Elie Kamano interdit de passage à la RTG ? « C’est con », réagit l’artiste

La nouvelle fait du bruit depuis hier à Conakry. Le reggae man Elie Kamano aurait été interdit de passage sur les antennes de la RTG. L’artiste a réagi sur le sujet au cours d’un entretien avec un journaliste de Guineematin.com, ce mardi, 04 décembre 2018. Il se dit frustré et révolté contre le directeur général de la Radio-Télévision Guinéenne.

Décryptage !

Guineematin.com : on apprend que vous avez été interdit de passage à la télévision nationale. Est-ce que vous avez été saisi d’une telle décision ?

Elie Kamano : j’ai été informé de cela hier nuit, on m’apprend que le directeur général de la RTG a signifié à tout le monde qu’Elie Kamano était persona non grata sur les antennes de la RTG. J’aimerais tout simplement dire aux uns et aux autres que cet homme que certains appelle DG Savané, est un militant du RPG, un militant qui n’a eu de satisfecit dans aucune radio ici de la place. Il a fait biologie à Gamal et se voit aujourd’hui parachuté à la tête d’une télévision comme ça qui devrait faire honneur au pays, honneur à l’image de la Guinée, on le parachute là-bas. Et qu’est-ce qu’il fait, il interdit des personnes qui ont contribué à l’émergence de la culture, avant que lui-même il ne termine ses études.

Parce que c’est des gens qui ont grandi avec ma musique, qui ont écouté ma musique. Et, à un moment donné avent l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir, c’est des gens qui étaient dans mon esprit, qui étaient avec moi parce que j’étais dans une logique de dénonciation des régimes passés. Mais aujourd’hui, ils me combattent parce qu’ils veulent se faire plaire au régime. Et, ils veulent dire à tout le monde que oui, moi j’ai pu bloquer l’image d’Elie Kamano. L’image la plus insignifiante d’Elie Kamano ne passera pas à la RTG tant que je serai là. Mais c’est con, c’est un petit con. Parce que les régimes passent avec les hommes qui les alimentent, mais l’art demeure, la vérité demeure pour toujours. Donc, je suis révolté, je suis frustré.

Guineematin.com : avant cette situation, il y a déjà eu du bruit autour d’un concert de la paix que vous avez voulu animer avec Takana Zion à Conakry. Mais ce concert a été finalement annulé. Que s’est-il passé au juste ?

Elie Kamano : ce qui se passe, c’est que les autorités de la place, c’est-à-dire le premier magistrat de notre pays, c’est lui-même qui a appelé et qui a dit qu’il veut tout simplement que notre concert soit annulé. Et par rapport à ce concert annulé, nous avons été quand même appelé par quelques autorités de bonne foi, qui sont aujourd’hui en train de discuter avec nous afin qu’on puisse trouver une porte de sortie. Sinon, nous allons faire entendre nos droits.

Parce qu’il n’est pas question qu’en temps de crise dans notre pays, les deux leaders de la musique urbaine décident de se mettre ensemble, décident de taire leur rivalité, leur jalousie, leur adversité et surtout leurs égaux, pour se mettre ensemble au service de la Guinée, de la paix, de la cohésion sociale, et que le premier magistrat de la Guinée, en qui cela devait profiter en premier, annule ou empêche la tenue de ce concert. C’est qu’il y a un problème, un sérieux problème.

Guineematin.com : selon vous, qu’est-ce que le président de la République a à gagner en interdisant ce concert ?

Elie Kamano : ce qu’il a à gagner, c’est qu’il se dit qu’il fait mal à Elie Kamano parce qu’il dit qu’Elie Kamano n’aime pas son système. Et moi, personne ne pourra me faire mal dans ce pays, parce qu’il y a dans le passé des personnes qui ont eu à me faire du mal, qui ont eu à porter atteinte même à mon intégrité physique au temps de Dadis et de Conté, mais cela n’a pas changé ma position. Alpha Condé oublie que ce combat que je mène, ne date pas d’aujourd’hui.

Moi, je n’ai pas porté la caquette du RPG, mais par ricochet, je me suis battu pour qu’on vive la démocratie, pour qu’on ait un régime civil. Je suis un acteur majeur dans cette lutte. Maintenant, si lui, il est prêt à bâillonner des acteurs qui se sont battus pour que lui, il arrive au pouvoir, je pense que le peuple jugera et le peuple répondra au moment venu.

Guineematin.com : ces problèmes que vous vivez aujourd’hui, interviennent alors que le reggae vient d’être inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. En tant qu’artiste reggae man, comment vous avez accueilli cette nouvelle ?

Elie Kamano : moi je pense que c’est la victoire du bien sur le mal, parce que mieux vaut tard que jamais. Aujourd’hui, Bob Marley qui est considéré comme le précurseur de ce genre musical n’est plus. Mais, nous avons repris le flambeau : Tiken Jah, Alpha Blondy, Lucky Dube (paix à son âme) entre autres. Et, on a fait de cette musique aussi une arme de dénonciation, une arme du peuple. Et donc, si cette arme est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, on ne peut que se réjouir. Moi, je pense que c’est un sentiment de satisfaction qui m’anime. Et aujourd’hui, nous comprenons que le mal contre lequel nous nous battons, nous commençons à toucher le monde et nous prenons le dessus sur le mal.

Guineematin.com : qu’est-ce que cela va changer dans le monde du reggae après cette reconnaissance ?

Elie Kamano : ça va nous donner beaucoup plus d’énergie, ça va nous donner beaucoup plus de courage. Et, ça va nous permettre de savoir même si nous estimons à certain moment, que le message ne tombe pas dans de bons oreilles, mais ça nous permet de comprendre aujourd’hui, que les gens tiennent comptent naturellement de ces messages et de ce combat que nous menons inlassablement dans nos différentes sociétés, dans nos différents pas. Donc, ça va nous requinquer. Et, c’est aussi dire à la future génération, des gens qui voudront faire de la musique, que de tous les genres musicaux, le reggae est la seule arme avec laquelle on peut combattre les tares de la société. Et voilà pourquoi, aujourd’hui on se sent très fiers et très honorés.

Guineematin.com : c’est la fin de cet entretien. Avez-vous un dernier mot ?

Elie Kamano : je vous remercie de m’avoir donné cette occasion de m’exprimer sur ces différents sujets. En tout cas le combat, que ça soit au niveau de la presse, que ça soit au niveau de l’art, que ça soit au niveau même de la politique, la société civile, il faut qu’on se donne les mains pour barrer la route à ce monsieur qui veut épouser une troisième femme. La troisième femme, ce n’est pas bon pour nous, elle ne passera pas, elle ne rentrera pas. Parce que si la troisième femme doit rentrer ici, il va falloir se baigner dans le sang des guinéens. Et pour se baigner dans le sang des guinéens, ça finira comme le cas de Moussa Traoré en 1991 au Mali.

Donc, à tous les Guinéens, qu’on se lève et qu’on dise non à la troisième femme. Il n’est pas question parce que c’est ce qu’on a voté dans notre Constitution, c’est ce qui est écrit, il n’est pas question qu’on modifie cette Constitution. Blaise Compaoré en a payé le prix au Burkina Faso. Donc, on n’est pas en train d’assister à une sorte de peur. Quand vous mettez les PA partout, ne pensez pas que le peuple a peur. Aucune armée du monde ne peut arrêter un peuple uni et un peuple en colère. 95% des guinéens, des jeunes surtout, sont contre la troisième femme. Et la troisième femme c’est qui, c’est le troisième mandat.

Entretien réalisé par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com
Tél. : (00224) 621 09 08 18

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