Crise politique en Guinée : Fodé Oussou dénonce la sortie de Kéira contre les chefs religieux

Dr Fodé Oussou Fofana, vice-président de l'UFDG
Dr Fodé Oussou Fofana, vice-président de l’UFDG

A l’occasion de l’assemblée générale hebdomadaire du RPG arc-en-ciel hier, samedi 1er février 2020, Ibrahima Keira, ancien ministre de la Sécurité, a tourné en dérision l’implication des chefs religieux de la Guinée en faveur d’une sortie de crise dans le pays. Ce membre du bureau politique national du parti au pouvoir a demandé au président Alpha Condé de ne pas recevoir ces « barbus qui s’appellent des sages » qui ont encore trouvé « les moyens de prendre leurs babouches et leurs chapelets pour attendrir les uns et les autres, au nom de ce qu’ils appellent la paix et la stabilité…».

Ces propos du cadre qui a occupé de hautes fonctions au sommet de l’Etat guinéen ont été vigoureusement condamnés par le vice-président de l’UFDG (principale formation politique de l’opposition en Guinée). Dr Fodé Oussou Fofana dénonce « des propos désobligeants et discourtois » proférés à l’endroit des premières autorités morales de la Guinée. D’ailleurs, ce proche collaborateur de Cellou Dalein Diallo (chef de file de l’opposition) soupçonne le président Alpha Condé d’être derrière ce message qui tend à banaliser les chefs religieux du pays.

Depuis le 14 octobre dernier, la Guinée est en proie à des manifestations sociopolitiques (parfois réprimées dans le sang et qui ont entraîné plusieurs morts) organisées par le front national pour la défense de la constitution. Ce mouvement qui regroupe l’essentiel des partis politiques d’opposition et de la société civile guinéenne appelle chaque semaine les Guinéens à protester activement contre le projet de nouvelle constitution qui permettra au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat à la tête de la Guinée. Et, à cela s’ajoute à la crise née de l’organisation des élections législatives. L’opposition dénonce le processus en cours et promet de boycotter, voire même d’empêcher la tenue du scrutin le 16 février prochain.

Ces crises multiples ont tendance à fragiliser le tissu social et mettent à rude épreuve le « vivre ensemble » des Guinéens. C’est pourquoi, dans le souci de préserver la paix, la stabilité et la cohésion sociale dans le pays, les chefs religieux ont entrepris des rencontres avec les acteurs sociopolitiques. Avec leurs bâtons de pèlerin, le grand imam de la mosquée Fayçal, Elhadj Mamadou Saliou Camara, et l’archevêque de Conakry, monseigneur Vincent Koulibaly, ont demandé au FNDC de sursoir à ses manifestations pour leur donner la chance de rencontrer le chef de l’Etat. Ils comptent saisir cette occasion pour tenter d’infléchir la position du président Alpha Condé sur les questions qui divisent, surtout l’organisation des élections législatives.

Mais, l’ancien ministre de la sécurité, Ibrahima Keira, trouve que ces autorités morales du pays feraient mieux de s’occuper de leurs babouches et de leurs chapelets. « Il ne serait pas sérieux de la part de qui que ce soit, des marabouts, des artisans… de venir fatiguer le président de la République pour lui dire de faire reporter des élections… Nous demandons au directeur du protocole de la présidence de la République de ne pas introduire des gens comme ça à la présidence… La constitution guinéenne a toujours été des arrangements avec les mêmes barbus, qui viennent, qui s’appellent sages, je ne sais quoi, pour attendrir les uns et les autres au nom de ce qu’ils appellent la paix, la stabilité… On veut que le peuple parle ; et, ils trouvent les moyens encore de prendre leurs babouches et leurs chapelets pour venir nous dire : ne changeons pas l’histoire… Etant donné que ce n’est pas le président de la République qui est compétent en matière électorale (…) ils n’ont qu’à mieux se pourvoir. C’est à eux d’aller se plaindre là où ils veulent », a déclaré le ministre Ibrahima Keira au siège du parti au pouvoir.

Joint au téléphone ce dimanche, 02 février 2020, par Guineematin.com, le vice-président de l’UFDG a vigoureusement condamné les propos de ce proche du président de la République. Dr Fodé Oussou Fofana accuse surtout le président Alpha Condé d’utiliser son ministre conseiller pour passer un message clair aux chefs religieux du pays.

« Keira n’a vraiment pas le courage de se lever comme ça, comme si on était encore au temps de son beau-frère Lansana Conté, où il faisait ce qu’il voulait… Et, s’il a eu le courage dire de ça, de se comporter comme ça, c’est que le message est venu du chef lui-même. C’est-à-dire que c’est Alpha Condé qui ne veut vraiment pas recevoir les chefs religieux ; mais qui passe par lui (Keira) pour le dire », a indiqué Dr Fodé Oussou Fofana.

Selon le vice-président de l’UFDG, le chef de l’Etat guinéen veut s’inscrire dans la logique de 2010, où il avait refusé de se rendre en Haute Guinée et au Foutah pour sensibiliser les populations qui s’affrontaient, après la fameuse histoire d’eau empoisonnée.

« Je me rappelle encore en 2010, quand il y a eu ce problème d’empoisonnement, il avait été demandé à ce que Cellou Dalein et Alpha Condé se rendent en Haute Guinée et au Foutah pour aller calmer les ardeurs. On était à l’aviation militaire à Yimbaya avec les chefs religieux, c’est là qu’on nous a envoyé une commission pour dire que les militants de Alpha Condé ont dit ‘’Atéwala (il ne partira pas)’’. C’est à peu près la même chose aujourd’hui. Mais, de toutes les façons, monsieur Alpha Condé a une position qui est très claire. Il considère le peuple de Guinée comme étant sa propriété. C’est-à-dire qu’il peut faire ce qu’il veut, comme il veut, quand il veut. C’est un mépris », a fustigé Dr Fodé Oussou Fofana.

Pour le président des libéraux-démocrates à l’Assemblée nationale, il ne faut pas accorder trop d’importance au ministre Keira. « Aujourd’hui, il n’est rien, il ne représente rien. Il a été ministre et il a démontré son incompétence… Et, puis, Keira n’est pas un militant du RPG arc-en-ciel. C’est quelqu’un qui est venu à la 25ème heure. Mais, on passe par lui pour passer le message et pour donner une raison au président de dire aux religieux : vous avez vu, je voulais vous recevoir ; mais, c’est le bureau politique du RPG arc-en-ciel qui m’a demandé de ne pas vous recevoir… », a expliqué Dr Fodé Oussou Fofana.

Tout en réitérant la volonté du FNDC et de l’opposition d’honorer la promesse faites aux sages, ce proche collaborateur de Cellou Dalein Diallo a dénoncé et condamné des « procès désobligeants et discourtois » proférés à l’endroit des chefs religieux par un cadre de l’Etat.

« L’imam Elhadj Mamadou Saliou et monseigneur Vincent Koulibaly sont des gens respectables. Quand ils nous disent d’attendre, nous nous attendons. Mais, nous nous sommes en train d’attendre, eux (le RPG arc-en-ciel), ils sont en train de faire la campagne électorale… Mais, il ne faut pas donner trop d’importance à Keira. Il ne peut pas donner des injonctions à la présidence de la République, au protocole de monsieur Alpha Condé qui n’est pas son égal, quand même. Il ne peut pas lui donner des injonctions en lui disant de ne pas recevoir des gens qui passent tout leur temps avec des chapelets et des chapeaux. Keira banalise les imams, c’est une injure… S’il n’y a pas eu de déclaration hier soir pour se désolidariser de ces propos à l’endroit des premières autorités morales de ce pays, Keira n’a pas été désavoué, il faut comprendre que c’est certainement le chef de l’Etat qui lui donne des instructions. Sinon, il ne peut pas se comporter comme ça… C’est triste pour notre pays. Et, moi, je condamne avec la dernière énergie ces propos désobligeants, discourtois, à l’endroit des chefs religieux », a lancé Dr Fodé Oussou Fofana.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tél. : 622 97 27 22

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