Fêtes du Makona : des risques d’affrontement à Guéckédou

L'artiste Elie Kamano
L’artiste Elie Kamano

Devenue depuis un certain temps l’évènement qui rassemble les résidants et les ressortissants de Guéckédou (en Guinée forestière), la « fête du Makona » est aujourd’hui une source de tension entre les fils de cette préfecture, située au sud de la Guinée. Actuellement, deux groupes conduits respectivement par l’épouse de Jean Mark Telliano, le leader du RDIG, et l’artiste reggae-man et homme politique Elie Kamano se rivalisent sur le terrain. Ce dernier accuse la femme du leader du RDIG d’avoir politisé la fête de Makona et semé la division entre les membres du « cadre de concertation ».

Dans un entretien qu’il a accord au téléphone à un reporter de Guineematin.com, l’artiste reggae-man a dit avoir été empêché de tenir un concert les 29 et 30 décembre dernier à Guéckédou. Mais, prévient-il, son concert du 01 janvier 2020 aura lieu, même si ce sont des chars qui sont dressées devant lui. « J’appelle les médias pour vous prendre à témoins afin que demain, le monde entier ait les yeux vers Guéckédou… », a dit Elie Kamano.

Selon nos informations, les fils de Guéckédou se rencontrent chaque année au Makona pour prier, faire des sacrifices et des offrandes pour leurs ancêtres. Mais, l’année dernière, ces retrouvailles entre frères et sœurs auraient fait l’objet d’instrumentalisation. « La femme de Jean Mark Telliano a voulu politiser cette activité. Parce qu’elle a compris que la fête de Makona est le seul évènement à Guéckédou qui peut regrouper tous les fils de la préfecture et mobiliser une masse… Donc, elle est venue faire un podium. Et, quand a fini, le cadre de concertation (une association à Guéckédou) m’a fait appel. Ils ont demandé mon service et ils m’ont dit que si je ne viens pas, Guéckédou va brûler, Guéckédou va sombrer dans les mains de la femme de Jean Mark », a indiqué Elie Kamano, tout en accusant la femme du leader du RDIG de vouloir passer par des évènements comme « la Makona » pour récupérer du terrain politique à Guéckédou.

Mais, le premier accrochage entre l’épouse du leader du RDIG et le reggae-man guinéen n’aura lieu qu’à Conakry, après la fête à Guéckédou où la femme de Jean Mark Telliano aurait pris des images du concert de l’artiste avec un drone.

« J’ai accepté l’invitation du cadre de concertation et j’ai débarqué à Guéckédou. A mon arrivée, j’ai mobilisé toute la ville, tous les jeunes au fleuve. Il y a eu beaucoup du monde autour du podium. Elle (l’épouse du leader du RDIG) avait un drone. Elle prend les images et les envoie à Alpha Condé pour dire que c’est elle qui a mobilisé. Le premier Couac est parti de là-bas… Nous avons vu dans les médias les images qu’elle a envoyées et les articles qu’ils ont faits par rapport à la mobilisation à la Makona. Je suis allé jusqu’au siège du RDIG à Yimbaya (Conakry)… et, je lui ai dit : madame, ne faites plus jamais ça », a expliqué Elie Kamano.

Cette année, poursuit l’artiste reggae-man, « elle se déplace pour aller voir les membres du gouvernement ; et, on lui donne de l’argent, un milliaire de francs guinéens. Mais, avant, on lui a dit qu’on te donne cet argent à une condition. Cette fois-ci, il faut qu’il y ait un podium et que tu puisses être d’accord avec le cadre de concertation. Parce que si le cadre de concertation n’est pas avec toi, Elie Kamano sera avec eux ; et, tu ne pourras pas mobiliser ».

Pour arriver à ses fins, l’épouse du RDIG aurait divisé le cadre de concertation sur la fête de la Makona. « Elle a amadoué certains et a acheté leur conscience. Mais, d’autres ont refusé de la suivre. Alors, j’apprends cela… et j’appelle à Guéckédou ceux qui ne sont pas d’accord avec les autres membres du cadre qui ont suivi la dame. Je leur ai dit de s’organiser, j’envoie de l’argent et on fait un concert ; et, on informe les jeunes que nous avons un podium, nous aussi… Notre concert était prévu le 29 décembre au stade. On arrive, on installe, le stade était plein… Ils viennent avec des gendarmes pour me demander de débarrasser. J’ai dit que je refuse. Ils ont fait deux heures en train de me supplier. J’ai dit monsieur écoutez-moi très bien. Nous avons fait une demande en bonne et due forme que nous avons adressée au directeur préfectoral de la jeunesse qui nous a fait un reçu. Ils ont dit non que ce reçu ne veut pas dire qu’il a donné son accord. Et, sur le champ, ils ont fait arrêter le gars et ils l’ont mis en prison… Finalement, ils nous ont dit de reporter le concert pour le 30 décembre. Parce qu’il y avait trop de tensions, trop d’appels de Conakry, le préfet aussi avait donné une instruction pour dire d’arrêter le concert. On leur a demandé s’ils nous donnent la garantie que nous allons jouer le 30 décembre, ils ont dit OUI », a confié Elie Kamano.

Le lendemain matin, ajoute le reggae-man, « ils nous ont convoqués, nous sommes allés et on a fait un engagement. Ils ont dit qu’ils ne veulent pas entendre de propos politiques. On a dit qu’il n’y a pas de problème. Après tout, les gens appellent pour dire que Elie Kamano, même s’il vous dit qu’il ne va pas parler de politique, c’est quelqu’un qui ne pourra pas se retenir devant la masse. Conséquence, on nous dit hier qu’on ne joue pas. Pendant que j’étais en train d’installer, c’est la femme de Jean Mark et son équipe que je vois dans le stade. Ils sont arrivés avec une sono. J’ai demandé aux gendarmes de les vider, faute de quoi, le sang va couler. Les gendarmes les ont vidés et la femme de Jean Mark a pleuré. Elle a appelé son mari ; et, ce dernier lui a dit de quitter les lieux. Parce que toute la population et les jeunes étaient derrière moi. Je leur ai dit qu’ils pouvaient jouer leur match ; mais, sans utiliser de sonorisation. Ils ont sorti leur sono et ils ont fait le match. Je leur ai dit qu’ils ne feront pas de concert ici tant que moi je n’ai pas fait mon concert », a expliqué l’amiral du reggae guinéen.

Dans sa quête de solution concertée, Elie Kamano et son « staff » feront quelques démarches auprès des autorités locales et du patriarche de Guéckédou. « Aujourd’hui, (31 décembre) on a passé la journée à aller voir les autorités locales. On est allé voir le patriarche qui est notre papa, notre autorité morale à Guéckédou. On lui a dit qu’on vient se plaindre chez lui parce que ces gens ne veulent pas nous laisser jouer à Guéckédou. Il a répondu que c’est impossible, que personne ne peut m’empêcher de jouer à Guéckédou. Il nous a dit comme les autres veulent aller à la Makona là-bas, toi tu viens à Tènö sur le même fleuve. J’ai accepté ; mais, avant de quitter, j’ai dit papa je vais attirer votre attention sur quelque chose. Lorsque ces gens-là apprendront que nous partons à Tènö, ils vont appeler même Alpha Condé ; et, Alpha Condé va vous appeler. Il a dit qu’il ne croit pas… Et, effectivement, les autres sont allés chez lui pour dire que si Elie va Tènö, toute la population va se mobiliser pour aller derrière lui. Nous, on va perdre nos postes. Alpha Condé dira que l’argent a été donné et on n’est incapable de mobiliser. Et, le soir, le patriarche a fait un communiqué pour annuler notre concert de demain (le 01 janvier 2020)… », a relaté Elie Kamano.

Visiblement très en colère après cette décision du patriarche, l’artiste reggae-man prévient qu’il tiendra son concert ce 1er janvier, quoiqu’il en coûte. « S’ils veulent, ils n’ont qu’à mettre des chars de combat devant moi là-bas, nous nous serons là-bas… J’appelle les médias pour vous prendre à témoins pour que demain, le monde entier ait les yeux vers Guéckédou…», prévient Elie Kamano, récemment sorti de prison.

A noter que depuis hier nous cherchons à joindre l’épouse du leader du RDIG pour écouter sa version des faits. Mais, jusqu’à cet après-midi, toutes nos tentatives sont restées vaines.

A suivre !

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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