Fête du 1er mai : le message de Dr Saran Keïta aux femmes de Guinée

Madame Kourouma Dr Saran Keïta, Cheffe d’entreprise d’AMIDJOR Agro Business

L’humanité célèbre ce vendredi, 1er mai 2020, la journée internationale du travail. L’occasion est mise à profit pour parler des conditions de vie et de travail des travailleurs, notamment de la couche féminine qui se bat contre vents et marrées pour sortir la tête de l’eau. C’est dans ce cadre qu’un reporter de Guineematin.com est allé à la rencontre de madame Kourouma Dr Saran Keïta, cheffe de l’entreprise AMIDJOR Agro Business. Elle évolue dans la transformation des produits agricoles locaux tels que le maïs, le miel, le mil et le gingembre pour ne citer que ceux-ci.

Dans l’entretien accordé à notre reporter, il a été question, entre-autres, de son activité, de la célébration de la journée internationale des travailleurs et de l’appel qu’elle lance aux guinéennes.

Guineematin.com : à l’instar des autres pays du monde, la Guinée célèbre la journée internationale du travail dans une ambiance morose provoquée par le Coronavirus. Quels sont les sentiments qui vous animent aujourd’hui ?

Dr Saran Keïta : en tant que travailleuse, je peux dire que je suis dans la joie parce que quand on travaille, on récolte positivement. Quand on travaille, on est émancipé et puis on peut jouir du fruit de son travail. Donc, je suis contente d’être travailleuse.

Guineematin.com : à la différence ce de plusieurs femmes de Guinée, vous êtes aujourd’hui autonome, parlez-nous de votre activité ?

Madame Kourouma Dr Saran Keïta, Cheffe d’entreprise d’AMIDJOR Agro Business

Dr Saran Keïta : Je ne suis pas tout à fait autonome. Mais, je tire vers l’autonomie parce que j’ai opté pour travailler et faire travailler les femmes, sensibiliser les femmes pour qu’elles soient comme moi, pour qu’elles travaillent comme moi. C’est ce qui fera qu’elles ne seront pas marginalisées, elles ne seront pas violentées dans leurs foyers conjugaux et dans la vie. Quand on travaille, vraiment on est libre de ce qu’on fait. Moi j’ai opté pour la valorisation des produits locaux. Comme je suis médecin nutritionniste, je connais les aliments qui peuvent entrer dans le développement, dans la croissance de l’être humain, ce qui a fait que moi j’ai opté pour la transformation et ça me va droit au cœur et je l’aime. Pourquoi ? Je me suis investie dedans et je veux montrer aux autres femmes que la transformation ce n’est pas parce qu’on n’a pas étudié, ce n’est pas parce qu’on n’est pas universitaire. Ça, c’est une profession à part aussi. Moi j’ai opté pour la transformation agro-alimentaire pour contribuer à la sécurité alimentaire de mon pays, pour contribuer à l’émancipation des femmes et pour contribuer au développement économique des femmes. Donc, c’est sur les trois piliers que je m’accentue pour pouvoir contribuer au développement de mon pays.

Guineematin.com : Parlez-nous des produits locaux que vous transformez ici

Dr Saran Keïta : mon produit phare, c’est le gingembre. Le gingembre, je le transforme en poudre, je le transforme en sirop et bien tôt je ferai une autre gamme de gingembre. Je fais aussi le Soumbara, je transforme aussi le soumabara, je transforme le mil en couscous de mil et je transforme aussi le maïs en couscous de maïs. Je fais aussi le bissap, la poudre de bissap. Je fais aussi le miel. Donc, pratiquement, j’ai tout un système de transformation des produits locaux, les produits forestiers non ligneux. C’est pour valoriser, produire en Guinée, transformer en Guinée et consommer en Guinée avant de vendre au gens de l’extérieur.

Guineematin.com : Qu’est-ce que cette activité vous rapporte aujourd’hui ?

Dr Saran Keïta : Ça me rapporte d’énormes avantages. Premièrement, ça me rapporte économiquement. Socialement, ça me rapporte. Et comment socialement ça me rapporte ? Parce que je travaille, je collabore avec les femmes. Ces femmes sont des chefs de ménages. Donc, ce sont des mamans qui ont des enfants, qui ont des maris. Socialement, je contribue. Parce que ces femmes, quand elles viennent travailler, elles sont rémunérées. Le peu qu’elles gagnent, elles peuvent aller nourrir leurs familles avec ça. Socialement, ça me met en relation avec beaucoup de femmes. C’est les femmes qui transforment, qui vendent en tant qu’agent commercial. C’est les femmes à qui on amène pour préparer à la maison. Parce que même si vous les hommes vous payez, vous amenez à vos femmes, elles sont épargnées des difficultés de travail. Elles peuvent gérer le temps de travail parce que moi je fais tout ici. Quand elles amènent, elles n’ont que 15 à 20 minutes de préparation, c’est fini. Elles gagnent en temps et en énergie. Donc, socialement, ces femmes qui utilisent à la maison, cherchent à connaitre qui prépare ça ? Qui fabrique ? Je reçois souvent les appels pour me féliciter. Ce que tu fais, c’est bon, c’est de la bonne qualité. Ça nous facilite la tâche de préparation. Troisième point, l’avantage, c’est sur le plan sanitaire. Ça contribue au bien-être de l’Homme. Parce que quand vous prenez les 80% de mes produits, ce sont des médicaments. Des aliments médicamenteux. Le gingembre a beaucoup de vertus. Tu le consommes en tant qu’aliment, tu le consomme en tant que médicament, le gingembre traite les maux de gorge, il traite la toux, les impuissances de l’homme. Au niveau du Soumbara aussi, tu le consommes en tant que médicament, tu le consomme en tant qu’aliment. Le Soumbara se mange avec le riz. Ça traite la constipation, ça traite les problèmes cardiovasculaires, ça stabilise la tension. Le miel aussi la même chose. Le miel quand vous le consommer c’est très bon ; c’est un antibiotique, un anti-inflammatoire. Le baobab, ça c’est un antibiotique de l’excellence. Ça c’est très important, le bissap stabilise la tension. Donc, tous ces produit-là jouent les deux rôles. Le rôle alimentaire et le rôle médicamenteux.

Guineematin.com : Aujourd’hui, vous avez combien d’employés ?

Dr Saran Keïta : au niveau de l’entreprise, nous avons au moins 13 employés. 10 femmes et 3 hommes.

Guineematin.com : vos produits sont commercialisés dans quels endroits ?

Dr Saran Keïta : ns produits sont commercialisés d’abord avec les agents commerciaux à travers les services. La boutique du ministère du commerce, la boutique de l’AGUIPEX et quelques stations-services prennent. Pour le moment, ils ne sont pas envoyés à l’intérieur du pays parce que je n’ai pas eu de partenaire sûr qui s’intéresse à ça, qui peut être vraiment quelqu’un de confiance pour le moment.

Guineematin.com : l’actualité est dominée par le COVID-19, dites-nous, quels sont les impacts négatifs sur votre activité ?

Dr Saran Keïta : les impacts négatifs sont énormes. D’abord, tous les travailleurs ne peuvent pas venir travailler. Parce qu’on a dit d’éviter le rassemblement, le contact, ça c’est un. Le deuxièmement, on ne peut pas avoir accès à nos matières premières qui sont à l’intérieur. Ce n’est pas facile. Il n’y a pas de transport pour le moment. On nous dit souvent que les véhicules peuvent envoyer les marchandises mais ça ne marche pas. Parce que nous nous pouvons envoyer l’argent qu’on travaille avec la nouvelle technologie. Mais le problème est que quand tu envoies l’argent pour payer, les gens n’ont pas la conscience professionnelle pour travailler avec la nouvelle technologie. On transfert l’argent, eux ils préparent les colis ils envoient avec les chauffeurs. Ça ne marche pas parce qu’il t’envoie pas les matières premières de bonnes qualités. On pense que tu n’es pas là-bas donc, tu ne peux pas vérifier. Et une fois que ça quitte dans leurs mains, ils refusent qu’on leurs retournent donc, ça bloque. Ensuite, nous avons nos emballages qui ne sont pas fabriqués en Guinée. Ça vient d’ailleurs mais, le pont est coupé et les frontières sont fermées. Comment avoir accès à nos emballages ? Ce n’est pas évident. Donc, on est bloqué dans ce sens. Vous avez vu on est en train de travailler avec la main, avec le pilon. On est en train de négocier avec les partenaires de l’extérieur pour avoir des petits équipements qu’on peut acheter pour nous faciliter la tâche au travail. Ma vision était de fabrique des machines en Guinée et de transformer en Guinée. Ce n’est pas évident. La main d’œuvre guinéen n’est pas comme ça. Il n’y a pas de professionnalisme, il n’y a pas de conscience et la main n’est pas là. Vous allez voir tout de suite les machines que j’ai fabriquées sur place ici. Ça a fait un an et demi. Bientôt deux ans. Jusqu’à présent l’installation n’est pas finie. C’est pourquoi, parce qu’il n’y a pas de conscience professionnelle au niveau de artisans. On dépense des millions et des millions, jusqu’à présent l’installation n’est pas finie. Ça fait deux ans je perds. C’est un blocus total. Donc, on est obligé de faire recours aux artisans d’ailleurs aux chinois, pour qu’on puisse avoir la moindre tâche dans la transformation. Avec le Covid-19, il y a d’énormes impacts négatifs. Le chiffre d’affaire a baissé complètement. Il n’y a pas de vente. Les agents commerciaux se promenaient dans les services. C’est le service minimum qui se trouve au niveau de la fonction publique actuellement et au niveau des privés. Les gens ne travaillent pas. Ils ont libéré les 75% des travailleurs. On ne garde que les 30 et 25%. Il n’y a pas de vente. Au niveau de l’exportation, je me débrouillais à exporter une partie de mes produit-là et le poisson fumé. Mais avec le Covid-19, les frontières sont fermées. On est bloqué. Le Covid-19 est venu pour tuer les petites PME (Petites et Moyennes Entreprises), pour mettre à plat nos activités. Donc, il y a un impact négatif sur nos activités. Nos activités ne marchent à l’heure-là qu’à 15%.

Guineematin.com : Quels messages avez-vous à lancer à l’endroit du syndicat des travailleurs de Guinée ?

Dr Saran Keïta : Le message que j’ai à l’endroit des syndicats des travailleurs de Guinée, c’est d’abord prendre courage eux-mêmes. Essayez toujours de sensibiliser la couche féminine. La couche féminine travaille c’est vrai. Mais pourquoi on n’aboutit pas ? Les 100 personnes commencent leur activité mais les 100% des femmes qui continuent et qui finissent, c’est seulement les 30% qui finissent, pourquoi ? Ils n’ont qu’à chercher et nous aider à corriger ça. Sensibiliser et aider les femmes à mieux gérer leurs petites entreprises, aider les femmes à prendre courage à ce que nous ayons confiance en nous-mêmes. Quand tu as confiance en toi-même, aucun homme ne peut te dépasser. Si tu n’as pas confiance en toi-même comment se fait-il que quelqu’un d’autre ait confiance en toi ? C’est pourquoi je leur dirai de prendre l’exemple sur moi. Le syndicat de Guinée n’a qu’à me lancer comme référence. J’ai confiance en moi, je fais mon activité. Vous avez vu aujourd’hui normalement c’est la fête pendant que moi je fais ma fête à l’atelier en travaillant toujours. Moi, je n’ai pas de repos.

Guineematin.com : quel est le dernier mot ?

Dr Saran Keïta : Ce que je peux rajouter à ça, je vais sensibiliser un peu la population concernant l’utilisation des ports des masques de protection. Je suis médecin. On ne porte pas les masques pour quelqu’un et pas pour le président de la République Parce que j’attends souvent dire c’est Alpha qui a imposé le port des masques. Que les gens enlèvent ça dans leurs têtes. On porte le masque pour soi. Pour se protéger contre la maladie, pour protéger les autres contre la contamination. Quand on est malade, on protège les autres et quand on est saint, on se protège soi-même pour ne pas contracter le virus. Il faudra accepter de porter les masques qui sont doublés. Réellement, moi je remercie très sincèrement le président de la République parce qu’il a dédié son mandat aux femmes et aux jeunes et quiconque aide les femmes, a aidé la population. Je remercie aussi les médecins soignants qui se trouvent à Donka pour nos malades. L’attention, le manque de sommeil qu’ils tirent pour nos malades, on leur tire chapeaux et les remercie et leur demande d’efforts pour qu’il y ait beaucoup de guéris que de contaminés. Il faut qu’ils soient plus rapides que le Coronavirus.

Interview réalisée par Mohamed DORE pour Guineematin.com

Tél. : +224 622 07 93 59 § 666 87 73 97

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