COVID-19 en Guinée : le cri de cœur des enseignants des écoles privées

Depuis quelques semaines, les établissements d’enseignement public et privé de Guinée sont fermés. La démarche vise à éviter la propagation de la pandémie du coronavirus qui fait des ravages aujourd’hui à travers le monde. La conséquence de la fermeture des écoles privées de Conakry et environs se fait sentir sur les enseignants qui tirent le diable par la queue, sevrés de salaires pour n’avoir pas donné cours, a constaté sur le terrain Guineematin.com à travers un de ses reporters.

La Guinée compte aujourd’hui 52 cas positifs de coronavirus. Avec la prise du décret instituant l’état d’urgence sanitaire, les écoles publiques et privées sont aujourd’hui fermées. La conséquence de cette mesure se ressent chez les enseignants des écoles privées qui craignent pour leur avenir.

Sayon Kéita, professeur d’Histoire et d’Education Civique dans 3 écoles privées de Sanoyah Km 36

C’est le cas de Sayon Kéita, professeur d’Histoire et d’Education Civique dans 3 écoles privées de Sanoyah Km 36, qui revient sur son inquiétude. « Cette situation me préoccupe à plus d’un titre. Pourquoi ça me préoccupe ? C’est parce que nous vivons de la craie. Si l’État décide de suspendre les cours pour un délai de 14 jours renouvelables, cela veut dire que ça peut être prolongé, là ça devient inquiétant. En Guinée, les écoles privées sont des services qui vivent de la scolarité payée par les parents d’élèves. Cela va s’en dire que c’est cette somme qui sera utilisée pour payer les enseignants. Donc, si les parents d’élèves ne payent pas les frais de scolarité, cela veut dire que nous les enseignants, nous ne serons pas payés aussi.

Toutefois, Sayon Kéita dit avoir été payé pour le mois de mars. « Cette fermeture des classes est survenue au milieu du mois de mars, on avait déjà fait 18 jours de cours et beaucoup de parents ont payé le mois de mars. Donc, c’est ce qui fait que moi, je ne suis pas trop inquiet par rapport au payement du mois de mars. Personnellement, j’évolue dans 3 établissements d’enseignement privé. Mais, deux de ces trois écoles m’ont déjà payé le mois de mars. La direction de cette autre école me dit d’attendre jusqu’à l’ouverture des classes. À quand cette ouverture ? Pendant ce temps nous avons besoin de vivre. Je pense que les fondateurs d’écoles privées doivent être de bonne foi en payant les enseignants en ce moment de crise s’ils en ont les moyens. Nous nous sommes du privé, nous vivons de ce que l’entreprise gagne et si l’entreprise est aux arrêts, le code de travail dit que l’entreprise doit faire des compressions, mais cela n’est pas applicable au secteur éducatif. Donc, je pense qu’on doit payer les profs et qu’au retour, on organise des cours de rattrapage pour les élèves ».

Mandjou Condé, directeur des études et chargé des cours de Français et d’Histoire au groupe scolaire « Les Prodiges »

De son côté, Mandjou Condé, directeur des études et chargé des cours de Français et d’Histoire au groupe scolaire « Les Prodiges », reste optimiste par rapport au payement du mois de mars. « J’avoue que nous vivons une situation un peu difficile. Parce que généralement, les enseignants du privé ne vivent que sur le travail qu’ils font dans les écoles. Cela veut dire que c’est le travail fait qui va être payé chaque mois. Il y a aussi les écoles aujourd’hui qui, compte tenu du non payement des mensualités par les élèves, peinent à payer leurs enseignants. Ce qui joue aujourd’hui sur la vie des enseignants. Donc, il faut que l’État trouve des voies et moyens pour appuyer le secteur éducatif en cette période de crise. Parce qu’il y a d’autres qui sont mariés, qui sont en location et qui arrivent difficilement à joindre les deux bouts. Donc si on dit que le mois de mars là ne sera pas payé, ça va être un véritable casse-tête. En tant que directeur des études, j’ai dit au comptable qu’il faut qu’il paye le mois de mars avant le 5 avril 2020. Pire, il y’a des écoles qui veulent couper les 10 jours ratés dans le mois de mars dans le salaire des enseignants. Ce qui est incorrect à mon avis ».

Bakary Camara, chargé des cours de Biologie dans certaines écoles privées de Coyah

Pour sa part, Bakary Camara, chargé des cours de Biologie dans certaines écoles privées de Coyah, dénonce la cupidité de certains promoteurs d’écoles. « Quand tu entends un enseignant du privé, c’est quelqu’un qui vit du quotidien. Il faut aller enseigner pour être payé. Mais, vu aussi l’égoïsme de certains fondateurs d’école, la vie de l’enseignant est critique dans ce pays. Pourtant, il n’y a pas d’écoles sans les enseignants. Donc, si les promoteurs d’école se mettent à leur place ou se soucient un peu de la vie des enseignants, ils pourront nous soulager. Quand tu prends l’exemple sur le mois de mars, nous avions travaillé jusqu’au 20. Et jusqu’à présent, aucune école ne m’a appelé par rapport au payement. Mais, ils refusent de payer, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’argent. Je connais une école où le fondateur a appelé ses enseignants pour leur remonter le moral et les soulager avec quelques sommes. C’est des actions comme ça qu’il faut encourager… ».

Pour Mohamed Sangaré, surveillant général du groupe scolaire Les Prodiges, cette période tombe mal car elle coïncide à sa maladie. « J’ai des besoins à satisfaire. Surtout que cette période a coïncidé à ma maladie. Je ne sais plus quoi faire. Mais, comme chez nous on a l’habitude de nous payer vers le 5 du moi, j’attends de voir s’ils vont nous appeler d’ici là. S’ils ne m’appellent pas, je le ferais moi-même pour qu’on règle ma situation.

Malick Diakité pour Guineematin.com

Tél. : 626 66 29 27

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