Guinée : le casus belli du vice-gouverneur de la BCRG

Les propos tenus par Baïdy Aribot sont tout simplement inacceptables. Ils sont abominables. Et donc condamnables. Ils suscitent une vive indignation. Mais cet homme n’a fait que dire tout haut ce que beaucoup murmurent tout bas. Avant lui, d’autres avaient tenu des propos similaires. D’autres le font encore régulièrement.

Là n’est donc pas le problème, puisque le sujet devient banal. Là où il y a problème (et c’est l’un qui explique l’autre), c’est le silence coupable observé par ceux-là qui devaient mettre fin à ce débat nauséabond voire suicidaire. Si, après un tel casus belli, aucune institution ne lève un petit doigt pour interpeller l’auteur de ces propos, il va de soi qu’on encourage d’autres à lui emboîter le pas.

Voilà la raison pour laquelle la Guinée fut la première au départ et dernière encore. Un Etat dans lequel les citoyens sont jugés par leur race, leur ethnie ou leur religion est un pays condamné à la pauvreté et à la misère. Les exemples ne finissent pas. Si les Etats-Unis d’Amérique sont ce qu’ils sont aujourd’hui c’est parce qu’ils sont capables d’élire un président non pas sur la base de la couleur de sa peau, ni sa race encore moins sa religion. Mais pour ses compétences et son patriotisme. Ce sont les deux qui comptent.

Tout près de nous, le Sénégal, avec une écrasante majorité musulmane, n’avait pas trouvé que le Léopold Seder Senghor était chrétien pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. Pas plus Macky Sall, le peulh, d’être élu. Et les résultats sont là. Ce pays, particulièrement défavorisé par la nature, vient de quitter la fameuse liste peu enviable des pays les moins avancés pour se hisser très haut. Prouvant ainsi qu’en lieu et place des ressources naturelles, ce sont les ressources humaines qui développent un pays.

Un autre exemple non lointain, la Côte d’Ivoire. Autrefois pays à revenu intermédiaire, la Côte d’Ivoire a connu une véritable descente aux enfers à cause de l’ostracisme qui excluait une partie des Ivoiriens. Depuis l’échec du concept d’ivoirité, le pays a été remis sur les rails du développement. Les exemples ne finissent pas.

Le peuple de Guinée s’est battu pour la démocratie plus que n’importe quel peuple d’Afrique au Sud du Sahara. Mais chaque jour cette démocratie devient un mirage pour les Guinéens. La raison n’est pas à chercher loin. Elle se trouve dans la logique d’une élite incompétente, corrompue et dépourvue de patriotisme. Comme l’attestent les propos de ce monsieur qui, en plus d’être un élu du peuple, est le vice-gouverneur de la très prestigieuse Banque centrale.

Mais encore une fois, avant lui d’autres avaient dit ou fait la même chose. Même le chef de l’Etat avait appelé ses « oncles » à voter pour lui en 2010. Leur disant qu’une famille paternelle peut détester son enfant mais jamais une famille maternelle. Sans compter qu’actuellement certains partis politiques, en perte de vitesse, sont en train de colporter des fausses rumeurs dans le pays en disant au bas peuple que si tel ou tel autre arrive au pouvoir il va les chasser.

C’est autant dire que le combat pour la démocratie ne s’arrête pas au fichier électoral, au renoncement pour une nouvelle constitution ou à l’organisation d’élections législatives inclusives. Il y a beaucoup d’autres chantiers. Comme celui de la justice. Mais aussi celui de la formation et la sensibilisation des citoyens. Et ce travail ne revient pas qu’aux seuls partis politiques. Il devra être mené par ces derniers mais aussi par les médias et la société civile.

Il n’y aura jamais une démocratie sans démocrates. Or si la démocratie signifie la liberté, elle signifie aussi la responsabilité. Surtout la justice et la justesse.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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