais la seule femme parmi les hommes.

Guineematin.com : ceci est un métier réservé souvent aux hommes. Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confronté jusque-là dans votre carrière ? Est-ce que vous avez été victimes par exemple de harcèlement sexuel ?

Tiguidanké Diaka Condé : je remercie Dieu depuis ma formation en conduite jusque-là, je n’ai pas rencontré de difficultés majeures. A la SOTRAGUI, j’étais parmi le dernier groupe à avoir été recruté. J’étais très aimée et appréciée par mes collègues. Certains me prodiguaient des conseils, bref j’étais très à l’aise. De la SOTRAGUI, je suis allée vers les institutions. J’ai d’abord postulée à la Croix Rouge Internationale où j’ai été recrutée. C’était au temps d’Ebola. J’ai exercé là-bas pendant un moment. Après, j’ai été engagée à la Croix Rouge Guinéenne. De là-bas, j’ai postulé à l’UNICEF où j’ai été retenue. Après l’UNICEF, je me suis rendue à l’aéroport où je travaille comme conductrice d’engins lourds. Mais j’avoue que je n’ai pas rencontré de difficulté avec les collègues de service. Au contraire je suis très appréciée par eux. Je reçois très souvent des messages d’encouragement.

Guineematin.com : vous êtes mariée et vous avez des enfants. Comment parvenez-vous à cumuler le travail professionnel et le ménage ?

Tiguidanké Diaka Condé : oui, c’est vrai. Je suis mariée il y a très longtemps. Je suis mère de six (6) enfants. Mais grâce à mon mari, je parviens à cumuler le travail et jouer mon rôle de mère de famille sans aucun problème. Je dis grâce à mon mari parce qu’il me soutient et m’encourage dans mon travail. Mes enfants ont grandi, c’est elles qui font la cuisine. Mais, les jours de repos, je prépare pour mon mari. Mais je n’ai pas de problème, je parviens à cumuler les deux.

Guineemati.com : est-ce que vous avez des projets en perspectives, comme la création de votre propre entreprise par exemple ?

Madame Traoré Tiguidanké Diaka Condé, conductrice de bus et d’engins lourds à l’aéroport de Conakry-Gbessia

Tiguidanké Diaka Condé : oui j’ai des projets, mais comme vous devez le savoir en Guinée, si tu n’as pas de moyens, il te sera difficile de créer ta propre entreprise. Sinon mon souhait, c’est de m’investir dans le transport en créant ma propre entreprise. Une entreprise urbaine où je ne vais embaucher que des femmes. J’avais même commencé à mener des démarches pour d’éventuels financements ; je suis allée au ministère des Transports, mais malheureusement, je n’ai pas eu gain de cause. Puisque ça n’a pas marché je me suis dis de me consacrer à mon boulot d’abord. Donc j’attends, le jour que j’aurai suffisamment de moyens, je vais créer mon entreprise de transport. Si j’ai les moyens, je peux avec 5 bus seulement lancer mon entreprise.

Guineematin.com : peu de femmes exercent votre métier, la plupart attendent l’aide de leurs époux. Quels conseils avez-vous à donner aux femmes aujourd’hui afin qu’elles puissent se prendre elles-mêmes en charge ?

Tiguidanké Diaka Condé : le conseil que je donnerai aux femmes, c’est de ne pas s’asseoir à la maison et attendre tout d’un homme. Moi mon slogan, c’est refuser d’attendre quelqu’un m’aide ; dès que l’occasion se présente, je le lance. Si j’attendais tout de mon mari, je n’allais pas dire que je n’allais pas apprendre ce métier, mais ça allait durer. Mon mari a compris très tôt que je suis pressée, donc il m’a laissée réaliser mon rêve. Je n’aime pas attendre tout de quelqu’un. Et je souhaite que les autres femmes en fassent de même. Les femmes doivent se battre comme ou plus que les hommes. Tout ce qu’une femme fait, ses enfants vont hériter. Donc, la femme doit se donner, se battre en travaillant, en le faisant, elles donneront ainsi de bons conseils à leurs enfants. Il n’y a pas de sots métiers, ce que l’homme fait, la femme aussi peut le faire. Même la peinture ou être maçon, ou être tôlier ou mécanicien n’est pas mauvais. Il n’est pas dit tel ou tel métier n’est réservé qu’aux hommes. D’ailleurs, dès qu’un appel d’offres est lancé la candidature d’une femme a plus de chance d’être retenue qu’un homme. Donc, elles doivent se lancer et tenter leur chance. Donc, c’est cette chance que moi j’ai eue.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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