Coupure de l’internet pendant les élections : la lettre de #KeepltOn au régime Alpha Condé

« Compte tenu de l’importance de ce référendum imminent pour le peuple de Guinée et des implications de voter soit en support soit contre les réformes constitutionnelles proposées, nous aimerions vous exhorter, votre Excellence, à mettre en place les mesures nécessaires pour assurer que le résultat du référendum soit transparent, accessible, et soutienne les droits fondamentaux de votre peuple, y compris leurs droits dans le domaine numérique ».

#KeepIton : Lettre Jointe pour garder l’internet libre et sécurisé pendant le référendum et les élections dans la République de Guinée.

Coupure de l’internet pendant les élections de la République de Guinée

Votre Excellence Alpha Condé, Président de la République de Guinée

M. Moustapha Mamy Diaby, Ministre des Postes, Télécommunications et Économie Digitale

M. Mamadou Lamine Fofana, Ministère de la Justice

Nous renvoyons cette lettre qui a été envoyée à votre bureau le 28 février 2020 pour demander de toute urgence que votre bureau assure la stabilité et l’ouverture d’Internet et des plateformes de médias sociaux en Guinée lors du référendum sur les réformes constitutionnelles et les élections législatives qui ont été reportées à dimanche le 22 mars 2020. De la part de plus de 210 organisations de plus de 75 pays qui font partie de la Coalition #KeepItOn, nous vous appelons, Président Condé, à assurer que l’internet incluant les médias sociaux et autres modes de communications restent ouvert, sécurisé, et accessible avant, pendant, et après le référendum et les élections législatives de la République de Guinée.

Votre Excellence, nous avons été informés que la Guinéenne de Large Bande (GUILAB), le principal opérateur d’infrastructures de télécommunications du pays, a l’intention de subir des travaux de mise à niveau des installations du 21 au 22 mars 2020, ce qui perturbera les communications internationales, y compris les appels téléphoniques et l’accès à Internet. Nous vous demandons en conséquence, d’ordonner à GUILAB de reporter tous les travaux de maintenance et de veiller à ce que le peuple guinéen ait accès à un service Internet et de télécommunications gratuit, ouvert et sécurisé pendant toute la période électorale et référendaire.

Compte tenu de l’importance de ce référendum imminent pour le peuple de Guinée et des implications de voter soit en support soit contre les réformes constitutionnelles proposées, nous aimerions vous exhorter, votre Excellence, à mettre en place les mesures nécessaires pour assurer que le résultat du référendum soit transparent, accessible, et soutienne les droits fondamentaux de votre peuple, y compris leurs droits dans le domaine numérique.

Il y a un besoin pour la transparence et la responsabilité pendant cet événement national et l’accès à l’internet et aux médias sociaux de vos citoyens peut contribuer significativement à y parvenir. Votre Excellence, il y a eu des rapports que plusieurs personnes sont mortes dernièrement suite à l’usage excessif de la force par agents de vos forces de l’ordre pendant des manifestations. Ces développements sont inquiétants à l’aube d’élections cruciales pour le pays, et il est d’autant plus important de garantir un accès aux moyens de communication sans entrave pendant cette période.

Les blocages d’internet nuisent aux droits humains, perturbent les services d’urgences et endommagent les économies.
La recherche nous montre que les blocages d’internet et la violence surviennent souvent ensemble [ ], [ ]. Les blocages perturbent la libre circulation d’informations et créent une couverture d’obscurité qui cache les abus de droits humains, hors de la vue de l’oeil public. Journalistes et travailleurs dans les médias ne peuvent pas contacter leurs sources, recueillir des informations, ou publier leurs reportages sur la campagne électorale sans outils de communications digitaux.[ ] Justifiés pour de nombreuses raisons, les blocages coupent l’accès à des informations vitales, e-commerce, et services d’urgences, plongeant toute la communauté dans la peur.

L’internet ouvert a favorisé la créativité, l’innovation, l’accès à l’information et autres types d’opportunités sociales, économiques, culturelles et politiques sans précédent à travers le monde. Les moyens techniques utilisés pour bloquer l’accès à l’information en ligne sapent la stabilité et résilience de l’internet. De même, les interruptions de réseau déstabilisent la capacité à supporter la subsistance des petites entreprises et le développement économique.

Les blocages d’internet sont en contravention avec lois nationales et internationales
Les blocages d’internet violent les droits humains fondamentaux comme la liberté d’expression, l’accès à l’information, et le droit de se réunir, qui sont garantis par les cadres nationaux, régionaux, et internationaux comme la Constitution de la République de Guinée, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP).

Le Comité des Droits de l’Homme de L’ONU, l’interpréteur officiel du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, souligne dans son Commentaire Général no. 34 que les restrictions sur le discours en ligne doivent être nécessaires et proportionnelles en achevant un objectif légitime [ ]. Les blocages, en contraste, affectent disproportionnellement tous les utilisateurs, et restreignent inutilement l’accès à toute information et aux communications avec les services d’urgence pendant des moments cruciaux. Les blocages ne sont ni nécessaires, ni effectifs, ni ne poursuivent de but légitime, parce qu’ils empêchent la libre circulation d’information, contribuent à la confusion et au désordre, et obstruent la sécurité publique.

En tant que coalition, nous croyons en un internet qui habilite tous droits humains, et nous sommes convaincus que l’accès à l’internet et aux plateformes de médias sociaux peut favoriser un résultat transparent et équitable lors du prochain référendum et des élections législatives grâce à la participation active des citoyens.

Nous vous invitons donc à prendre les mesures nécessaires pour garantir que les fournisseurs de services internet et les acteurs concernés garantissent un internet ouvert, accessible et sécurisé à travers la Guinée tout au long de cette période critique. Les blocages d’internet sont un obstacle à la réalisation des droits humains des citoyens.
Nous vous demandons respectueusement d’utiliser les postes importants de vos bureaux pour :
● Veiller à ce que l’internet, y compris les médias sociaux, reste accessible tout au long du référendum et des élections législatives ;
● Assurer publiquement au peuple de la République de Guinée que l’internet et toutes les plateformes de médias sociaux seront allumés, et informer le public de toute perturbation ;
● Encourager les fournisseurs de services de télécommunications et d’internet à respecter les droits humains par des divulgations publiques sur les politiques et pratiques ayant un impact sur les utilisateurs.

Nous nous tenons à votre disposition pour vous aider dans toutes ces affaires.
Sincèrement,

Le 18 Mars, 2020

Access Now

ADISI-Cameroun

Africa Open Data and Internet Research Foundation (AODIRF)

Africans Rising

AFRICTIVISTES

AfroLeadership

Association for Progressive Communications (APC)

Bloggers Association of Kenya (BAKE)

Bloggers of Zambia

Campaign for Human Rights and Development International (CHRDI)

Centre for Multilateral Affairs (CfMA)

Chadian Civil society organisation PACT

Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa (CIPESA)

Committee to Protect Journalists (CPJ)

Human Rights Foundation (HRF)

Internet Sans Frontières (ISF)

Media Foundation for West Africa (MFWA)

Namibia Media Trust

Open Observatory of Network Interference (OONI)

OpenNet Africa

Paradigm Initiative

PEN America

Reporters sans frontières (RSF)

Sassoufit

Southeast Asia Freedom of Expression Network (SAFEnet)

Unwanted Witness Uganda

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