Les mots et les maux du ministre : ce qui me pousse à soutenir un 3ème mandat

Habib Yembéring Diallo
Habib Yembering Diallo

« Pour te dire la vérité, quand les émissaires du pouvoir ont commencé à prendre contact avec moi pour me convertir, j’ai fait plusieurs nuits blanches. J’étais déchiré entre la conviction et les avantages. Entre l’indignation que ma décision devait susciter et la rétribution que je devais recevoir. Pour me convaincre d’accepter l’offre qui m’était faite, il a fallu créer un électrochoc. Un ami, sans doute en complicité avec madame, m’a montré l’état de délabrement de mon bâtiment. Il m’a dit ceci :  »avec ta conviction, cette maison va s’écrouler sur toi » ».

Cher cousin,

Entre nous, ce n’est pas entre un ministre et un citoyen. C’est entre deux cousins. C’est pourquoi, je prends mon temps pour t’adresser ces mots. Et, je souhaite que tu sois mon porte-parole auprès des nôtres qui s’indignent après ma dernière déclaration selon laquelle mon patron est la seule alternative pour notre pays. J’ai eu les échos particulièrement virulents suite à ces propos, aussi bien sur les désormais incontournables réseaux sociaux que les déclarations faites par les parents et amis qui me traitent d’indigne.

Mais, je vais te dire, cher cousin, qu’il y a des raisons qu’aucune raison ne peut appréhender. Parmi elles, il y a la politique. Mais, vous qui avez la chance de n’avoir jamais fourré le nez dans cette affaire, vous ne pourrez pas comprendre. Ceci écrit, je dois avouer qu’outre les raisons politiques, que certains qualifient de zèle, il y a d’autres raisons. En particulier d’ordre économique et financier. Mais, encore une fois, il faut être à ma place pour avoir de l’empathie pour moi.

Pour que tu puisses être mon avocat auprès des nôtres, je dois te rappeler quelques arguments que tu n’ignores pas mais qui pourraient t’échapper pour défendre ce que certains qualifieront d’indéfendable. Tout d’abord, mon rêve était d’être à la tête d’un empire médiatique dans notre pays. Pour se faire, je n’ai ménagé ni moyens ni efforts. Je ne t’apprends rien en te racontant la contribution qui fut celle de mon groupe de presse dans le processus démocratique que notre pays a amorcé dans les années 90. Mais, l’avènement d’internet a enterré mon rêve. Les médias électroniques ont fait de mes journaux ce que le smartphone a fait du photographe ou de l’horloger de notre quartier.

Autant le téléphone est devenu à la fois la montre, l’appareil photo, la calculette ou encore la lampe-torche, autant le même téléphone est devenu le journal. Mais, cela est une autre histoire. Quand j’ai aperçu le tsunami qui devait décimer mes canards, j’ai tourné vers l’audiovisuel. Ce fut la désillusion totale. Je l’ai utilisé à des fins de propagande politique. Conséquences, mon entreprise s’est effondrée comme un château de cartes.

Après l’éclatement de mon empire, ou ce qui devait l’être, je me suis retrouvé sans ressources. Et les difficultés ont commencé. Tout d’abord avec madame. A ce sujet, tu te souviendras de cette citation de Sacha Guitry dans laquelle je me trouvais « La réussite, pour un homme, c’est d’être parvenu à gagner plus d’argent que sa femme n’a pu en dépenser ». Du coup, je n’avais pas trente-six mille solutions. D’autant plus que le chef de file de l’opposition s’est montré peu généreux avec son budget. Oubliant que s’il était chef c’était parce qu’il y avait d’autres derrière, il s’est approprié tout seul la cagnotte. A cela, il faut ajouter sa volonté d’emboiter le pas au président commerçant du pays de l’oncle Sam avec sa politique first. A savoir, tout pour moi ou mon parti et rien pour les autres. Cela n’augurait rien de bon pour moi pour les élections locales et les législatives.

Cher cousin, si être pauvre est une épreuve difficile de la vie, devenir pauvre après avoir été riche est la pire de toutes les épreuves. C’est là qu’il faut trouver la véritable explication de ce que vous trouvez tous incompréhensible, indigne et je ne sais quoi encore. La conviction à laquelle vous m’appelez de tous vos vœux n’était possible que si je n’avais pas goûté au luxe. Etre un ancien ministre sans ressources est la pire situation qu’un homme puisse connaitre dans notre pays.

Pour te dire la vérité, quand les émissaires du pouvoir ont commencé à prendre contact avec moi pour me convertir, j’ai fait plusieurs nuits blanches. J’étais déchiré entre la conviction et les avantages. Entre l’indignation que ma décision devait susciter et la rétribution que je devais recevoir. Pour me convaincre d’accepter l’offre qui m’était faite, il a fallu créer un électrochoc. Un ami, sans doute en complicité avec madame, m’a montré l’état de délabrement de mon bâtiment. Il m’a dit ceci : « avec ta conviction, cette maison va s’écrouler sur toi ».

Ce jour-là, j’ai appelé mon interlocuteur de l’autre camp pour lui dire qu’après mûre réflexion, si une offre sérieuse m’était faite, je pourrais l’accepter. Et, le tour fut joué. Tu connais la suite. Notamment avec une affaire qui a fait grand bruit pour la gestion d’une partie du port. Pour la petite histoire, quand le même ami, qui a œuvré pour mon entrée dans le gouvernement, a vu ma nouvelle maison, il m’a dit que ma conviction n’aurait jamais reconstruit ce bâtiment. J’ai trouvé cela insultant. Mais, dans la vie, il y a des hommes devant lesquels on est impuissant.

Bref, je crois que tu as largement compris les véritables motivations pour lesquelles j’ai changé de camp. Et pour la dernière déclaration que j’ai faite, vous devez comprendre que ceux que George Clémenceau appelle les convertis sont soumis à un véritable chantage. Nous devons nous montrer plus royalistes que le roi pour nous faire accepter dans un nouvel environnement hostile. Car, s’il n’est pas facile d’être pauvre après avoir été riche, il n’est pas non plus facile d’être ce qu’on appelle dans notre pays un militant de la 25ème heure.

Espèrent qu’avec toutes ces explications tu auras finalement compris et accepté les raisons de mon nouvel engagement, je souhaite, comme je l’ai dit plus haut, que tu sois mon véritable avocat auprès des nôtres afin qu’ils m’accordent toute l’empathie dont j’ai besoin.

Ton cousin, le ministre porte-parole de tous les temps.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

Téléphone : 664 27 27 47

NB : Toute ressemblance entre cette histoire et une autre n’est que pure coïncidence

 

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