Putsch au Tchad : l’opposant guinéen Bah Oury appelle à « repenser la politique africaine »

Bah Oury, président du parti UDRG (Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée)
Maréchal Idriss Deby Itno, défunt dictateur tchadien

Depuis l’annonce, le mardi dernier de la mort du dictateur Idriss Déby Itno, la situation actuelle au Tchad est scrutée et largement commentée en République de Guinée. Mais, ce qui retient le plus l’attention, c’est le coup d’Etat perpétré par un « conseil militaire de transition » dirigé par Mahamat Idriss Déby Itno, un des fils du défunt président. Cette prise du pouvoir –en violation des dispositions constitutionnelles du pays qui règlent la question de la vacance du pouvoir à la tête de l’exécutif- rappelle surtout la coutume des armées dans les pays francophones d’Afrique après la disparition (le décès) d’un chef d’Etat en exercice.

Lors d’un entretien accordé à Guineematin.com hier, jeudi 22 avril 2021, l’opposant guinéen Bah Oury a appelé à voir au-delà de ce qui se passe actuellement au Tchad. Le président de l’Union des démocrates pour la renaissance de la Guinée (UDRG), estime « qu’il est urgent de repenser la politique africaine, le mode d’évolution des pouvoirs, le respect des constitutions, leur solidité et leur légitimité ». D’ailleurs, il enseigne que « le modèle des 30 dernières années, avec le multipartisme intégral qui n’a pas donné tous les résultats attendus, est essoufflé ». Bah Oury suggère de trouver un modèle plus efficace de gestion des Etats du continent et qui tient en compte de l’évolution de nos sociétés où les populations sont devenues plus exigeantes, mieux informées et plus en phase avec les réalités du reste du monde.

Décryptage !

Bah Oury, président du parti UDRG (Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée)

« Lorsque la limitation des mandats n’est pas respectée, lorsque l’alibi des élections n’est qu’une façade pour faire perdurer la confiscation du pouvoir, à la longue, ça encourage l’émergence de modes d’évolution des pouvoirs qui sont des modes violents : soit un coup d’Etat militaire, soit des groupes armés. Ça, c’est un premier aspect.

Le deuxième aspect qu’il faut intégrer dans la dimension africaine, c’est la période des 30 années de conférences nationales souveraines avec des démocraties formelles, avec des Commissions Électorales Nationales Indépendantes (CENI) qui ont été créées pro ou prou pour donner un semblant d’équité, de régularité et de transparence. Ce modèle s’est totalement essoufflé. Et donc, la question à l’heure actuelle, au-delà du Tchad, la question interpelle l’ensemble du continent africain. Le Bénin qui avait commencé la conférence nationale, vous avez vu les élections de la semaine dernière comment elles ont été ponctuées. Cela veut dire que le modèle des 30 dernières années, avec le multipartisme intégral qui n’a pas donné tous les résultats attendus et que les élections ont plus été des élections alibis pour la majorité des pays, ce modèle est essoufflé. Il faut autre chose pour permettre aux sociétés africaines qui sont devenues plus évoluées, plus informées, plus exigeantes d’espérer dans les traditions démocratiques non violentes, pacifiques, pour la dévolution du pouvoir. Les autorités en situation de responsabilités aujourd’hui qui s’arcboutent pour confisquer le pouvoir sont peu ou prou celles qui encouragent les méthodes à caractère violent pour un changement de régime dans la plupart de nos Etats. Et ça, c’est une leçon qu’il faut retenir. Il est urgent de repenser la politique africaine, le mode d’évolution des pouvoirs, le respect des constitutions, leur solidité et leur légitimité. Parce que sinon, c’est le continent tout entier qui est en train d’être déstabilisé par des appétits que certains ont pour le pouvoir ».

Propos recueillis par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

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