Thierno Camara sur l’apport de la diaspora à la transition : « nous pouvons venir avec une méthode »

Thierno Camara, président d’honneur de la Coordination des Associations Guinéennes de France (CAGF)
Thierno Camara, président d’honneur de la Coordination des Associations Guinéennes de France (CAGF)

« Aujourd’hui, les Guinéens n’ont pas d’identité. Vous prenez les Guinéens qui sont à l’extérieur du pays, ils n’ont pas de passeport. Depuis quelques années, ils n’ont pas de passeports. C’est vrai qu’il y a eu une volonté forte du précédent gouvernement de décentraliser pour que les outils soient envoyés à l’extérieur afin que les Guinéens viennent s’enrôler pour avoir leurs passeports. Mais, la réalité est que les outils mis en place ne sont pas à la hauteur des attentes. Les gens attendent des mois et des mois et ils sont obligés de venir à Conakry pour chercher un passeport. Quand on parle du problème d’identité, on va régler le problème de la commission électorale nationale. Et nous pensons que tout ça ce sont des éléments qui vont contribuer à apaiser cette transition », a notamment indiqué Thierno Camara.

Vendredi dernier, 17 septembre 2021, Guineematin.com a reçu un représentant de la diaspora guinéenne pour échanger sur la transition ouverte le 5 septembre par la junte du CNRD. Informaticien et consultant en système d’informations décisionnelles, Thierno Camara est un militant associatif. Il est président d’honneur de la coordination des Associations guinéennes de France, ancien président de l’association des jeunes guinéens de France et la plateforme des diasporas en France, et également du Forum des Organisations des Solidarités Internationales issues des migrations.

Dans notre entretien, Thierno Camara est revenu longuement sur ce que la diaspora pourra apporter à la Guinée pour que la transition amorcée depuis la chute d’Alpha Condé réussisse.

Décryptage !

Guineematin.com : M. Thierno Camara, présentez-vous à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas.

Thierno Camara : Je suis

Guineematin.com : depuis quelques jours la Guinée vit une nouvelle ère. Le président Alpha Condé a été renversé par le colonel Mamady Doumbouya. Dites-nous comment vous avez vécu ces évènements à distance ?

Thierno Camara, président d’honneur de la Coordination des Associations Guinéennes de France (CAGF)

Thierno Camara : Je suis en Guinée par rapport à l’appel à la concertation lancé par les nouvelles autorités. Le 5 septembre, nous avons tous suivi le coup de force qui a enlevé le Président Alpha Condé. Donc, c’est un coup contre une institution parce que le Président de la République est une institution parmi les autres. Nous avons vécu cela de manière prudente. Comme tous les Guinéens, nous l’avons vécu comme étant une sorte de délivrance parce que tout le monde était unanime pour dire que l’Etat n’existait plus. La majorité des Guinéens pense que le coup d’Etat a été fait l’année dernière qui a balayé le socle commun de l’Etat. Aujourd’hui, il faut voir ce qu’il faille faire face à cette circonstance-là pour que la Guinée soit remise sur une bonne trajectoire.

Guineematin.com : justement dans ce cadre, la junte militaire a invité tous les Guinéens à des concertations nationales. La diaspora a déjà répondu présent et vous l’avez rencontré au palais du peuple. Qu’est-ce que vous vous êtes dit ?

Thierno Camara : Déjà, c’est une bonne initiative de la part de la junte au pouvoir. Depuis qu’ils sont là, les actes qu’ils ont posés, les annonces qu’ils ont faites vont dans le bon sens. Mais, il faut que cela soit suivi d’effet. Depuis le 5 septembre  jusqu’à aujourd’hui, tout ce qu’ils font ils associent de manière transversale toutes les forces vives de la nation, notamment la diaspora. Il insiste sur le fait que la diaspora a son rôle à jouer, que la diaspora est demandée à les accompagner. Ils disent même que la diaspora doit contribuer et non être un simple accompagnateur. Comme les Guinéens ont des compétences, le moment est venu pour identifier ces compétences, travailler sur une méthode et voir comment bâtir cette nouvelle Guinée. Définir les priorités parce qu’il y a des urgences à gérer. Il faut voir comment gérer cette transition parce qu’il faut que ça soit la dernière transition.

Guineematin.com : Concrètement, qu’est-ce qu’il faut aujourd’hui pour que cette transition soit une transition réussie ?

Thierno Camara : La première des choses, c’est de mettre en place le gouvernement de transition. Ce gouvernement doit être un gouvernement consensuel, un gouvernement resserré avec des objectifs clairs, bien définis, des objectifs qui n’engagent pas la Guinée à long terme. Ces objectifs doivent se centrer uniquement sur la gestion de cette transition. Quand vous concevez un projet, vous avez trois éléments fondamentaux : vous avez les objectifs et à la base vous avez deux pieds sur lesquels sont arrêtés ces objectifs : ce sont les moyens et c’est le temps. Alors, les objectifs peuvent être déclinés en objectif général c’est-à-dire qu’est-ce qu’on attend de cette transition. On attend qu’on ait des élections libres, transparentes, crédibles et acceptées de tous. C’est ça le produit final. A côté on peut définir des objectifs spécifiques qui doivent être réalistes et demander des résultats. Au niveau des moyens, le premier moyen, c’est le moyen humain donc il faut regrouper les compétences internes et externes qui se complètent au final. Quand on parle d’expertise, il ne s’agit pas d’intellectualiser ces personnes. Il ne s’agit pas d’avoir que des intellectuels autour de la table, des techniciens ; mais, partout où on a des compétences, il faut les mobiliser. Même des personnes qui sont capables de passer des messages, de mobiliser les communautés, c’est une compétence. Vous avez aussi les moyens financiers et vous avez même la perception, l’adhésion des gens c’est un moyen parce que si vous êtes soutenus dans vos mesures, ça donne une force pour agir. Et le temps, qui est le 3ème élément, c’est quelque chose qu’il faut ajuster en fonction des objectifs. Donc, nous dans notre conception, ces trois éléments doivent varier de manière hyper active parce qu’au niveau du temps, aujourd’hui, on se lance. Quelle doit être la durée de cette transition ? Vous avez vu la décision prise par la CEDEAO, qui dit qu’il faut une transition de 6 mois pour revenir à l’ordre constitutionnel. Nous nous disons, pour ce temps, qu’il faut voir quel est le calendrier de chacun. Les politiciens ont leur calendrier et la réalité est là. Donc, il faut analyser tout cela pour voir quel est le temps convenable. Nous arrivons au 63ème anniversaire de l’indépendance. Depuis 63 ans, nous sommes en train de bricoler. Pour une fois, il faut qu’on prenne le temps pour que nous sortions quelque chose de consensuel, quelque chose qui puisse remettre la Guinée sur les rails.

Guineematin.com : vous dites qu’il faut prendre du temps. Mais combien de mois ou combien d’années pourraient être nécessaires pour qu’on en finisse ?

Thierno Camara : je ne pense pas qu’il soit pertinent de donner un temps précis. Il faut voir quel est l’agenda ? Quel est le chronogramme ? Les actions à faire ? Ce sont ces actions qui détermineront le temps qu’il faut. Je vous prends un exemple simple aujourd’hui parmi les urgences qui peuvent contribuer à rendre cette transition crédible. Il s’agit de doter les Guinéens d’une identité fiable. C’est le b.a.ba parce que si vous voyez que les élections ne sont pas crédibles, c’est parce qu’on ne sait pas qui sont les électeurs. Mais, si on a des électeurs bien définis c’est-à-dire que chacun est identifié, on ne pourra qu’accepter ce qui sortira des urnes. Aujourd’hui, les Guinéens n’ont pas d’identité. Vous prenez les Guinéens qui sont à l’extérieur du pays, ils n’ont pas de passeport.  Ça a fait quelques années qu’ils n’ont pas de passeports. C’est vrai qu’il y a eu une volonté forte du précédent gouvernement de décentraliser pour que les outils soient envoyés à l’extérieur afin que les Guinéens viennent s’enrôler pour avoir leurs passeports. Mais, la réalité est que les outils mis en place ne sont pas à la hauteur des attentes. Les gens attendent des mois et des mois et ils sont obligés de venir à Conakry pour chercher un passeport. Quand on parle du problème d’identité, on va régler le problème de la commission électorale nationale. Et nous pensons que tout ça ce sont des éléments qui vont contribuer à apaiser cette transition.

Guineematin.com : Vous parliez tantôt des moyens qu’il faut pour la réussite de la transition. Quel pourrait être l’apport de la diaspora guinéenne dans ce sens ?

Thierno Camara : Déjà, il faudrait mobiliser cette diaspora. Vous avez vu ce qui s’est passé avant-hier au Palais du peuple (où se déroulent les concertations nationales, NDLR). On a convié la diaspora. Dans le communiqué du pouvoir, c’était très précis. Il s’agit des responsables des mouvements associatifs des Guinéens de l’étranger qui ont demandé de venir et dire ce qu’ils peuvent apporter. Ce que nous devons faire c’est d’identifier l’architecture qu’il faut ? Quelles sont les urgences ? C’est de contribuer à réfléchir ensemble. Nous ne pouvons pas venir avec des choses toutes faites. Mais, nous pouvons venir avec une méthodologie pour les différents éléments qu’il faut pour la transition. On peut mettre en place des plateformes numériques par exemple pour recueillir les avis aujourd’hui. On peut dire aussi qu’est-ce que nous pensons comme élément pouvant contribuer à cette transition. Nous pouvons aussi contribuer à la réflexion pour dire qu’est-ce qu’on fera au-delà de cette transition.

Guineematin.com : A part cette rencontre du palais, est-ce que vous avez pu rencontrer le colonel Doumbouya pour lui exprimer tout ce que vous avez comme idée ?

Thierno Camara : Il n’y a pas eu d’autre rencontre entre notre groupe et les autorités. Cette rencontre du palais aussi c’est quelque chose qui a été très biaisé. Parce que c’est organisé par les autorités du ministère des affaires étrangères. Et quand vous voyez le format tel que ça été présenté, a dit que c’est le conseil des Guinéens de l’étranger qui est représentatif des associations des Guinéens de l’étranger. Ce qui est inexact parce que le processus de mise en place de ce conseil n’a jamais abouti. Le haut conseil n’a jamais été mis en place. Alors, comment pouvez-vous légitimer une structure qui n’a pas de tête ? Ça aussi, je pense qu’il ne faut pas s’arrêter sur ça. Aujourd’hui, ce que nous faisons et notre contribution, c’est vraiment de participer aux réflexions. Donc, nous nous mettons à la disposition des autorités pour vraiment contribuer aux travaux qui se feront par rapport à la transition.

Guineematin.com : Votre mot de la fin ?

Thierno Camara : le mot de la fin c’est dire aujourd’hui, il faut que les Guinéens se donnent la main sur les aspects fondamentaux comme la paix, la cohésion nationale et cette réflexion collective pour remettre la Guinée sur la bonne voie.

Interview réalisée par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél. : 622 68 00 41

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