Un taximan sur l’isolement de Conakry : « nous risquons de mourir de faim que du coronavirus »

Malick Condé, chauffeur sur la ligne Conakry-Dinguiraye

Dans le cadre de la lutte contre la propagation du Coronavirus, le chef de l’Etat a pris une batterie de mesures dont l’instauration d’un couvre-feu de 21 heures à 5 heures du matin et l’interdiction de toute sortie de passagers de Conakry vers les villes de l’intérieur. Cette dernière mesure est un véritable casse-tête chinois pour les transporteurs, victimes de tracasseries de la part des forces de l’ordre.

Interrogés à ce sujet à la gare routière de Matam hier, mercredi 29 avril 2020, par un reporter de Guineematin.com, plusieurs chauffeurs dénoncent cette mesure qui donne quitus aux agents de racketter ceux qui quittent l’intérieur pour Conakry.

Décryptage !

Moumini Sow, conducteur de taxi Renault 21 sur la ligne Dinguiraye-Conakry

Moumini Sow, conducteur de taxi sur la ligne Dinguiraye-Conakry : « depuis que le Chef de l’Etat a décidé d’interdire la sortie de passagers de Conakry pour l’intérieur du pays, nous souffrons. La mesure ne concerne que ceux qui quittent Conakry pour l’intérieur du pays ; mais, les forces de l’ordre l’appliquent à ceux qui quittent l’intérieur du pays pour Conakry. Lorsque nous quittons Dinguiraye pour Conakry, nous rencontrons mille et un problèmes. Les forces de l’ordre nous rackettent tout notre argent presque. Au moins six barrages sont installés entre Conakry et Mamou. Et tenez vous bien, on nous demande de l’argent au niveau de tous les barrages traversés. Nous chauffeurs ne sommes pas les seules victimes des forces de l’ordre, les passagers aussi en souffrent énormément. Les forces de l’ordre leur retire très sauvent de l’argent. La loi n’est plus respectée en Guinée. Nous demandons au chef de l’Etat de revoir cette mesure car elle nous est préjudiciable. Nos activités ne fonctionnent pas comme avant, alors que nous avons une famille à nourrir, nous devons payer la location, entre-autres ».

Sékou Diallo, conducteur d’un véhicule Renault 21 sur la ligne Dabola-Conakry

Sékou Diallo, conducteur sur la ligne Dabola-Conakry : « nos activités sont au ralenti actuellement parce que lorsque tu rentres à Conakry, tu ne peux plus en ressortir. Aussi, les forces de l’ordre nous fatiguent énormément. Parfois, on se demande si nos forces de l’ordre sont des guinéens. Lorsque tu quittes Dabola pour Conakry, tu verras plus de 10 barrages. Les forces de l’ordre n’ont aucun respect pour les chauffeurs. En plus des rackets, ils nous parlent très mal. Nous travaillons actuellement pour ne pas rester seulement à la maison, sinon on ne gagne rien. Après un voyage, tu ne te retrouves avec aucun sou, car tu partage les recettes entre les forces de l’ordre et le propriétaire du véhicule. Un moment, ils avaient parlé de limitation de passagers. Cette mesure nous était favorable par rapport celle qui est prise maintenant. On nous dit de ne pas sortir, alors que nous avons des familles à nourrir, nous payons la location. Nous souhaitons que le gouvernement revoie cette mesure en permettant aux chauffeurs de sortir de Conakry avec un nombre limité de passagers et en postant des médecins au niveau des barrages pour la prise de température. Moi, j’ai toute ma famille à Dabola, si je rentre à Conakry et que je n’arrive pas en ressortir comment je vais faire pour nourrir ma famille. Donc, je souhaite vivement que le gouvernement revoit cette mesure. »

Abdoulaye Dillo, chauffeur sur la ligne Conakry-Labé

Abdoulaye Dillo, chauffeur sur la ligne Conakry-Labé : « je suis venu de Labé il y a plusieurs jours. Je me retrouve bloquer ici parce que nous sommes empêchés de sortir de Conakry. Puisqu’ils refusent qu’on sorte avec des passagers de Conakry, mais qu’ils acceptent au moins que nous sortions avec des marchandises. La dernière fois, un de nos collègues qui devait aller à l’intérieur du pays a été empêché de sortir alors qu’il n’avait que des marchandises à bord de son véhicule. Je suis bloqué ici, je ne travaille presque pas, alors que j’ai une famille à nourrir, je dois payer les frais de loyer. C’est dur. Comme moi, plusieurs de nos collègues sont bloqués à Conakry alors que les membres de leurs familles sont à l’intérieur du pays. Certains ont fait une à deux semaines ici à Conakry, dans cette gare routière où il n’y a pas à manger ni un endroit où passer la nuit. Je demande au gouvernement, aux forces de l’ordre de laisser au moins ceux qui ont uniquement des marchandises à bord de leurs véhicules traverser les barrages ».

Malick Condé, chauffeur sur la ligne Conakry-Dinguiraye

Malick Condé, chauffeur sur la ligne Conakry-Dinguiraye : « notre situation est plus que catastrophique. Je suis bloqué ici à Conakry depuis plusieurs jours. Aujourd’hui, je n’ai même pas de quoi manger à plus forte raison nourrir ma famille. Il a été dit qu’on peut sortir de Conakry seulement si on n’a que des marchandises ; mais même avec ça, on a du mal à sortir de Conakry. Les forces de l’ordre doivent laisser ceux qui n’ont que des marchandises sortir de Conakry. Nous n’avons autre boulot que celui-ci, nous ne connaissons que ça. Et aujourd’hui, notre boulot est sérieusement menacé. Je demande au gouvernement de revoir notre situation. Moi qui suis devant vous, j’ai 7 personnes à nourrir, je suis logé dans une maison chambre salon où je dois donner à la fin de chaque mois les frais de loyer. Avec ça, la voiture que j’ai ne m’appartient pas. Aujourd’hui, je peine à avoir même l’argent de la popote pour ma femme. L’Etat doit revoir notre situation en offrant au moins un sac de riz à chaque chauffeur par mois. Si l’Etat ne nous vient pas en aide, nous risquons de mourir de faim que du Coronavirus. »

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

Facebook Comments Box