« À mon époux clandestin » : pour leur 5 ans de mariage, Diaraye Baldé écrit à Abdoulaye Oumou Sow

Abdoulaye Oumou Sow et Mme Fatoumata Diaraye Baldé 

C’est à travers une lettre ouverte adressée à son cher époux que madame Sow Fatoumata Diaraye Baldé célèbre les cinq ans de mariage avec Abdoulaye Oumou Sow. Ancien prisonnier du troisième mandat d’Alpha Condé, le journaliste, activiste de la société civile guinéenne et responsable de la communication du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) vit dans la clandestinité depuis que ses principaux collaborateurs (Oumar Sylla, alias Fonikè Mengué, et Ibrahima Diallo) ont été arrêtés et emprisonnés depuis plus de 4 mois, jusque-là sans jugement. Surtout que peu de temps après cette arrestation (et celle de Saïkou Yaya Barry de l’UFR) le pouvoir a annoncé la dissolution du FNDC, en multipliant les menaces contre ses membres. Lui et plusieurs autres apprendront par des rumeurs qu’ils sont dans le viseur de la machine judiciaire avant d’en avoir une confirmation. Depuis, ils sont traqués et donc obligés de s’éloigner de leurs domiciles pour éviter la prison…  

Mais, les durs moments de séparation et les innombrables difficultés entraînées par l’éloignement de son époux ne font pas oublier à madame Sow que son rôle ne se limite pas qu’à l’éducation de leurs enfants. Fatoumata Diaraye Baldé montre aussi qu’elle doit et peu montrer à son homme que les durs moments de la lutte finiront par payer un jour. Pour elle, malgré leur éloignement physique et les dangers auxquels ils sont confrontés aujourd’hui, l’amour et la foi restent inébranlables. Elle nous décrit ici avec beaucoup d’émotions sa peine et sa solitude, mais aussi son espoir de retrouver bientôt son mari et de construire ensemble un avenir meilleur. Âme sensible, s’abstenir… 

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, la lettre de cette brave dame !

Abdoulaye Oumou Sow et Mme Fatoumata Diaraye Baldé

Mon amour,

Aujourd’hui fera cinq ans depuis que nous nous sommes dit oui. Comme promis (dans le meilleur, comme dans le pire), je serais avec toi jusqu’au bout. 

C’est n’est un secret désormais, depuis trois ans, tu as sacrifié tout pour des idéaux de justice, de démocratie et de l’État de droit dans notre pays.

Pendant ces trois années, tu as été là presque pour cette cause. Tu ne lésine point sur tes efforts et moyens. 

Aujourd’hui, tes camarades et toi sont certes des incompris, mais nous nous croyons à votre noble combat, puisque nous vivons les conséquences dans notre chair. 

Beaucoup de nos concitoyens sont morts pour cette cause, si noble. Vos familles traversent des angoisses, la peur, par moment le désenchantement.

Cette année, je ne pourrai évidemment pas te serrer fort dans mes bras en ce jour spécial.  Cinquième année de notre anniversaire de mariage.

En clandestinité depuis plus de quatre mois maintenant, nous avons célébré le baptême de notre fille Ramata à ton absence.  Voilà aujourd’hui encore, tu ne pourras pas sentir la sensation de l’amour que nous ressentons pour toi mon trésor.

 J’espère que ton quotidien n’est pas trop difficile, nous pensons fort à toi en tous les cas.

 Le temps passe vite. Le temps passera vite aussi avant que nous ne nous revoyions.

Si je prends la plume aujourd’hui, c’est pour te dire combien je t’aime et que je pense à toi à chaque moment de la journée : lorsque je me lève le matin et que tu n’es pas à mes côtés, lorsque je prends mon café sans pouvoir parler de la journée qui nous attend.

Le soir quand je prépare le repas avec les enfants et que nous pourrons pas partager avec toi. J’ai de la peine, car tes blagues en cet instant nous détendent.

Mais c’est la nuit que c’est le plus dur pour moi, lorsque le silence vient et que tu n’es pas là pour me serrer dans tes bras, les souvenirs nostalgiques m’envahissent. Je n’ai qu’une hâte, c’est de te retrouver au plus vite pour entendre ta voix, sentir de nouveau ta présence mon amour.

C’est difficile de t’imaginer encore loin de moi, toute la journée sans savoir ce que tu fais, mais notre relation d’amour est tellement puissante qu’elle me donne la force de penser au meilleur qui nous attend. Tu as bouleversé ma vie, nous avons eu de magnifiques enfants, nous avons construit quelque chose de solide que rien ne viendra ébranler, pas même la dictature d’une junte militaire.

Soit fort mon amour, seule la force de Dieu est éternelle.

A la fin de cette épreuve, nous vivrons intensément, nous nous chérirons comme au premier jour, nous avons encore tant de choses à partager, tant de projets à mener. Je sais que nous laisserons cette épreuve à jamais dernière nous, comme si au final ça n’avait été qu’un très mauvais rêve.

Je veux que tu saches que même si nous ne pouvons nous voir très souvent, je veille sur toi chaque minute. Ta fille pense très souvent à toi et me posent beaucoup de questions, mais elle se porte bien, nous pouvons compter sur le soutien de maman avec nous actuellement.

Je t’aime plus que tout ! 

Et j’attendrai le temps qu’il faudra pour te retrouver. Bientôt,  j’en ai l’espoir, je serai dans tes bras. Peu importe combien de jours vous resterez dans cette situation, toi et tes camarades.

Aucune injustice ne t’empêcheras de vivre tes rêves après ce temps.

Tu aimes, me dire à la fin de nos conversations, de t’excuser des épreuves que tu penses nous faire subir. Rassure toi chéri,  c’est le moment pour moi de réitérer que nous te comprenons et te soutenons dans tes combats nobles.

Merci beaucoup, et à ton tour de pardonner nos mots qui te causent des maux par moment. Je t’aime. C’est déjà bien cette protection d’Allah 

Ton amour pour la vie !

Fatoumata Diaraye Baldé 

Lettre lue et transmise à Guineematin.com par Gadirou Baldé

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