Violences à N’Zérékoré : la diaspora forestière menace de saisir la CPI

Le conseil supérieur de la diaspora forestière ne décolère pas suite aux violences meurtrières qui ont émaillé le double scrutin législatif et référendaire du 22 mars 2020, à N’Zérékoré. Son comité de prévention et de gestion de crise a animé une conférence de presse ce vendredi, 27 mars 2020, à Conakry. La structure s’est insurgée contre cette situation, accusant les autorités du pays d’en être responsables, a constaté un reporter de Guineematin.com qui était sur place.

Pour Me Pépé Antoine Lama, membre de cette organisation, certaines déclarations et certains actes posés à la veille de ces élections contestées par l’opposition, laissent croire que les autorités guinéennes, à commencer par le président de la République, sont à l’origine de ce qui est arrivé le jour et le lendemain du vote dans la ville de N’Zérékoré.

Me Pépé Antoine Lama, avocat et membre du comité de prévention et de gestion de crise du conseil supérieur de la diaspora forestière

« Dans cette affaire, il y a des constances qu’il faut relever et qu’il faut dénoncer. Il vous souviendra que c’est le chef de l’Etat qui a été le premier à lancer le ton en invitant des militants à l’affrontement. A deux reprises et à deux endroits, il a invité certains citoyens à frapper ceux-là qui voudront tenter d’empêcher la tenue des élections. Et pour la dernière fois, il a même demandé de s’occuper de ceux qui vont tenter d’empêcher la tenue des élections. En plus, il est parti jusqu’à demander à ce que des militants assurent la sécurisation des bureaux de vote comme s’il n’y avait plus la police, comme s’il n’y avait plus la gendarmerie.

Les conséquences, vous les voyez en face. Les bureaux de vote à certains endroits, en tout cas en région forestière, étaient gardés par des Donzo (chasseurs traditionnels). Ce que nous savons des Donzo, leur compétence c’est dans la forêt, c’est dans la brousse pour chasser les gibiers. En ma connaissance, il n’y avait pas de gibiers dans les bureaux de vote pour nécessiter leur intervention. Avec les témoignages que nous recueillions suite à ces affrontements intercommunautaires, ces Donzo sont incriminés. Et aussi, nous déplorons la volonté véritable et avérée de tuer dans cette affaire », a déclaré l’avocat.

Selon lui, un journaliste qui avait vu venir les choses, avait lancé une alerte par rapport à la dangerosité de ce qui se préparait à N’Zérékoré. Malheureusement, regrette ce ressortissant de la Forêt, cette alerte n’a été suivie d’aucune disposition sécuritaire. « Et quand des personnes avaient été attaquées dans leurs domiciles, elles ont appelé leurs proches. Ceux qui avaient des relations dans les services de police et de gendarmerie, même au niveau de l’armée ont informé, mais les forces de défense et de sécurité ne sont pas intervenues.

Le pasteur de l’église protestante évangélique de N’Zérékoré, dont l’église a été mis à sac, avait alerté toutes les autorités administratives, les forces de défense et de sécurité, aucune disposition n’a été prise. Ils ont fait comme on aime à le dire, le médecin après la mort. Il y a eu plusieurs morts. Des personnes ont été ramassées par-ci, par-là, entassées à la morgue de l’hôpital régional de N’Zérékoré.

Les parents sont venus rechercher leurs corps, certains ont pu retrouver et identifier leurs corps. On leur a promis qu’on pourrait mettre à leur disposition les corps le lendemain très tôt pour qu’ils puissent leur réserver l’enterrement qui leur conviendrait. A leur fort étonnement, quand ils sont revenus le lendemain pour récupérer les corps, on leur fait savoir que les corps ont été nuitamment enterrés. Alors, les questions qu’on se droit de poser, c’est qui a ordonné l’enterrement de ces corps, qui veut empêcher la manifestation de la vérité », s’interroge Me Pépé Lama.

Pour cet avocat inscrit au barreau Guinéen, tout porte à croire que les autorités guinéennes ne veulent pas que la vérité soit connue dans cette affaire. « Si nous voulons mener une enquête sérieuse dans cette affaire, pour identifier les causes de ces morts, ce qui pourrait faciliter la tâche aux enquêteurs quant à la recherche des auteurs, il fallait passer par l’autopsie pour savoir la cause de leur mort. Cela n’a pas été fait. On n’a pas pu identifier les corps. Ils étaient au nombre de combien ? Quelle étaient leurs identités ? Ils sont morts de quoi ? A date on ne peut le savoir. C’est pourquoi, je dis que je suis pessimiste quant au sérieux de l’enquête qui a été déclenchée (…). Ce qui se passe à N’Zérékoré s’assimile à un génocide. Ça frise un crime contre l’humanité. A la justice guinéenne de jouer sa partition. Sinon, nous allons provoquer la saisine de la Cour Pénale Internationale. Et tous ceux qui ont été les commanditaires, les auteurs, les acteurs de ce massacre, vont répondre de leurs faits devant la justice internationale », a prévenu maître Pépé Antoine Lama.

Les affrontements inter-communautaires enregistrés dans la ville le jour et le lendemain de ces élections législatives et référendaires, contestées par l’opposition, ont fait beaucoup de morts et de blessés, dont le nombre n’est pas encore connu. On dénombre également d’importants dégâts matériels, dont des maisons et une église incendiées.

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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