Décès Soumaïla Cissé : Cellou Dalein pleure « un pionnier de l’intégration africaine »

Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG

La mort de Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition malienne, suscite des réactions en Guinée. Le principal opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo, regrette la perte d’un « pionnier de l’intégration africaine ».

Peu après l’annonce du décès de Soumaïla Cissé, Cellou Dalein Diallo a reçu un groupe de journalistes, dont un de Guineematin.com, à son domicile, sis à Dixinn (Conakry). Visiblement très ému, le président de l’UFDG dit avoir été surpris par la mort de l’opposant malien, dont il était un grand ami. « Je ne savais pas qu’il était malade. Donc, c’est avec beaucoup de surprise que j’ai appris sa mort. C’est triste et c’est une perte pour le Mali, c’est une perte pour notre sous-région. Je dois rappeler que Soumaïla Cissé a dirigé l’UEMOA pendant presqu’une dizaine d’années », a déclaré le principal opposant guinéen.

Cellou Dalein Diallo en a profité pour rappeler les bonnes relations qu’il entretenait avec le défunt. « Nous entretenons depuis 1998 une forte relation d’amitié. On s’est rencontré lors d’une réunion annuelle du Fonds monétaire et de la Banque mondiale à Washington. Nous étions tous les deux des gouverneurs de nos pays respectifs et nous étions donc membres de ce qu’on appelle le Groupe Africain qui, avant les réunions du Fonds et de la Banque, se retrouvent avec les professionnels de la Banque, le Directeur général du Fonds monétaire international.

Au cours d’une réunion que nous avons eu avec le président James Wolfensohn, il y a eu un ministre africain qui a eu des mots très durs vis-à-vis de la Banque mondiale. Si bien que le président Wolfensohn s’est formalisé visiblement, parce que ce collègue avait attaqué fortement la Banque mondiale et ses politiques en Afrique. Et après le départ de Wolfensohn, qui était vraiment touché, nous ministres africains, on a dit que c’était une erreur de notre collègue de tenir un discours si dur. On a décidé de lui envoyer une délégation pour regretter ce qui s’est passé en quelque sorte et plutôt pour l’encourager dans les nombreuses initiatives qu’il prenait en faveur de l’Afrique.

Donc, Soumaïla a proposé que je sois le porte-parole de cette délégation de 5 membres. Connaissant mes relations avec le vice-président de la Banque mondiale, il m’a dit de négocier le rendez-vous avec Wolfensohn. Nous sommes allés à son bureau et Soumaïla a proposé que je sois le porte-parole. Naturellement, j’ai pris la parole pour dire que nous regrettions les propos très sévères utilisés par notre collègue et que nous étions conscients des initiatives qu’il prenait vis-à-vis de l’Afrique parce qu’il faut savoir que c’est lui qui a eu l’initiative de l’instrument PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).

On estimait qu’il fallait qu’on annule aussi la dette multilatérale parce que jusqu’à présent, le Club de Paris c’était juste la dette vis-à-vis des créanciers officiels des Etats. Il n’y avait pas eu encore d’annulation. Wolfensohn avait proposé que désormais, il y ait l’allègement de la dette et qu’on prenne un volet annulation. On a rappelé tout ce qu’il faisait et la lutte contre la pauvreté aussi c’est lui Wolfensohn. C’est ainsi que la lutte contre la pauvreté est devenue d’actualité dans nos Etats ainsi que les documents de de stratégie de lutte contre cette pauvreté ont été faits. On l’a un peu flatté et on a réglé le problème.

Quelques années plus tard, Soumaïla Cissé est toujours ministre des Finances du Mali, je suis gouverneur pour la Guinée à la Banque mondiale. Monsieur Sidya Touré qui était notre Premier ministre m’avait désigné pour occuper ce poste. Il y a eu une crise au niveau de la Banque. Vous savez, nos administrateurs représentent les pays. Nous avons un administrateur commun au niveau de la Banque mondiale. Compte tenu de la faiblesse de leur participation au capital de ces institutions, c’est plusieurs pays africains qui se retrouvent. On avait donc le bureau des pays francophones et le bureau des pays anglophones. Ali Bourhane qui était notre administrateur et qui était des Comores devait quitter le poste. Et c’était le tour du Djibouti.

Les gouverneurs africains ont dit qu’il faut que l’ancien administrateur suppléant qui était là pour Djibouti soit désigné parce qu’il a déjà l’expérience de la Banque où il est resté déjà pendant 4 ans, et qu’il doit maintenant devenir administrateur titulaire. Mais, le gouvernement de Djibouti a dit qu’il est hors de question. Cet administrateur suppléant était supposé être avec l’opposition dans son pays et le président du Djibouti a demandé à ce qu’il soit remplacé. On a dit non, qu’on ne peut pas prendre quelqu’un qui n’a pas fait le stage en quelque sorte, quelqu’un qui n’a pas fait la suppléance pendant les 4 ans.

Donc, Soumaïla m’appelle la nuit et dit : tu sais que la Guinée et le Mali sont deux poumons d’un même corps. Nous voulons présenter notre collègue Touré, qui était conseillé à l’administration et qui connaît les rouages du bureau de l’administrateur pour remplacer notre groupe. Il faut que tu nous soutiennes. J’ai dit qu’il n’y a pas de problème si c’est un malien. On a pu faire la campagne pour lui et il a été désigné administrateur.

Soumaïla a quitté son poste de ministre des Finances, il est devenu ministre des Travaux publics lorsque moi aussi, j’étais ministre des Travaux publics. Alors, on devait lancer les travaux de la route Kankan-Kourémalé et le projet c’était Kankan-Bamako en fait. Bien entendu, je l’invite et il vient à Kankan où j’étais avec le Président Conté pour lancer les travaux. C’était encore Konaré qui était président (du Mali), mais il devait quitter parce qu’il était pratiquement au terme de son second mandat.

Et c’est là que Soumaïla m’a soufflé qu’il va être candidat. Bien entendu, je fais l’indiscrétion au président Conté pour dire : mon collègue-là va être candidat pour la prochaine élection présidentielle. Le Président Conté dit non : moi je soutiens le militaire Amadou Toumani Touré(ATT), donc c’est tant pis pour ton ami. Il chahutait en fait. On a lancé les travaux avec Soumaïla Cissé et le président Conté, à la sortie de Kankan.

A la mise en circulation des ponts, il (Soumaïla Cissé) était déjà président de l’UEMOA. Parce que lorsqu’il a perdu l’élection présidentielle, ATT qui a été élu, l’a désigné pour être président de l’Union Economique et monétaire Ouest-africain à Ouagadougou. Soumaïla était parti mais, en tant que président de l’UEMOA, comme on avait lancé ensemble les travaux, je l’ai invité et il est venu de Ouaga à Kankan pour la mise en circulation des ponts sur le Niger à Djélibakoro et le pont sur le Niger à Tinkisso. C’était en février 2004.

J’ai été nommé après Premier ministre. Et lorsque j’ai été limogé, Soumaïla m’a dit de venir me reposer à Ouaga. Après les Etats-Unis, je suis venu, il a une villa des hôtes à l’intérieur de sa propre résidence et je suis resté là deux semaines. Et puis, on avait vraiment une relation solide. Maintenant, chaque fois que j’ai un congrès, il vient et à chaque fois qu’il a un congrès il m’invite. On a gardé cette solide relation d’amitié.

Il y a 2 semaines, il m’a appelé et a dit qu’il a appris tout ce qui se passe ici. Il veut venir parler avec Alpha pour voir s’il pouvait, compte tenu du fait qu’Alpha l’avait invité ici pour parler un peu entre lui et IBK, s’il pouvait venir prêter sa mission. J’ai dit qu’on peut en discuter lorsqu’il sera disponible. Lorsqu’il a été pris en otage, j’étais en contact permanent avec sa famille et j’étais très inquiet. Maintenant je me réjouissais de sa libération et avec un gouvernement de transition, j’estimais qu’il avait toutes les chances d’être élu Président au terme de cette transition.

J’ai parlé tout à l’heure avec son fils et c’est vraiment de la tristesse. Je voudrais adresser mes condoléances au peuple malien, à sa famille et à l’international libéral. C’est moi-même qui l’ai parrainé pour être membre de l’International Libéral. Il est membre du Réseau libéral africain et à l’international Libéral. C’est une grande perte pour l’Afrique. C’était un pionnier de l’intégration africaine. Il croyait à l’intégration africaine, et son passage à la tête de l’UEMOA avait renforcé cette conviction. Il y croyait vraiment. La sous-région perd un patriote, un artisan de l’intégration de la sous-région », a dit Cellou Dalein Diallo.

Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com
Tél : 622 68 00 41

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