Philippiques : le Mal Alpha

Alpha Condé

Par Sally Loba : Le moins averti des observateurs l’avait prévu. La gestion par le gouvernement de la crise sanitaire – et ses effets collatéraux – est à l’image de la gouvernance Alpha Condé. Depuis maintenant dix longues et pénibles années, elle se résume en un mot : légèreté !

Légèreté avec les partenaires sociaux, légèreté avec les investisseurs, légèreté avec les finances publiques, légèreté avec les lois, légèreté avec la justice, légèreté avec les libertés, légèreté avec la constitution : au mépris de son serment, il a tordu le cou à celle qui lui avait pourtant permis de se présenter aux présidentielles de 2010, alors que la précédente le disqualifiait avec la limitation d’âge. Et l’on ne s’est pas arrêté en si bon chemin. La constitution obtenue aux forceps le 22 mars dernier aurait déjà connu ses premiers tripatouillages entre la publication du projet et… sa promulgation !

Comment un président de la République, garant des institutions, peut-il continuer à jouer avec la constitution sur une énième roublardise de dernière minute ?

Loin d’impressionner, cette grande légèreté et cette absence de tenue républicaine font de la Guinée un objet de risée.

Du premier quinquennat au second qui tire à sa fin, le pays continue sa dérive. Tandis que le Professeur (des écoles ?) case et recase ses gens à des postes importants, et les Guinéens sont de plus en plus écœurés. Ce sont les mêmes têtes qui font des va-et-vient.

Et comme des rumeurs font état de l’imminence d’un remaniement du gouvernement, on voit déjà des caciques pousser du coude en lorgnant des portefeuilles ministériels ou des postes de prestige.

Légèreté ! Il ne pouvait en être autrement dans la « guerre » (comme aiment à le répéter maints présidents africains, tels des perroquets de Macron) contre la Covid-19. Là encore c’est l’embrouille érigée en mode de gestion, l’exacerbation des ambitions en jouant les uns contre les autres, notamment entre la tutelle qui est le ministère de la Santé et l’ANSS dirigée par Dr. Sakoba Keita.

En zoologie, le mâle dominant ou mâle alpha est l’individu de sexe masculin d’un groupe d’animaux (en général des loups) que les autres membres suivent, auquel ils obéissent ou se soumettent

En l’occurrence, le mâle alpha à la tête de la meute que l’opposition accuse d’avoir mis le pays en coupe réglée est devenu, en l’espace d’une décennie à peine, le Mal absolu pour la Guinée et les Guinéens.

Opportuniste jusqu’au bout des ongles, il cherche à tirer avantage de toute les situations. Et s’il y a quelqu’un qui a dû se frotter les mains quand les premiers cas de maladie au nouveau coronavirus ont été signalés en Guinée, c’est certainement lui.

Il a réussi, à l’abri du regard ou dans l’indifférence d’une communauté internationale accaparée par la lutte contre la pandémie, à imposer son référendum.

Celui grâce auquel il rêve de mourir entre les quatre murs de Sekhoutoureya, après avoir obtenu un mandat de plus. Le mandat de trop.

Évidemment, sans surprise, la meute l’a suivi dans cette aventure périlleuse, plus par contrainte que par conviction pour certains ministres et hauts cadres.

On sait que ses collaborateurs n’ont aucun pouvoir. C’est « Professeur » qui régente tout. Rien ni personne ne trouve grâce à ses yeux. On ne contredit pas le « fama », sous peine de remise au pas ou de perdre son poste et les avantages qui vont avec. Bref, la machine gouvernementale est réduite à lui, il n’y a pas d’équipe, pas de plan, pas de cohésion.

Le Premier ministre ? Rien qu’un faire-valoir dont le choix par clientélisme, sur des bases régionalistes et ethniques, a fait flop. Au fil des ans, le pouvoir s’est aliéné le soutien de la plupart des notabilités de la région du littoral. Idem pour ses populations qui ont majoritairement boudé le fameux référendum, perçu comme un véritable coup de jarnac contre la démocratie.

Non sans quelques regrets (mais peut-être qu’il n’est pas encore trop tard), on se dit que si tous ces gens qui l’entourent, surtout le RPG qui risque d’assister à ses propres funérailles, avaient le courage -et l’honnêteté- de le mettre en garde contre cette folle idée de troisième mandat, ils l’auraient aidé à sortir de sa bulle. Et ils l’auraient peut-être sauvé.

Hélas, Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre !

Par Sally Loba

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