Gaoual : le président des éleveurs de Koumbia tire la sonnette d’alarme

Selon les statistiques fournies à Guineematin.com, la commune rurale de Koumbia est celle qui regorge plus de bovins, de caprins et d’ovins en République de Guinée. Les résultats du dernier recensement fourni par les services compétents, il y a 84 mille 984 bovins, 12 mille 842 caprins et 3 571 ovins dans cette localité agropastorale. Mais, depuis quelques années, ce bétail ainsi que les éleveurs sont laissés pour compte. Les pâturages se raréfient, les maladies de petits ruminants tuent par milliers les animaux, les conflits éleveurs-agriculteurs sont de plus en plus fréquents. A cela, viennent s’ajouter le manque d’eau et le vol de bétails. Ce qui a pour conséquences, la rareté et la cherté des produits de l’élevage, notamment le lait, le beurre de vache et la viande.

Pour évoquer ces problèmes, un journaliste de Guineematin.com a rencontré il y a quelques jours le président de la coordination des éleveurs de Koumbia, Moumini Diré Diallo. Pour la survie de l’élevage à Koumbia, ce responsable local explique les problèmes de plus en plus nombreux dont sont confrontés les éleveurs.

Moumini Diré Diallo, président de la coordination des éleveurs de Koumbia

« Il faut noter que notre situation est devenue très difficile. Les terres pour le pâturage de nos troupeaux sont de plus en plus réduites et occupées par des plantations d’anacarde. On se demande où envoyer nos animaux paître en toute sécurité sans provoquer des dégâts et sans dévaster les champs. En saison sèche, l’eau se raréfie de plus en plus et cela provoque la mort de nombreux animaux. Sans compter le manque de nourriture pour les animaux. A cela, viennent s’ajouter des maladies comme la peste bovine. Heureusement en 2019, grâce à l’appui du Président de la république, nous avons bénéficié des produits qui ont permis d’éradiquer cette maladie qui avait fait beaucoup de dégâts dans nos troupeaux. On a vraiment perdu de nombreux bœufs en 2019. Mais cette année 2020, Dieu merci, ça va sur ce côté. Il y a eu moins de perte de bœufs liée à la peste bovine… », s’est réjoui le président de la coordination des éleveurs de Koumbia.

Pourtant Moumini Diré Diallo, ne perd pas de vue que le bradage des domaines sous prétexte que la brousse appartient aux premiers occupants, reste un des plus grands dangers pour le secteur de l’élevage à Koumbia.

« De nos jours, Koumbia est devenu un grand centre. Les gens viennent de partout s’acheter des domaines. Une fois ils les achètent, c’est pour mettre des plantations d’anacarde. A la fin de la saison des pluies, généralement, les planteurs utilisent des herbicides pour lutter contre les feux de brousse ; mais qui tuent à la fois les herbes et nos animaux. C’est une véritable préoccupation pour les éleveurs », a souligné notre interlocuteur.

S’agissant des maladies, M. Diallo pense que les produits utilisés contre la peste bovine ont été très salutaires mais les petits ruminants ont sérieusement payé les frais ces deux dernières années.

« En 2018/2019, l’aide du Chef de l’Etat contre les maladies qui frappaient nos bœufs, a été salutaire. Avant cette intervention, nous avons dénombré au moins 500 bœufs qui ont été tués par la maladie. Mais, pour les petits ruminants, les chèvres et les moutons, la maladie continue de les ravager depuis ans au moins. Il y en a qui ont tout perdu tous leurs chèvres ou moutons après le passage de la maladie. Nous demandons toujours aux autorités et à tous les acteurs impliqués dans le secteur de l’élevage de nous aider à trouver des remèdes efficaces contre ces maladies qui déciment le cheptel. Cela nous préoccupe beaucoup. Puisque dans un troupeau, tu trouves tout. Des bœufs, des moutons, des chèvres et même de la volaille. Chaque animal a sa place dans le quotidien de l’éleveur en fonction des besoins et du moment. Pour satisfaire les besoins en produits laitiers et de viande, nous avons besoin de l’accompagnement de tous les acteurs de l’élevage », a-t-il sollicité.

Pourtant, en plus du manque de pâturage, d’eau et de médicaments pour le bétail, il y a le phénomène récurrent de vol de bétail mais aussi des conflits éleveurs-agriculteurs qui persistent.

« Ici, comme la brousse semble accaparée par des personnes de plus en plus puissantes qui ont des moyens et qui cherchent à mettre des plantations un peu partout au détriment de nos pâturages, il est question de trouver une solution durables entre les éleveurs et agriculteurs. Ce sont deux groupes socioéconomiques qui se complètent au quotidien dans la vie. Il serait bien que le zonage soit respecté. Que les agriculteurs clôturent leurs champs et les éleveurs en fassent autant pour leurs parcs tout en surveillant les bêtes. C’est ce qui peut nous éviter des conflits inutiles entre les deux corporations. Pour ce qui est du vol de bétail, c’est un phénomène qui continue de la plus belle manière. Mais le problème, ce ne sont pas des bandits venus d’ailleurs que volent nos bœufs, c’est entre famille. C’est le fils qui prend la vache de son père, c’est le mari, celle de son épouse, c’est le neveu qui vole son oncle, ainsi de suite. Nous sommes de tout temps à la gendarmerie pour parler de ces cas de vol. Mais bon, c’est lié à notre quotidien, ça ne finit pas », a regretté Moumini Diré Diallo.

Pour maîtriser ces problèmes et rendre disponibles la viande et les produits laitiers, cet acteur de l’élevage demande l’intervention de l’Etat.

« Il est nécessaire, voire urgent et même obligatoire que l’Etat intervienne d’ici qu’il ne soit trop tard pour sauver le secteur de l’élevage, confronté à d’innombrables problèmes. Pour le cas de zonage, c’est l’Etat qui doit décider et faire respecter ses décisions prises. Pour l’accès facile à l’eau et l’alimentation du bétail, c’est l’Etat et les partenaires impliqués qui ont de gros moyens pour aider les éleveurs. Pour le problème de médicaments, là également, nous n’avons aucune solution en dehors de l’Etat. De même que les conflits récurrents éleveurs-cultivateurs ou le vol de bétail. Il nous faut un accompagnement sérieux pour protéger le secteur et aider à mettre à la disposition de la population une quantité de viande suffisante, accessible et au prix abordable. Regardez, pour le lait par exemple, en saison des pluies, nous en avons en quantité, mais faute de pouvoir conserver, l’excédent est versé et en saison sèche, c’est la rareté. S’il y a des aliments et de l’eau suffisants pour le bétail, il y aura forcément du lait et ses produits dérivés. Pour le prix du kilogramme de viande par exemple, c’est la rareté qui le fait monter. Ceux qui viennent d’ailleurs, acheter les bœufs, proposent un prix plus élevé que ceux qui sont sur place. Mieux, ceux qui sont avec nous, n’aiment pas nous voir avec nos bêtes. Ils veulent de la viande, mais ils n’aiment pas la vache et son propriétaire. Comment veux-tu dans ces conditions que le prix soit abordable à la boucherie. L’éleveur également cherche le bien-être comme tout le monde et pas plus », a conclu le responsable des éleveurs de Koumbia.

Propos recueillis et décryptés par Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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