Carnet de route : l’odyssée de nos routes

Il y a encore quelques années, je faisais 6 à 7 heures entre Conakry et Labé. Cette fois, il a fallu 17 heures. Parti de Conakry à 7h, le weekend dernier, je ne suis arrivé dans la cité de Karamoko Alpha qu’à minuit (zéro heure). Principale raison de ce temps record, l’état de la route. Mais, il n’y a pas que cela. Les barrages routiers constituent un autre facteur de retard. A chaque entrée et sortie d’une ville, il y a un barrage. Du moins jusqu’à Mamou. Sans compter d’autres, érigés en pleine brousse.

Le premier barrage se trouve juste à la sortie de la ville de Coyah. Sur les lieux, il y a une forte présence de la police. Pour passer, il faut présenter l’autorisation de sortie de la capitale ou le fameux certificat de test Covid. A défaut de l’un ou de l’autre, il faut bien évidemment mettre la main à la poche. Inutile de dire que l’écrasante majorité des voyageurs ne possèdent ni l’un ni l’autre de ces deux papiers. Raison pour laquelle ils font recours au billet de banque pour ce qu’on appelle le lever du barrage.

Juste après la ville de Coyah, vous êtes confronté à la dure réalité du pays profond. Après la boue pendant la saison des pluies, c’est désormais une épaisse poussière qui vous enveloppe à la sortie de cette ville. Ou plus exactement tout le long du parcours. De Coyah à Kindia où, habituellement, vous parcourez les 85 kilomètres en une heure, il faut désormais entre 5 et 6 heures. Tout le long de la route vous avez des équipes, composées de Chinois et de Guinéens, qui travaillent. Ou ils font plutôt semblant de travailler. Parce, entre novembre 2019, date à laquelle j’ai quitté la région et novembre 2020, les travaux n’ont pas bougé d’un iota sur certains endroits. Notamment à Kouria.

Juste après le pont de Kaka, vous avez le deuxième barrage. Là il ne s’agit pas d’autorisation de sortie ou de test Covid. Mais, de contrôle d’identité. Généralement, les voitures personnelles sont exemptées de ce contrôle. Mais, pour les transporteurs et surtout leurs passagers, le contrôle tourne parfois à l’humiliation. Comme sur une frontière, tout le monde descend pour traverser le barrage. Les chauffeurs de taxis qui préfèrent que les passagers ne descendent pas, préparent l’enveloppe avant d’arriver sur les lieux. Et le tour est vite joué.

A peu près 5 kilomètres après ce barrage, vous avez un autre. En l’occurrence celui qui a remplacé le tristement célèbre barrage du KM 36. Sur ces lieux, vous avez tous les corps de l’armée. Le contrôle est strict. Mais, surtout pour les transporteurs. Les grosses cylindrées, elles, peuvent passer sans problème. Ce qui explique que, malgré la présence pléthorique de tous ces agents, des produits prohibés pourraient entrer ou sortir de Conakry sans la moindre difficulté.

Après ce barrage, il y a un autre à Madina Dian, un à Mambia et un dernier à Foulaya. Ce qui fait un total de 6 barrages entre Conakry et Kindia. Même un pays en conflit ne ferait pas pire. Si, paradoxalement, le piteux état de la route a réduit considérablement le nombre d’accidents, en revanche, les pannes, elles, battent tous les records. Vous ne pouvez pas faire 5 kilomètres sans trouver un engin en panne. Cette route, qui alterne un peu de goudron et une grande partie de piste, est la pire que la Guinée a connue ces dernières années. Après 7 heures de route, nous voilà à Kindia. A priori, la situation est moins difficile après la capitale de la Basse Guinée. Il y a désormais des endroits où le goudron est encore intact. Mais d’autres sont encore pires.

Malheureusement, ce qui devait arriver arriva à Kollenten. L’échappement de ma voiture prend un sacré coup. Il commence à émettre un bruit assourdissant. Ce qui m’oblige à solliciter l’intervention d’un tôlier à Sougueta.

Après cet arrêt, il fallait amorcer voire affronter la montagne de Yombokhouré. La particularité de cet endroit, par ailleurs paradisiaque, est que, même si la route est bonne arpenter Yombokhouré et ses virages n’est pas une promenade de santé. A ce défi pour le conducteur, il y a désormais la poussière ou la boue selon la saison. A 17h nous sommes à Tamagali. Repas, repos et prière de 17h.

L’objectif d’arriver à Labé avant la tombée de la nuit devient de plus en plus chimérique. La prière du crépuscule est faite à Mamou. Dans la ville carrefour, nous sommes mis en garde : les coupeurs de routes sévissent implacablement entre cette ville et celle de Dalaba. Ils profitent du mauvais état de la route pour dépouiller les voyageurs. Il ne fallait donc pas s’arrêter sur ce tronçon pour quelle que raison que ce soit. Nous suivons un taxi brousse. Celui-ci croit être poursuivi. Il roule pour ne pas être rattrapé. Nous roulons pour ne pas qu’ils nous laissent loin derrière. S’engage alors une course poursuite. Outre le mauvais état de la route, il y a tout le long de cette route de gros arbres qui obstruent le passage. Ces arbres ont subi la colère des manifestants après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle. Durant cette traversée anxieuse, l’échappement de la voiture a de nouveau lâché. Mais cette fois il est hors de question de s’arrêter.

C’est au terme de deux longues heures d’angoisse que nous arrivons à Dalaba non sans soulagement. Mais si la peur consécutive aux coupeurs de la route est dissipée, nous n’étions cependant pas au bout de nos peines. La route entre Dalaba et Pita est plus sûre mais pas plus bonne. Nous continuerons donc la route au rythme de la tortue. C’est finalement vers 0h que nous arrivons à Labé. Comble de paradoxe, entre Mamou et Labé, il n’y a aucun barrage routier. D’où l’explication et la justification de la présence des hors la loi dans la brousse.

Pour celui qui va à Mali, la route Conakry-Labé n’est que la fumée. Le feu est plus loin. Et conformément à l’adage selon lequel celui qui veut aller loin ménage sa monture, l’intervention d’un autre tôlier est de nouveau nécessaire pour attacher solidement l’échappement. Ce travail nous prendra 3 bonnes heures. A 11h, départ pour Yembering. Habituellement je parcours les 70 km qui séparent la capitale régionale de chez moi en 3 heures maximum. Cette fois, il a fallu le double. Parti de Labé à 11h, c’est à 17h que nous arrivons.

Selon les témoignages recueillis sur place depuis 2015 aucun entretien routier n’a été effectué sur cette route. Il y a un an et demi un pont a cédé près du village de Télikoto, reversant un camion et emportant tout son contenu. Depuis, une équipe chargée de reconstruire ce pont est sur place. Mais à observer le rythme avec lequel les travaux avancent, l’inauguration de cet ouvrage n’est malheureusement pas pour demain. Si elle n’est pas tout simplement renvoyée aux calendes grecques.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

Téléphone : 664 27 27 47

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