Qui veut exclure la diaspora du CNT ? Fanta Cissé, SG du ministère des Affaires étrangères, accusée

Ahmed Tidjane Kourouma, président de l’Association des Guinéens au Gabon (AGG)
Ahmed Tidjane Kourouma, président de l’Association des Guinéens au Gabon (AGG)

Ça pourrait être l’une des premières batailles à gagner par Dr Morissanda Kouyaté, le nouveau ministre des Affaires étrangères, de la coopération internationale, de l’intégration africaine et des Guinéens de l’étranger. Les guerres de clans et les petites combines au sein du département qu’il vient d’hériter ne semblent pas s’affaiblir, surtout au niveau de la Direction des Guinéens de l’Etranger. Plusieurs Guinéens de la diaspora venus répondre à l’appel du CNRD et de son président se sentent aujourd’hui trahis et exclus des organes de transition. Et, cela, après avoir travaillé dur pour l’élaboration du mémorandum déposé au niveau de la junte.

Dans une interview accordée à notre rédaction hier, mardi 2 novembre 2021, le président de l’Association des Guinéens au Gabon (AGG), Ahmed Tidjane Kourouma, a accusé l’actuelle secrétaire générale du ministère des affaires étrangères, madame Fanta Cissé et ses collègues Mamadou Saïtiou Barry et Rouki Barry de favoriser les Guinéens rentrés au pays depuis des dizaines d’années, au détriment de ceux qui vivent encore à l’Etranger.

« Nous, nous avons voulu que tout se fasse dans une dynamique unitaire de tous les délégués et des groupes qu’on a trouvés ici. Malheureusement, la secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères et la Direction des Guinéens de l’étranger, en la personne du directeur général adjoint, Mamadou Saïtiou Barry et son collègue Rouki Barry ont tout fait pour donner la priorité aux CGE en disant qu’ils sont les répondants des autorités du ministère à l’extérieur. Or, nous savons que ces CGE n’ont pas été élus ou installés de manière inclusive à l’extérieur… A un moment donné, ces CGE avaient pratiquement leur mandat arrivé à terme. C’est à la faveur de la campagne pour un 3ème mandat d’Alpha Condé que ces CGE ont été remis en scène par une décision du ministère des Affaires Étrangères pour faire la campagne au niveau des communautés guinéennes établies à l’étranger », a dit Ahmed Tidjane Kourouma.

Décryptage !

Guineematin.com : vous êtes en Guinée dans quel cadre ?

Ahmed Tidjane Kourouma : Je suis en Guinée depuis le 15 septembre dernier pour répondre, au nom de la communauté guinéenne, à l’appel du CNRD et du colonel Doumbouya dans le cadre des concertations nationales initiées afin de mettre sur pied une transition apaisée et inclusive.

Guineematin.com : nous avons appris qu’au niveau de la diaspora il y a des problèmes quant à sa représentativité au niveau des organes de transition, notamment au CNT. Dites-nous qu’est-ce qui se passe ?

Ahmed Tidjane Kourouma : effectivement, il y a un problème. A notre arrivée, nous avons trouvé sur place deux groupes de personnes, notamment une coordination qui se réclame de la diaspora et le collectif ainsi que des représentants du Conseil Guinéen de l’Extérieur (CGE) qui étaient avec nous. Donc, nous avons travaillé ensemble sur les 5 valeurs déclarées par le CNRD et nous avons produit un mémorandum comme contribution de la diaspora guinéenne pour une transition réussie. Tout s’est bien passé jusqu’à ce niveau. Maintenant, quand il s’est agi de présenter le mémorandum au Président de la CNRD, le colonel Doumbouya, nous avons voulu que cela se passe de façon solennelle devant l’ensemble des délégués ici présents. Et, au finish, c’est madame la secrétaire générale du ministère des Affaires Etrangères et des Guinéens de l’Etranger, Fanta Cissé et quelques membres de la coordination qui ont présenté le mémorandum au nom de la diaspora. Et, selon ce qu’on nous a rapporté, le mémorandum a très bien été apprécié par le président et le CNRD.

Ensuite, il s’est agi de voir comment mettre des critères et choisir ceux qui pourraient représenter la diaspora au niveau du CNT. Nous, nous avons voulu que tout cela se fasse dans une dynamique unitaire de tous les délégués et des groupes qu’on a trouvés ici. Malheureusement, la secrétaire générale des Affaires étrangères et la Direction des Guinéens de l’étranger, en la personne du directeur général adjoint, Mamadou Saïtiou Barry et son collègue, Rouki Barry ont tout fait pour donner la priorité aux CGE en disant qu’ils sont les répondants des autorités du ministère à l’extérieur. Or, nous savons que ces CGE n’ont pas été élus ou installés de manière inclusive à l’extérieur. On s’était même retrouvés ici pour mettre en place un Haut Conseil des Guinéens de l’Etranger. Ce qui n’avait pas abouti et finalement. A un moment donné, ces CGE avaient pratiquement même leur mandat arrivé à terme. C’est à la faveur de la campagne pour un 3ème mandat d’Alpha Condé que ces CGE ont été remis en scène par une décision du ministère des Affaires Étrangères pour faire la campagne au niveau des communautés guinéennes établies à l’étranger.

Guineematin.com : Voulez-vous nous faire croire que ce sont des gens qui ont soutenu le 3ème mandat d’Alpha Condé qu’on tente d’envoyer au CNT, en laissant les vrais représentants des Guinéens de l’étranger ?

Ahmed Tidjane Kourouma : ce sont des personnes qui ont soutenu le 3ème mandat. Parce que le ministère des affaires étrangères était le ministère du président Alpha Condé. Peut-être que dans certains pays et sur le plan social, les CGE ont fait des choses pour les communautés. Mais, dans bien d’autres, ces CGE ne sont pas sur le terrain social. C’est plutôt les organisations de guinéens qui sont là et qui constituent une interface entre les autorités de l’ambassade et la communauté guinéenne d’une part ou bien les autorités en gestion de l’immigration dans les pays d’accueil avec la communauté guinéenne. A ce titre, ces gens sont beaucoup plus représentatifs de ces communautés dont ils connaissent réellement les véritables problèmes et ils sont en mieux de représenter ces communautés au niveau du CNT pour poser les véritables problèmes des ceux qui vivent à l’étranger et proposer des solutions idoines.

Guineematin.com : l’autre chose qu’on a apprise dedans, c’est que la plupart des personnes dont les noms circulent aujourd’hui sont des gens qui sont rentrés au bercail il y a des dizaines d’années et qui totalement déconnectées aujourd’hui des besoins et des préoccupations de la diaspora. Est-ce que cette information est réelle ?

Ahmed Tidjane Kourouma : Effectivement, parce que si je prends le cas de ceux qui sont au niveau de la coordination, la plupart sont des gens qui sont rentrés et qui se sont installés il y a plus d’une dizaine d’années, pour certains. Certains sont même dans l’administration et d’autres sont dans leur propre compte. Donc, ce sont des gens coupés des réalités ou des problèmes que vivent les guinéens à l’étranger. Mais, fort de leur insertion dans le système et de leur connexion avec les autorités sur place, à notre arrivée, c’est un collectif qui s’est formé au lendemain de la prise du pouvoir par le CNRD.

Guineematin.com : vous voulez nous dire que c’est un collectif qui n’existait pas ?

Ahmed Tidjane Kourouma : c’est un collectif qui n’existait pas. Et, ce sont des anciens qui étaient déjà ici et qui ont coopté des Guinéens actuellement dans la diaspora pour former ce collectif pour, disent-ils, accompagner la transition. Donc, nous pensons que ceux-ci ne peuvent pas avoir une préséance de représentativité de la communauté guinéenne à l’étranger par rapport aux responsables que ces communautés ont mandaté. Donc, il y a une véritable problématique au niveau de la représentativité des Guinéens de l’étranger dans le cadre du CNT ou bien des autres organes de la transition. Ceux de la coordination, moi, je les verrai bien au niveau du gouvernement, parce qu’ils sont là depuis des années, ils connaissent le système et même au niveau du CNT, ils peuvent bien être parmi les 76 qui restent pour apporter leur contribution. Mais, les 5 places pour les Guinéens de l’étranger, non.

Guineematin.com : alors, selon vous, qu’est-ce qu’il faut aujourd’hui pour régler ce problème et pour que ces places au CNT reviennent aux véritables guinéens de l’étranger ?

Ahmed Tidjane Kourouma : à mon humble avis, quand on sait qu’il y a au moins 5 millions de Guinéens à l’étranger et que parmi ces 5 millions, les ¾ sont en Afrique, il s’agit de coopter un représentant pour l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb, un pour l’Afrique Centrale, l’Afrique de l’Est jusqu’en Afrique du Sud, un pour l’Europe, un pour l’Amérique et un pour l’Asie.

Guineematin.com : selon vous, pourquoi le département refuserait une telle proposition ?

Ahmed Tidjane Kourouma : Peut-être qu’au département des affaires étrangères, ils ont beaucoup plus de connexions avec ces Guinéens de la diaspora qui sont rentrés. Même madame la secrétaire générale du ministère, elle émarge à la coordination de la diaspora qui est rentrée. Donc, c’est un problème d’intérêt égocentrique. Ils n’ont pas une vision pour l’intérêt  supérieur des Guinéens qui résident à l’extérieur où il y a énormément de problèmes. Des problèmes au niveau des ambassades, la sous-représentativité des ambassades en matière de personnel, les problèmes de passeports et surtout le problème des milliers des jeunes qui arrivent dans ces pays. Certains à peine sortis de l’adolescence, déscolarisés et qui sont dans le commerce informel en vendant à la sauvette. On devrait trouver normalement des moyens pour accompagner tous ces jeunes pour avoir une formation professionnelle ; et, organiser, avec le soutien de certains organismes internationaux, leur retour et leur réinsertion en Guinée. Tout ça, c’est important, sans parler des problèmes des Guinéens qui sont en détresse dans ces pays. Des gens qui ne savent aujourd’hui à quel saint se vouer et que les associations communautaires prennent en charge, tandis que les ambassades ne font absolument rien. C’est pourquoi, dans notre mémorandum, nous avons insisté sur la mise sur pied au niveau des ambassades des caisses de solidarité pour faire face à ces Guinéens en détresse et surtout pour accompagner ces personnes dans les administrations de leurs pays d’accueil. Que ce soit au niveau de la justice, au niveau des prisons. Heureusement, au Gabon, on observe les droits et nos compatriotes, une fois qu’ils tombent dans les mailles de la police, il y a un département qui s’en occupe bien ou ils sont bien accompagnés. Et, maintenant, on les met dans des avions pour le retour au pays alors qu’auparavant, on les amenait jusqu’au Nigeria ou au Bénin. Ce qui n’est plus le cas. Il y a énormément de problèmes au niveau des guinéens de l’étranger.

Guineematin.com: aujourd’hui, le département des Affaires Etrangères a un nouveau ministre, en la personne de Dr Morissanda Kouyaté. Est-ce que vous avez eu la chance de le rencontrer pour essayer de trouver une solution ?

Ahmed Tidjane Kourouma: d’abord, nous saluons l’arrivée de Dr Morissanda Kouyaté qui est un éminent patriote à la tête du ministère des affaires étrangères et des guinéens de l’étranger. Nous sommes sûrs qu’il va prendre à bras le corps ce problème pour voir comment gérer de manière impartiale dans l’intérêt de la diaspora. Pour l’instant, nous ne l’avons pas rencontré; mais, tous ceux qui se sont sentis frustrés, écartés, marginalisés, nous sommes regroupés dans ce qu’on appelle l’Union des Associations des Guinéens de l’Etranger et nous avons introduit une demande d’audience non seulement au près du ministre Dr Morissanda, mais aussi au niveau du Premier ministre, Mohamed Béavogui. Nous attendons d’être reçus et entendus par ces autorités en lesquelles nous formons de grands espoirs.

Guineematin.com: un mot pour clôturer cet entretien ?

Ahmed Tidjane Kourouma: pour clôturer, mon mot c’est de réitérer notre engagement et notre volonté, au nom des Guinéens de l’étranger, de répondre à l’appel du président du CNRD d’apporter le meilleur de nous-mêmes pour une transition apaisée et inclusive. C’est un moment historique pour conjuguer le même verbe pour que cette transition réussisse et que la Guinée puisse sortir du cycle infernal de crise politique, de répression, de dictature suivie de coup d’État militaire, ensuite de transition ratée. Si nous brisons ce cercle, nous saurons apporter notre pierre à l’édification d’un pays de droit où le respect des libertés va régner avec le développement durable pour tous.

Interview réalisée par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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