Conakry : une femme de 61 ans condamnée pour avoir manifesté contre un 3ème mandat d’Alpha Condé

Âgée de 61 ans et mère de 5 enfants, Mabinty Camara a comparu ce mercredi, 1er avril 2020, devant le tribunal correctionnel de Mafanco. Cette commerçante était poursuivie pour « participation délictueuse à un attroupement ». Des faits pour lesquels elle a été reconnue coupable. Le tribunal l’a finalement condamnée à 6 mois de prison assortis de sursis, rapporte un journaliste de Guineematin.com qui a suivi cette audience.

Mabinty Camara est accusée d’avoir pris part à une manifestation de femmes du front national pour la défense de la constitution (FNDC), organisée le 19 février dernier à Bonfi. Mais, cette mère de famille n’a été arrêtée que le 24 février (soit 5 jours plus tard) à son domicile et conduite à la DPJ. Elle aurait été aperçue à la télévision, brandissant des affiches et tenant des propos hostiles au régime du président Alpha Condé. A la barre, la prévenue a reconnu sans détour sa participation à ladite manifestation.

« C’est dans la matinée du 24 février, à 10 heures, que j’ai aperçu un véhicule rempli d’hommes armés chez moi. Un d’entre eux est descendu pour me dire qu’on avait besoin de moi au commissariat, je suis alors allée avec eux au commissariat de Bonfi. Arrivée là-bas, ils m’ont dit que je suis poursuivie pour participation délictueuse à un attroupement, que je serais sortie sur une télévision où je tenais une affiche en scandant AMOULANFE (le slogan des opposants à un troisième mandat pour le président Alpha Condé, qui signifie ça ne marchera pas, ndlr).

J’ai reconnu les faits, puisque j’ai tenu ces propos et j’ai même demandé au président de la République de penser à l’avenir des enfants, en les laissant retourner en classe. Ils m’ont alors déférée à la DPJ, puis à la maison centrale », a expliqué la vieille dame.

Cependant, Mabinty Camara a laissé entendre qu’elle n’a causé aucun trouble à l’ordre public lors de cette manifestation pour le respect de la constitution de mai 2010 pour le président de la république.
« On me dit que j’ai causé des troubles à l’ordre public. Je ne sais pas comment j’ai troublé cet ordre. Le jour de la manifestation, on était nombreuses là-bas et on a manifesté tranquillement. Il y avait des agents de la police qui étaient juste à côté, et ils nous ont même demandé de nous exprimer sans injures, ni de violences. On a manifesté et on est rentré. J’ai été surprise de voir 5 jours plus tard, des agents venir me chercher », a-t-elle laissé entendre.

Prenant la parole, le ministère public a indiqué que la manifestation à laquelle Mabinty Camara avait pris part n’obéissait à aucune procédure légale. C’est pourquoi d’ailleurs, le procureur audiencier a requis six mois de prison ferme contre la prévenue.

« Cette manifestation du 19 février n’était pas autorisée. C’est devenu maintenant récurrent, des citoyens se réclament hors la loi pour s’atteler à des activités de nature à troubler l’ordre public. La manifestation est un droit constitutionnel, certes ; mais, elle obéit à des principes et des procédures bien définies. Aucune procédure n’a été suivie lors de cette manifestation et la dame a tenu des propos dangereux et outranciers contre le président de la République. Elle même elle a tout reconnu ici. Je vous demande humblement de la retenir dans les liens de la culpabilité. Et, pour la répression, je vous prie de la condamner à 6 mois de prison ferme et au paiement de 300 mille francs », a requis le procureur Ibrahima Sory Touré.

Des réquisitions auxquelles s’est opposé maître Mohamed Traoré, membre du collectif des avocats du FNDC. Il estime que la position du procureur dans ce dossier est partisane.

« Je trouve que ces réquisitions sont des allégations partisanes, tenues par un procureur militant, avec une interprétation erronée des textes de lois. Aucune preuve concrète ne vous a été présentée. On vous parle de manque de moyens, comme si cet état de fait devait être imputé à ma cliente. Vu le caractère vide de ce dossier, je vous demande de prononcer la relaxe pure et simple de cette femme pour délit non constitué », a plaidé l’avocat de la défense.

Finalement, le tribunal a reconnu la prévenue coupable des faits de participation délictueuse à un attroupement qui lui sont reprochés. Et, en conséquence, le tribunal a condamné Mabinty Camara à six mois de prison assortie de sursis.

Alsény KABA pour Guineematin.com
Tel: (00224) 620-062-085

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