Loyer cher en Guinée : plusieurs députés veulent réglementer le secteur

Des députés déposent la proposition de loi sur le bail à usage d’habitation, le 26 mai 2021

Ils en ont marre de l’anarchie qui règne dans le secteur du logement en Guinée, et ils comptent y mettre fin définitivement. C’est dans ce cadre que plusieurs députés, réunis en collectif, ont élaboré une proposition de loi visant à réglementer ce secteur. Hier, mercredi 27 mai 2021, ils ont remis le document, signé par une soixantaine de députés, au secrétaire général de l’Assemblée nationale. Dans une interview qu’il a accordée à Guineematin.com, ce jeudi matin, l’honorable Habib Baldé, porte-parole du collectif, est revenu en détail sur cette initiative.

Décryptage !

Guineematin.com : vous venez de déposer une proposition de loi sur le bail à usage d’habitation à l’Assemblée nationale. En quoi consiste cette initiative ?

Habib Baldé : cette proposition de loi consiste à réguler le secteur du logement en Guinée. Comme vous le savez, le Code civil ne traite pas des questions contractuelles entre le locataire et le bailleur. C’est pourquoi les gens vont sur internet où ils imaginent des clauses à mettre dans les contrats sur aucune base juridique légale en République de Guinée. Donc nous avons eu l’idée de chercher à réglementer ce secteur, parce que vous pouvez voir des gens qui vous demandent 3 mois d’avance, d’autres 6 mois, voire un an et plus, alors qu’il n’y a aucune base juridique. Dans tous les pays au monde, la location est réglementée.

Quand tu construis une maison, bien sûr qu’elle t’appartient. Mais, si tu veux la mettre en location, tu dois respecter les règles édictées en la matière. C’est comme un véhicule que tu achètes. Tu ne l’achètes pas pour le conduire immédiatement, parce que l’Etat te dit que pour le mettre dans la circulation, il faut l’immatriculer, il faut les règles en la matière. Puisque dans ce milieu, il n’y a pas d’anarchie. Donc il faut que dans le domaine du loyer également, on puisse mettre de l’ordre dedans. Il faut que les sachent qu’il y a des textes de lois qui existent et qu’on ne peut pas fixer les choses de façon fantaisiste. Dans la proposition de loi, nous sommes allés sur un mois d’avance et deux mois de garantie qu’on appelle dans le jargon guinéen, caution.

Guineematin.com : avant de parler de l’avance et de la caution, il y a d’abord le loyer lui-même qui est très cher. Vous pouvez voir une maison d’une chambre, un salon, une toilette interne et une cuisine, pour laquelle on vous demande de payer un loyer mensuel de 1500.000 francs guinéens. Qu’est-ce que vous avez prévu à ce niveau ?

Habib Baldé : cet aspect est pris en compte. Je vous dis que le secteur va se régler. Il suffit qu’on mette en place les textes juridiques. Vous avez la commission nationale de régulation du loyer qui va fixer le référentiel prix en fonction des zones, des secteurs et de la qualité de la maison. Donc c’est au mètre carré qu’on va fixer le prix et ça va être une loi. La manière dont nous adoptons les textes à l’Assemblée nationale, ça va être la même chose pour l’adoption du référentiel. Et chaque année, chaque citoyen peut connaître exactement l’augmentation.

L’autre chose qu’il faut retenir dans cette proposition de loi, c’est que nous avons mis des barèmes d’augmentation. C’est-à-dire que tu ne peux pas te lever un beau matin pour dire j’augmente mon loyer à partir de tel moment de tel montant. Il a été clairement dit que pour ce qui est de l’augmentation du loyer, il y a un délai à respecter. C’est seulement au bout de 3 ans que tu as la possibilité de rectifier, d’amender le loyer. Mais aussi, cet amendement ne peut pas dépasser 5% du loyer initial. Cela veut dire que si vous êtes à un million, c’est 5% de ce montant que vous pouvez augmenter. C’est pour freiner vraiment l’anarchie qui règne dans le secteur.

Guineematin.com : ce n’est pas la première fois qu’une telle proposition de loi arrive sur la table de l’Assemblée nationale. Lors de la 8ème législature, vous aviez personnellement mené une démarche similaire avec l’ancien ministre Mouctar Diallo, sans succès. Quelles sont les chances cette fois que cette proposition de loi prospère ?

Habib Baldé : d’entrée de jeu, je vous dirais que c’est la même proposition de loi, mais amendée. Donc, ce n’est pas une nouvelle proposition de loi, c’est juste de nouveaux éléments nouveaux qui sont intervenus. Et je peux vous dire que nous avons un grand espoir, parce que je sens en cette neuvième législature, un dynamisme réel. Nous avons à la tête de ce parlement, un président qui est très dynamique, très efficace, qui est engagé à faire jouer le parlement son rôle de faire voter les lois. Et pour ce vote, comme vous le savez, il y a l’initiative qui est donnée au gouvernement et à l’Assemblée nationale. Donc nous voulons être des députés qui vont plus adopter des propositions de lois que des projets de loi. Donc l’espoir est très grand que cette proposition de loi puisse passer.

Guineematin.com : on sait qu’en Guinée, l’application de la loi pose véritablement problème. Si cette proposition est adoptée par l’Assemblée nationale, quelle est la garantie qu’elle sera respectée sur le terrain ?

Habib Baldé : ce n’est pas compliqué. Vous savez, ce qui complique ici l’application de la loi, c’est quand elle n’est pas à l’avantage des personnes concernées. Mais ici, c’est un problème qui touche 80% des Guinéens. Donc je peux vous dire que le citoyen lui-même va se faire appliquer la loi. Quant aux bailleurs, chacun doit enregistrer sa maison dans chaque quartier. Une fois enregistré, tu as l’obligation de respecter la loi.

Entretien réalisé par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com
Tél : 622 68 00 41

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