Cellou Dalein et Sidya Touré seront-ils exclus de l’élection présidentielle à venir ? Ce qu’en pense Abdourahmane Baldé

Abdourahmane Baldé, coordinateur régional du Collectif droit et justice équitable en Guinée

S’achemine-t-on vers l’exclusion de Cellou Dalein Diallo et de Sidya Touré de l’élection présidentielle à venir ? C’est en tout cas ce que croit Abdourahmane Baldé, le président du Parlement des jeunes de Guinée et coordinateur du collectif Droit et justice équitable en Guinée.

Selon l’activiste de la société civile, le CNRD va tout mettre en œuvre pour empêcher les deux anciens Premiers ministres, expulsés récemment de leurs résidences (considérées par la junte militaire au pouvoir comme étant des patrimoines de l’Etat), de briguer la magistrature suprême. Il l’a dit dans un entretien avec un journaliste de Guineematin.com, samedi dernier, 12 mars 2022.

Décryptage !

Guineematin.com : ces dernières semaines, on parle de plus en plus d’une éventuelle exclusion de certains leaders politiques de la prochaine présidentielle. Et vous, vous êtes convaincu aujourd’hui qu’il ne s’agit pas de simples rumeurs, mais d’un projet qui est déjà en marche ?

Abdourahmane Baldé : oui, je pense que les ministres et anciens Premiers ministres du général Lansana Conté et même du Pr Alpha Condé ne seront pas concernés par les élections à venir en Guinée. Le Pr Alpha Condé l’avait suffisamment dit, qu’il ne laisserait pas la Guinée dans les mains des anciens Premiers ministres, les gens n’y ont pas cru. Mais, je pense que les Guinéens comprennent qu’après lui, ce n’est pas Cellou, ni Sidya qui vont venir au pouvoir. Ils seront indubitablement exclus de l’élection à venir. Ils ne seront pas candidats à cette élection.

Le CNRD vient avec des enjeux à la fois générationnels, mais aussi une vision progressiste. Je pense que l’arrivée au pouvoir d’un Dr Ibrahima Kassory Fofana, d’un Cellou Dalein Diallo ou d’un Sidya Touré sera vue comme étant le retour des anciennes pratiques dans notre pays par le CNRD. C’est mon avis. Je ne pense pas que les conditions soient réunies pour que ces anciens Premiers ministres soient candidats aux prochaines élections.

Vous avez vu comme moi les dossiers qui ont été à la fois soulevés contre Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré. Vous avez remarqué qu’ils auront à faire avec la justice et qu’il y a une forte probabilité pour que les anciens Premiers ministres aient des soucis avec cette justice. Je dis de manière certaine que les réalités politiques aidant, ces anciens Premiers ministres ne seront pas les successeurs du colonel Mamadi Doumbouya.

Guineemtin.com : on sent que vous êtes certain de ce vous dites, vous avez peut-être des éléments qui vous amènent à croire fermement à un tel scénario ?

Abdourahmane Baldé : vous savez qu’on ne devrait pas parler pour parler. Vous avez vu récemment Dr Ibrahima Kassory qui a voulu être investi à la tête du RPG. Des jeunes se sont soulevés et il a eu du mal à faire entendre son discours. Cela veut dire qu’il y a une vision générationnelle. Et une volonté de refonder l’Etat guinéen suppose la gestion efficace du conflit générationnel qui existe. Le CNRD ne l’a pas caché, il fera les choses sans les leaders politiques guinéens, absolument.

Les politiciens guinéens ne seront pas, au sens propre du terme, concernés par les priorités du CNRD, simplement parce qu’ils (les membres CNRD, ndlr) sont venus avec une visée générationnelle, une visée réformiste. Et eux-mêmes, ils ont des images un peu négatives des anciens gouvernants du pays. Cela veut dire qu’il faut s’attendre à ce que ces gens soient exclus soit par l’aspect générationnel, soit par la justice, soit parce que 80% de l’élite guinéenne ne veut pas d’eux. Même s’ils sont aimés par la majorité des Guinéens, mais l’élite ne veut pas entendre parler de ces anciens Premiers ministres.

C’est ce qui est clair et évident. Nous ne parlons pas en s’attardant sur des préjugés. En réalité, les uns et les autres doivent se préparer à l’émergence d’un nouveau leadership au sein des partis politiques, à la tête de l’Etat guinéen. Parce qu’à défaut de trouver un moyen pour que ces gens-là ne reviennent pas au pouvoir, c’est le colonel Mamadi Doumbouya ou un autre qui va continuer.

Guineematin.com : à votre avis, est-ce qu’il est possible d’organiser une élection présidentielle en Guinée, en excluant Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, qui sont actuellement les deux principaux leaders politiques du pays ?

Abdourahmane Baldé : qu’est-ce qui n’est pas possible ? Vous avez entendu des leaders politiques qui ont été proches de la victoire pour ne pas dire que c’est eux qui ont gagné les élections en 2010, dire qu’ils ont abandonné leur victoire à cause de la paix. Vous avez entendu des leaders politiques d’ici accepter que des élections soient organisées au bout de quatorze mois au lieu de trois. Qu’est-ce que ces leaders politiques ont pu réussir en Guinée ? Les anciens Premiers ministres n’ont rien réussi.

Ce qui a favorisé l’émergence du capitaine Moussa Dadis Camara à la tête de l’Etat guinéen, c’est l’échec de la classe politique. Ce qui a favorisé l’émergence de la nouvelle transition avec le Colonel Mamadi Doumbouya, c’est bien entendu l’échec des leaders politiques. Ils sont haineux entre eux, ils se combattent les uns contre les autres, ils sont d’accord quand il s’agit de mettre les gens dans la rue, mais quand il s’agit de faire émerger un leader qui va les représenter, ils ne s’entendent jamais.

En réalité, nous sommes dans les conséquences de l’impuissance et de l’inefficacité des leaders politiques guinéens. C’est ce qui est paradoxal. Mais, je pense également que l’histoire de la Guinée nous oblige à être optimistes. Nous devons être optimistes et espérer que la Guinée ira dans le sens souhaité. Nous les jeunes, nous devons nous mobiliser pour que les uns et les autres puissent s’activer, avoir l’idée de rêver grand pour que cette nation puisse se construire, pour qu’on puisse nous aussi contribuer au festin de l’humanité.

Guineematin.com : pensez-vous qu’une telle décision n’aurait pas de conséquences sur la paix et la stabilité de la Guinée ?

Abdourahmane Baldé : il n’y en aura pas beaucoup. J’ai entendu des gens parler au sein du FNDC, les quelques jeunes qui sont réunis là-bas, qui menacent de manifester. Mais, ils sont dépassés par la réalité du terrain. Ils ne comprennent pas que la Guinée du Colonel Mamadi Doumbouya est différente de la Guinée du Pr Alpha Condé. Je pense que ce Colonel détient et développe des plans stratégiques qui lui permettront indubitablement d’atteindre ses objectifs pour la Guinée. Les conséquences, c’est comme quand on parlait du déguerpissement des leaders politiques, notamment Cellou Dalein et Sidya Touré.

Beaucoup se disaient que ça allait exploser en Guinée. La Guinée ne va pas exposer. Ces leaders politiques vont être mis de côté et la vie va continuer. Il n’y aura aucune autre conséquence néfaste, sauf quelques éléments qui vont sortir dans la rue et qui risqueraient d’en subir les conséquences. Mais, vous savez que la Guinée est un pays qui avance et parfois sans la justice. Alors, ils ont été sortis des bâtiments qu’ils occupaient, parce que la majorité de l’élite a estimé quand même qu’ils ne pouvaient pas être vendeurs et acheteurs. Et aujourd’hui, ils sont en train de se victimiser à l’étranger.

Mal se victimiser d’ailleurs, parce que ce sont eux aussi qui sont en train de pleurnicher pour demander le dialogue. Dans aucun pays au monde, vous n’entendez l’opposition crier et demander le dialogue. Ça, c’est un aveu d’impuissance. C’est parce qu’en réalité, on va les mettre dans une salle climatisée et les écouter. Le peuple ne veut que de quelqu’un qui va l’aider à sortir de la misère, du trou dans lequel il est, et le hisser vers la construction de son destin. Donc, ne vous attendez pas à trop de conséquences néfastes.

Entretien réalisé par Mamadou Yaya Diallo pour Guineematin.com

Tél : 622 67 36 81 

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