Procès du 28 septembre : une grave révélation contre Thiegboro Camara sur les détentions extrajudiciaires

Mamadou Kaly Diallo, activiste des droits de l’homme et responsable du programme de Démocratie sans violence, la baïonnette intelligente (DSV-BI)

Depuis le 28 septembre 2022, l’opinion reste accrochée au feuilleton du procès du massacre du 28 septembre qui met au box des accusés, l’ancien chef de la junte, le Capitaine Moussa Dadis Camara et 11 de ses coaccusés dont le Colonel Moussa Thégboro Camara, l’ancien secrétaire d’Etat chargé des services spéciaux, de  la lutte contre la drogue et du grand banditisme. Accusé entre autre autres de meurtre, d’assassinat, de viol, de torture, d’enlèvement, de séquestration, le Colonel Thiégboro Camara vit un des moments les plus compliqués de ce procès qui continue de révéler ses secrets au public.

Après le passage de plusieurs parties civiles portant de graves accusations contre le Colonel Moussa Thégboro Camara, celui des coaccusés comme Toumba Diakité et Marcèle Guilavogui (tous deux de l’ancienne garde rapprochée de l’ancien chef de la junte), c’est une des voix et non des moindres qui sort du bois pour mettre Thigboro au pilori.

Kaly Diallo, activiste des droits de l’Homme et responsable du Programme Démocratie sans violence et Baïonnette intelligente (BSV/BI), dans un entretien accordé à un journaliste de Guineematin.com, le samedi 22 juillet 2023, révèle bel et bien l’existence de lieux de séquestration et de torture dirigés à l’époque par le Colonel Thégboro, alors Secrétaire d’Etat chargé des services spéciaux, de la lutte contre la drogue et du grand banditisme.

« Je prends la parole pour témoigner. Je rappelle que j’étais parmi les grévistes de la faim qui avaient grevé pendant six jours, à la maison des jeunes de Dixinn pour demander l’arrêt des violences, des exactions, des persécutions, des arrestations arbitraires… exercées contre les citoyens suite aux évènements du 28 septembre 2009. Et interpeller les acteurs politiques à initier un dialogue politique. C’est là que le Colonel Thégboro, conduisant un contingent est venu nous cueillir à la maison des jeunes de Dixinn, nous humilier et nous maltraiter avant de nous conduire dans ses locaux, situés au Camp Alpha Yaya Diallo. Il nous a lancé des menaces en disant qu’on va périr si on n’arrête pas la grève de la faim. Finalement il nous a été demandé de choisir de prendre 100 coups de fouet ou un pain et une boîte de cornets de bœuf. Face à la hargne et mis devant des contraintes inacceptables, nous avons sauvé nos vies en prenant le pain. Il faut souligner que dès qu’on est arrivé, nous avons été jetés dans un conteneur qui servait de lieu de détention. Après avoir pris le pain, moi personnellement, j’ai été extrait de là par des enquêteurs qui nous prenaient pour des terroristes, des gens financés par l’opposition et qui cherchaient à déstabiliser le pays. C’était entre  2 h du matin et 4. Le premier appel du muezzin ce jour, je l’ai entendu alors que j’étais en interrogatoire par un agent de Thiégboro. A la fin, on m’a mis en détention dans un conteneur où j’ai retrouvé plusieurs personnes dedans dont des latino-américains accusés de trafic de drogue dans ce conteneur de 40 pieds. J’ai trouvé quelqu’un qui parlait Portugais pour lui demander de me passer un appel téléphonique. Mais il était un peu réticent, puisqu’il n’y avait pas de crédits. Je lui ai dit que je vais appeler quelqu’un qui va m’envoyer de l’argent. J’ai effectivement appelé mon grand qui m’a envoyé de l’argent. J’ai ensuite contacté l’OGDH qui m’a demandé de communiquer les noms. Ce que j’ai fait. La RADHO a fait un communiqué exigeant de situer là où nous sommes, suivi du gouvernement français et du Bureau des Nations Unies. Avec la pression de la communauté internationale, nous avons été extraits de cellule pour être envoyés au CHU de Donka, non pas pour être soignés mais être soumis à une autre forme de torture. Sur place, on nous a obligé à rester débout et la tête vers le soleil et les yeux ouverts. Il a fallu l’arrivée d’un autre agent de la gendarmerie, un certain Jacques Touré pour nous enlever là-bas. Entretemps, Moustapha Koutoubou Sanoh, l’un des membres du gouvernement de la junte, est arrivé nous prendre pour aller à un restaurant à ses frais. Après avoir fini de nous restaurer, il reçoit l’appel du Capitaine Moussa Dadis Camara, selon lui, demandant de nous voir. Nous sommes allés au camp. Finalement et après une longue attente qui a duré jusqu’à 2 h du matin, Koutoubou Sanoh a ramené chacun de nous chez lui », a expliqué Kaly Diallo.

Cet évènement qui s’est passé le 26 octobre 2009 concernait 6 personnes, toutes de la société civile guinéenne. Malgré ce passage en enfer, ces victimes ont continué de subir le courroux des Thiégboro et de ses hommes.

« Le lendemain de notre libération, certains ont été repris par les services de Thiégboro qui faisaient le ratissage. Le Colonel Thiégboro avait personnellement juré de nous faire périr. Ce sont ses hommes qui nous ont fait arrêter sous sa barbe. Les tortures et les séquestrations qu’on a subies c’est sous ses ordres tout comme les menaces de mort qu’il nous a personnellement lancées. Imaginez-vous, pour juste avoir observé une grève de la faim, on a été arrêté, malmené et jeté dans un conteneur sans issue aucune, et fermé dedans comme de la marchandise. Et d’ajouter qu’il va nous faire périr. C’est du jamais vu quand même », a révélé l’activiste des Droits de l’homme qui promet de passer à la barre pour témoigner et contribuer à la manifestation de la vérité.

Kaly Diallo qui continuait de recevoir des appels anonymes mêlés de menace avait fini par fuir de la Guinée pour s’exiler au Sénégal. « Il a fallu la mise en place du gouvernement d’union nationale marquée par le retour et la sécurisation des leaders politiques, pour que je puisse rentrer au pays », a indiqué M.Diallo.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél. : 628 08 98 45

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