Couvre-feu et bavures policières : des citoyens de Bonfi menacent de manifester contre les abus des agents

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Apparemment, le couvre-feu actuellement en vigueur en Guinée est une occasion pour certains agents des forces de sécurité pour commettre des exactions sur les paisibles populations à Conakry et environs. Ce qui révolte certains citoyens qui ont du mal à accepter les abus des agents censés maintenir l’ordre public dans la cité.

Le dernier cas en date s’est produit dans la nuit d’avant-hier à hier, lundi 27 avril 2020, à Bonfi-routière, dans la commune de Matam. Et, ce sont des policiers qui ont fait irruption dans une concession pour arrêter un père de famille avant de saccager des biens sur leur passage.

Selon des informations confiées à Guineematin.com par les victimes, les faits se sont produits aux environs de minuit lorsque des agents de la police, à bord de trois pickups, sont allés s’attaquer brutalement au domicile de Sékou Yansané, un marchand très populaire, marié à deux femmes et père de dix enfants.

Dr Mamadou Yansané

« C’est aux environs de zéro heure que la porte de la maison de mon grand frère, qui se trouve au bord de la route, a été défoncée par les forces de sécurité. La porte est même tombée sur un enfant de 4 ans. Ils ont kidnappé mon grand frère. Sa femme et quelques voisins qui se sont rendus au commissariat pour connaître l’état de santé du frère (qui est un maladif) ont aussi été arrêtés et emprisonnés. Moi, j’ai été alerté à zéro heure 40’. Tout le monde était sur ses nerfs ; mais, j’ai demandé aux gens de rester calmes. Et, le matin, j’ai pris le chef du quartier de Bonfi-Routière pour aller faire le constat lui-même. On a aussi sensibilisé les gens qui voulaient semer des troubles. Parce que celui qui a été arrêté est très populaire dans le quartier », a expliqué Dr Mamadou Yansané, le jeune frère de la victime (Sékou Yansané).

Selon notre interlocuteur, l’arrestation musclée dont son frère a été victime a été conduite par un agent qui habite le quartier Bonfi-routière, au même titre que Sékou Yansané. Et, c’est une arrestation gratuite qui laisse planer un règlement de compte dont il ignore la source.

« Quand je suis allé au commissariat, j’ai rencontré le commissaire central, qui a aussi échangé avec le maire au téléphone. Après, le commissaire a appelé l’adjudant Yamoussa qui avait conduit la mission, qui est aussi un habitant du quartier. C’est pourquoi, on se demande même si ce n’est pas un règlement de compte. Parce que ce sont trois pick-ups remplis d’agents qui sont allés kidnapper mon frère. Quand l’agent (l’adjudant Yamoussa) est venu, il a dit que le lieu-là (le domicile de Sékou Yansané) est réputé être un nid de bandits, de vente et de consommation de la drogue ; et, les gens qui étaient venus au commissariat la nuit avaient l’intention de saccager le commissariat. J’ai dit que ce n’est pas possible. Six femmes dont une enceinte et une nourrisse peuvent s’attaquer à un commissariat, surtout la nuit, entre une heure et deux heures du matin ? Mais, l’agent (l’adjudant Yamoussa) a voulu aggraver la situation. Il a même dit qu’ils ont un responsable du nom de Gassime ; et, que c’est là-bas qu’il (Gassime) a été attaqué. J’ai demandé qu’on appelle ce gars. Et, quand ils l’ont appelé, ils ont mis le haut-parleur. Le gars a dit qu’il a été attaqué vers Bonfi-Port et ça a fait longtemps. J’ai dit Bonfi-Port et Bonfi-routière sont deux quartiers différents… Quand je suis allé faire le compte rendu au maire, on m’a appelé pour me dire que les gens ont été déférés au tribunal de Mafanco. Et, après audition au tribunal, aucune charge n’a été retenue contre eux. Ils ont dit que c’est un dossier vide et que rien ne motive leur arrestation. Mais, ils ont demandé que chacun paye une amende de cent mille francs. Donc, pour les treize personnes, on a payé un million trois cent mille francs. Et, les gens sont rentrés chez eux », a expliqué Dr Mamadou Yansané.

Mais, après la libération de son frère, Dr Mamadou Yansané craint le pire de la part de l’adjudant Yamoussa. « L’inquiétude est grandissante ! Maintenant on craint des cas de récidive, leur sécurité est réellement menacée. Le gars (l’agent qui a conduit à ces arrestations) vit dans le même quartier. Son intention était peut-être de les emprisonner ; maintenant, ils sont revenus à la maison. Est-ce qu’il (l’agent) ne va pas encore tenter autre chose ? Et, maintenant, ce n’est pas seulement propre à ma famille. Le commissariat central fait de cela un fonds de commerce. Pendant cet état d’urgence, ils sortent uniquement pour s’attaquer aux paisibles citoyens et les rançonner. Et, si ça continue comme ça, il y a des risques de révolte de la part des citoyens qui commencent à en avoir marre. Parce que tout le monde se plaint maintenant de ces exactions », a-t-il indiqué.

Dr Mamadou Yansané assure que tous ceux qui ont été arrêtés lors de cette opération musclée contre le domicile de son grand frère ont été battus par les agents. Et, les femmes ont été forcées de faire la toilette du commissariat central. « Mon frère se plaint de douleurs corporelles depuis qu’il est revenu à la maison. Ils ont tous été bastonnés ; et, les femmes ont été utilisées. Parce que le matin, vers 6 heures, les agents ont demandé aux femmes de laver toutes les salles du commissariat pour qu’elles soient libres. Les femmes ont balayé et lavé toutes les salles, puisque les agents disaient que c’était ça leur sanction. Mais, malgré tout ça, elles sont restées en détention. La nourrisse, c’est à 10 heures (le lundi) qu’elle a pu allaiter son enfant », a confié Dr Yansané, tout en précisant que les agents avaient saccagé le salon de son frère, emporté des chaises et des mangues qui étaient destinées à la vente.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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