Guinée : 18 mois de prison et 5 ans d’interdiction d’exercer ses fonctions requis contre un gendarme

Le dossier qui oppose le substitut du procureur du tribunal de première instance de Dubréka, Abou Nantenin Konaté, et le Colonel Mamoudou Kaba, de la gendarmerie nationale, s’est poursuivi ce mercredi, 10 juin 2020, à la Cour d’appel de Conakry. L’officier est jugé pour menaces de mort, outrage à magistrat, vol, coups et blessures volontaires, injures et atteintes à la liberté individuelle. Le procureur général a demandé contre le Colonel une peine de 18 mois de prison et une interdiction d’exercer ses fonctions pendant 5 ans, a appris sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

L’officier de police judiciaire, le Colonel Mamoudou Kaba, coordinateur des check point érigés pour empêcher la sortie de Conakry, est jugé pour des faits qui se sont produits le lundi, 4 mai 2020 au barrage de Kénendé, dans la préfecture de Dubréka. Il est accusé d’avoir violenté, injurié et séquestré le magistrat qui voulait constater les abus des agents sr les citoyens au niveau des points de contrôle.

L’audience de ce mercredi a été uniquement consacrée aux réquisitions et plaidoiries.

Le procureur général, Mamadou Dian Bora Diallo, après avoir relaté succinctement les faits, a demandé à la Cour de déclarer le prévenu, le Colonel Mamoudou Kaba, coupable des faits à lui reprocher. Pour la répression, il va demander à la cour de condamner l’officier à 18 mois de prison ferme et à 5 ans d’interdiction d’exercer ses fonctions.

De leur côté, les avocats de la partie civile vont se succéder au prétoire pour charger le colonel.

Prenant la parole en première position, maître Antoine Pépé Lama a laissé entendre que ce procès n’est pas un procès entre magistrat et un gendarme. Mais plutôt, un procès d’un homme qui a humilié un magistrat qui était dans l’exercice de ses fonctions. « Le procureur Nantenin Konaté a été humilié dans son honneur, humilié dans sa dignité. Il a été menacé, violenté, insulté. Personne n’aurait souhaité être à la place de monsieur Nantenin Konaté. Si vous voyez le Colonel Mamoudou Kaba ici, c’est parce que par le passé, aucun de ses actes n’a été sanctionné. Le Colonel a trahi la nation, il a trahi ses chefs et il a trahi le peuple de Guinée. Il n’est pas Colonel pour violenter les citoyens guinéens. Aujourd’hui, la Guinée est indexée négativement par les ONG de défense de droits de l’homme par les faits de ces hommes en uniforme », a martelé l’avocat.

Abondant dans le même sens, l’ancien bâtonnier, maître Mohamed Traoré dira dans ses plaidoiries que la tenue de gendarme doit rassurer les citoyens et non les effrayer. « Ce procès est un procès symbolique et pédagogique. Parce que dans ce pays, quand on est en uniforme, on est mieux protégé que n’importe quel citoyen. Or, la tenue doit rassurer les citoyens et non les effrayer. C’est nous qui les habillons, c’est nous qui les logeons et c’est nous qui les nourrissons. Donc, ils devraient nous protéger car c’est ce contrat qui est entre nous. »

Pour sa part, maître Lanciné Sylla s’est accentué sur les comportements de l’officier et les réclamations de la partie civile. « Cet officier est un habitué des actes de violence. Il est violent sur toute la ligne. Même s’il parle, c’est le feu qui sort de sa bouche… Monsieur Nantenin Konaté a été conduit manu militari au camp Kwame Nkrumah. Il a été malmené, violenté, traumatisé et conduit au camp Kwame Nkrumah. Lorsqu’il est sorti du Camp, il a reçu la clé de sa voiture, il a trouvé que les 45 millions de francs guinéens ont disparu. Un magistrat humilié jusqu’à tel point, c’est toute la justice qui est humiliée. Toutes les infractions ont été démontrées ici. Il ne vous reste plus qu’à déclarer le Colonel Mamoudou Kaba coupable de ces faits. Et nous vous demandons de le condamner à titre principal, les 45 millions de francs guinéens volés dans son véhicule ; et une somme de 500 millions de francs guinéens de dommages et préjudice subis. Ce montant ne suffira même pas pour couvrir tous les préjudices moraux et matériels que monsieur Abou Nantenin Konaté a subi », a-t-il lancé.

Dans sa plaidoirie, maitre Sory Condé, l’avocat qui défend le colonel, a dit que les chefs d’accusation ne lui sont pas imputables. « Je demande le renvoi du Colonel des fins de la poursuite par rapport à tous les chefs d’accusation, sauf peut-être si on considère que le fait d’embarquer le substitut du procureur dans le véhicule militaire pour l’envoyer au camp est une infraction, un outrage à magistrat. Pour ça, je demande des circonstances largement atténuantes pour mon client en application des dispositions des articles 115, 116 et 117 du code pénal. Tout le reste, coups et blessures volontaires, vol, injures, rien n’est établi à l’encontre de mon client. Pour la menace de mort, c’est un autre agent qui est indexé, qui aurait menacé de le poignarder dans le véhicule. La responsabilité pénale est personnelle. Pour le vol des 45 millions, il dit qu’il a retiré cet argent et qu’il devait l’envoyer à Mandiana. On est d’accord que c’est le colonel qui a verrouillé les portières de la voiture du procureur ; mais, il l’a fait pour ne pas qu’on le dépouille. Qu’est-ce qui prouve que ce montant était dans cette voiture alors qu’il revenait de son domicile et de surcroît il était en culotte ? Qu’est-ce qui le prouve ? Il n’y a pas de preuves. Donc, je demande à la Cour de faire application de l’article 544 du code de procédure pénale en renvoyant mon client des fins de poursuite », a plaidé maitre Condé.

C’est dans ce climat que le dossier est mis en délibéré et la décision sera rendue le 25 juin 2020.

Saidou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620589527/654416922

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