Les mots et les maux du ministre

Habib Yembering Diallo
Habib Yembering Diallo

Cher ami,

Je voudrais, par ces lignes, t’exprimer toute ma surprise et même mon indignation suite à l’information selon laquelle une réunion du parti a été organisée par certains de ses membres dont toi. En ce qui me concerne, j’ai l’intime conviction que, plusieurs raisons, une telle initiative est pour le moment contreproductive pour le parti et même dangereuse pour ses membres. 

Premièrement, vous avez fait exactement comme le serpent assené de coups et donné pour mort et qui, subitement, lève la tête pour dire qu’il n’est pas mort. Il veut que ses agresseurs l’achèvent. Deuxièmement, une telle décision dans le contexte actuel est dépourvue de bon sens. En effet, pour toi qui as connu la période de coups d’Etat sanglants des années 70 et 80, je ne t’apprends rien en te disant que ce qui nous est arrivé est comme ce qui arrive à un animal destiné à l’abattoir et qui s’en sort avec un tatouage. 

Autrefois les auteurs de coups d’Etat assassinaient le président de la République, les membres de sa famille et certains de ses ministres. Nous, nous sommes saints et saufs. En plus, les auteurs de ce coup s’engagent à ne pas procéder une chasse aux sorcières. Comme si cette magnanimité et cet engagement étaient une faiblesse, vous n’attendez même que le successeur de notre patron compose son gouvernement, vous tenez une réunion du parti. C’est tout simplement insensé de vote part. Excuse-moi du terme. 

J’ai l’impression que tu as oublié l’histoire récente de notre pays. Et particulièrement celle qui s’est déroulée il y a 35 ans. C’est vrai qu’à l’époque le coup était intervenu après le décès du chef, mais il y a quelques similitudes entre les deux événements. Même si, contrairement à ce qui s’était passé à l’époque, cette fois les ministres sont libres, ces derniers doivent à mon avis garder profil bas et observer. Je ne souhaite pas que l’histoire se répète. Car c’est la contradiction entre les auteurs du coup d’Etat qui avait entrainé la tragique disparition des ministres. 

Je ne suis pas en train de dire qu’il faille oublier notre patron. Je ne souhaite pas qu’on l’abandonne à son triste sort. Mais je voudrais qu’on le soutienne intelligemment. Et je ne pense pas que la méthode choisie soit la bonne. Au contraire, elle est dangereuse et même suicidaire. Vous avez un officier qui a pris le pouvoir et qui n’a même pas composé son gouvernement vous vous agitez comme si vous voulez l’intimider. Je suis désolé et même révolté. Car vous êtes en train de jouer le jeu de l’ennemi. 

Dans le contexte actuel ce que nous devions faire c’est notre mea-culpa. Pour demander pardon au peuple et à notre patron pour les avoir trompés tous. Car il n’y a pas que le peuple qui a été victime. Notre patron aussi l’a été. Il a été victime de notre duplicité voire notre lâcheté. Car il faut appeler les choses par leur nom. Nous avons tous trahi. Et ce n’est pas normalement aux nouvelles autorités de demander pardon au peuple. Ou une partie du peuple. C’est à nous. Parce que c’est nous qui avons géré. C’est nous avons qui avons encouragé un homme à aller à l’encontre de la loi. Et c’est cette volonté qui a causé le drame humain que nous connaissons tous.

Cher ami, 

Imagine un seul instant que tous nous fassions comme le vice Maire de Matam. Notre patron et notre parti n’auraient pas subi le sort qui est le leur aujourd’hui. Mais nous avons diabolisé ce jeune. L’accusant d’être de connivence avec l’ennemi. Alors que l’ennemi n’était d’autre que celui qui ne voulait pas respecter la loi. L’ennemi c’était aussi nous tous qui l’avons soutenu. A mon avis, et dans le contexte actuel, ce qu’il faut c’est de faire amande honorable auprès du peuple. Ce n’est pas le narguer. 

Tu as dû voir un émissaire du successeur de notre patron qui est allé demander pardon aux sages de la zone qui nous avons diabolisée. Tu me diras que c’est un acte populiste. Bien malgré tout, s’il a demandé pardon c’est parce qu’il y a eu un véritable drame dans cette zone. Et nous nous étions dans un déni total. C’est ce travail que nous devons faire. Ce n’est pas celui de dire qu’on nous a arraché le pouvoir par la force et qu’il faille le reprendre. C’est nous-mêmes qui avons causé notre perte. Nous devons le reconnaitre et l’assumer.

Pour terminer, je souhaite que tu essaies de peser de tout ton poids pour convaincre les autres de changer de fusil d’épaule. Dans le contexte actuel nous devons garder profil bas et observer. Il est trop tôt d’agir. Au risque de périr. A bon entendeur salut. 

Ton ami le ministre Habib Yembering Diallo, joignable au 664 27 27 47.

Toute ressemblance entre cette histoire ministérielle et une autre n’est que pure coïncidence. 

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