Exactions au barrage de Kénendé : le militaire demande pardon au magistrat « J’ai honte d’être ici… »

Poursuivi pour menaces, outrage à magistrat, vol, coups et blessures volontaires, violences, injures publiques et atteintes à la liberté individuelle, le Colonel Mamoudou Kaba (qui avait refusé de comparaître le lundi 18 mai dernier) est passé aux aveux ce mercredi, 27 mai 2020, à Cour d’Appel de Conakry. « Je reconnais les faits articulés contre moi. Je suis désolé d’être devant vous. J’ai honte d’être ici. Je regrette ce qui est arrivée et je demande pardon. Étant un officier de la police judiciaire, je reconnais tout et j’assume. C’est le destin. Je n’ai jamais pensé être à la barre ici. Je vous demande de me pardonner… ».

Le Colonel Mamoudou Kaba a comparu libre ce mercredi, même si un mandat d’amener avait été décerné contre lui le 18 mai dernier. Les faits pour lesquels cet officier de police est jugé se sont produits le 4 mai à un barrage érigé à Kénendé pour contrôler les entrées et sorties dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. C’est là que l’officier a molesté, humilié et embarqué le substitut du Procureur près le Tribunal de Première Instance de Dubréka, Abou Nantenin Konaté. Ce dernier était venu vérifier les plaintes des usagers de cet axe routier…

Lire :Abou Nantenin Konaté molesté par des militaires à Dubréka : « mandat d’amener » contre le colonel Mamoudou Kaba

Au compte de l’audience de ce mercredi, 26 mai 2020, les deux parties se sont présentées à la barre devant le juge Mangadouba Sow pour s’expliquer.

Le Colonel Mamoudou Kaba a reconnu les faits pour lesquels il est jugé. « Je reconnais les faits articulés contre moi. Je suis désolé d’être devant vous. J’ai honte d’être ici. Je regrette ce qui est arrivée et je demande pardon. Étant un officier de la police judiciaire, je reconnais tout et j’assume. C’est le destin. Je n’ai jamais pensé être à la barre ici. Je vous demande de me pardonner. Du début jusqu’à la fin, je vous demande de me pardonner », a lancé l’officier.

Le Juge Mangadouba Sow d’enchaîner : « comme vous assumez tout et vous reconnaissez tout, qui a fait descendre Abou Nantenin Konaté de son véhicule pour l’embarquer dans un pick-up, avec pour destination le camp Kwame Nkrumah ? Qui a retiré la clef de sa voiture ? Qui l’a volontairement blessé ? Vous avez volé combien dans son véhicule ? ».

Devant cette cascade questions, le Colonel était comme désarçonné. « Je ne sais pas. Seulement, moi j’ai reçu les clés de son véhicule… ». Le juge de poursuivre : « comment a-t-il pu récupérer ses clés après le camp? »

« Je ne me rappelle pas comment il les a récupérés. Lorsqu’il revenait au camp j’étais entrain de couper mon jeûne », a lancé le Colonel Kaba.

Le juge Mangadouba Sow va enfoncer le clou. « Le procureur Konaté ne s’est pas présenté à vous lorsqu’il est venu ? ». L’officier va nier. « Il ne s’est pas présenté. Lorsqu’il est venu au niveau du barrage, je lui ai dis que nous sommes dans une situation sanitaire exceptionnelle et nous avons un décret à exécution. Je lui ai demandé s’il a des papiers de l’ANSS qui l’autorise à passer. Il dit qu’il s’en fout de ça. C’est ainsi que comme les citoyens jetaient des cailloux partout je l’ai embarqué pour sécuriser sa vie en tant que coordinateur des barrages », s’est-il défendu.

De son côté le plaignant a expliqué à la Cour que c’est le Colonel qui l’a frappé et cela a donné le courage à ses éléments de faire autant. « Ce qui s’est passé dans ces barrages, c’est comme si nous sommes dans un Etat de guerre. Il fallait être dans ces barrages pour voir les exactions faites par le Colonel Kaba et ses hommes. Je suis allé pour les sensibiliser parce qu’ils empêchaient tout le monde de passer. Ils ont érigé des barrages même dans les bas-fonds… Le Colonel Kaba m’a bel et bien frappé. C’est quand il a porté main sur moi que les autres agents ont eu le courage de me violenter. Il a retiré la clef de mon véhicule. Et à mon retour du camp j’ai trouvé que les 45 millions de francs guinéens, des billets de 20 000 que je devrais envoyer à Mandiana, ma chaîne et ma bague, ont été enlevés du véhicule », a expliqué le magistrat.

L’affaire a été finalement renvoyée au mercredi, 3 juin 2020, pour plaidoiries et réquisitions.

Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620589527/654416922

 

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