Après l’appel à l’affrontement, le président appelle à frapper

Alpha Condé en campagne pour changer la constitution dans le but de se maintenir à la tête de la Guinée

Par Habib Yembering Diallo : Quand les propos du président Alpha Condé appelant ses partisans à se préparer à l’affrontement avaient suscité indignation et protestation, certains responsables de son parti avaient pris la défense du chef de l’Etat, disant que celui-ci voulait parler d’affrontements d’idées, comme dans toute démocratie. Même s’ils ont eu du mal à convaincre le plus crédule, l’argument pouvait tenir la route puisqu’il existe bel et bien d’affrontements d’idées. Le principal intéressé, lui, n’a jamais essayé de justifier quoi que ce soit.

A l’occasion de la campagne électorale qu’il mène à l’intérieur du pays, le potentiel candidat à une nouvelle présidence à vie a tenu cette fois des propos que le plus talentueux de ses conseillers en communication ne pourrait nuancer. Le chef de l’Etat déclare sans ambages : « quiconque veut saccager les urnes le jour du vote, frappez-le ». S’il existe, comme nous l’avons dit, d’affrontements d’idées, en revanche il n’existe pas « frapper d’idées ». Frapper est défini comme : « Toucher plus ou moins rudement en portant un ou plusieurs coups ».

Voilà l’état d’esprit de celui qui mène actuellement le navire Guinée. Il existe rarement au monde un pays où le chef de l’Etat appelle les uns à frapper les autres. Parce que même le dernier citoyen n’a pas intérêt à ce qu’il y ait des troubles dans son pays. A fortiori le premier citoyen de ce pays. C’est autant dire que les propos présidentiels sont d’une extrême gravité.

Dans tous les cas, ces propos sont les prémisses de ce qui nous attend le 1er mars 2020. Si le double scrutin est maintenu ce jour-là, la Guinée risque d’avoir les pires élections de son histoire. Et pour cause, déjà, l’opposition qui est vent debout contre le régime depuis près de 10 ans ne participe pas aux élections législatives. Et pour ne rien arranger, ces élections, tant contestées, sont couplées avec un référendum qui est encore plus contesté, puisque combattu même par des citoyens non politiques. Le chef de l’Etat sait pertinemment que ceux qui sont contre ces législatives ne resteront pas les bras croisés pour observer.

Or si ces élections ne suscitent pas l’engouement et l’enthousiasme, elles sont néanmoins tolérées par certains citoyens. Ce qui est loin d’être le cas pour le référendum. C’est dire que si ce double scrutin est maintenu, il faudra craindre des troubles. Le président Condé le sait. C’est pourquoi, il anticipe en demandant de frapper les « fauteurs de troubles ».

Au regard de la réalité sur le terrain, ces « fauteurs de troubles » pourraient être nombreux le 1er mars. Au Fouta, fief du principal parti de l’opposition, une situation quasi insurrectionnelle prévaut déjà dans toute la région. En Basse Guinée, les autorités ont manié à la fois la carotte et le bâton, mais la résistance contre le troisième mandat ne fléchit pas. En Guinée forestière, le slogan pas d’élections sans le retour de Dadis est sur toutes les lèvres. Même en Haute Guinée, c’est la peur qui explique la passivité des militants de l’opposition. Car, ce qu’on occulte souvent, c’est que des leaders de cette région sont très actifs au sein du FNDC.

Bref, ces élections pourraient être tout sauf paisibles. En dépit d’une militarisation de la plupart des régions du pays, particulièrement du Fouta, il sera difficile de mettre un agent derrière chaque citoyen. Les innombrables obstacles qui se dressent devant les élections législatives et le référendum constituent donc l’autre référendum. Dans certains pays, c’est le taux de participation qui détermine la validité ou l’invalidité d’une élection.

En Guinée, il ne s’agirait pas d’un taux de participation ou d’abstention. L’opposition n’appelle pas à l’abstention. Elle demande l’empêchement du vote. Cela veut dire qu’il n’est pas exclu que certaines régions ou communes ne puissent pas du tout voter. Visiblement, ce qui intéresse le pouvoir, c’est le vote. Quel que soit le nombre de votants. Le reste sera géré après.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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