Aboubacar Camara : « sans les médias, il n’y a ni démocratie, ni développement »

Comme annoncé précédemment, la Guinée, à l’’image des autres pays du monde, célèbre ce mercredi, 13 février 2019, la journée mondiale de la radio. Une occasion de célébrer le médium puissant qu’est la radio et son impact sur la vie des populations.

A cette occasion, Guineematin.com donne la parole à certaines personnalités guinéennes qui évoluent dans le secteur, dont Aboubacar Camara, directeur général du groupe Gangan et secrétaire général de l’Union des Radios et Télévisions Libres de Guinée (URTELGUI). Avec lui, nous avons parlé de l’importance de la radio, mais aussi de ses défis et perspectives dans notre pays.

Décryptage !

Guineematin.com : l’humanité célèbre ce mercredi, 13 février 2019, la 8ème édition de la journée mondiale de la radio. Que représente cette journée pour vous en tant que responsable de radio ?

Aboubacar Camara : merci d’abord pour l’invitation. Effectivement, l’humanité célèbre, ce 13 février 2019, la 8ème édition de la journée mondiale de la radio. Cette journée doit être mise à profit par tous les professionnels de la communication dans le domaine de la radio, pour magnifier la radio, pour promouvoir la radio, pour informer, sensibiliser les populations sur la radio, sur l’importance de la radio, sur l’impact de la radio sur la vie au quotidien des populations, surtout celles qui sont très isolées, mais aussi des populations jeunes, mais aussi des handicapés. Vous savez, la radio est un moyen de communication à faible coût.

Elle permet de toucher les populations les plus reculées, comme je le disais, des populations qui sont isolées des grandes villes. Donc aujourd’hui, qui parle de la radio, parle surtout de la mondialisation ; qui parle de la radio, parle de la démocratisation de l’information ; et qui parle de la radio, parle de l’interactivité qui existe entre les citoyens mais aussi les décideurs. Donc aujourd’hui, nul besoin de trop parler de l’importance de la radio dans le paysage du monde. C’est pourquoi justement, cette journée a été instituée par l’UNESCO en vue de magnifier, en vue de donner le pouvoir et de donner la grandeur à la radio.

Guineematin.com : qu’est-ce que l’URTELGUI compte faire à l’occasion de cette journée de célébration de la radio ?

Aboubacar Camara : l’Union des Radios et Télévisions Libres de Guinée a toujours célébré cette journée, malgré les conditions très difficiles que nous avons toujours eues dans ces moments. Et cette journée qui va être célébrée aujourd’hui, nous sommes en train de travailler sur un certain nombre de choses à l’interne. Vous n’êtes pas sans savoir que les médias en général en Guinée traversent actuellement des moments très difficiles, et l’URTELGUI n’est pas en marge de cette réalité. Donc, il y a déjà un discours qui est prêt, qu’on va diffuser. Et, ce discours justement, va permettre aux promoteurs de radios, parce qu’aujourd’hui, il n’est pas facile de créer une radio, tant les coûts sont élevés, mais tant aussi les réalités socio-économiques de notre pays s’avèrent de plus en plus difficiles. Donc dans ce discours, on va surtout s’adresser aux promoteurs de radios, pour leur dire de prendre courage.

Parce que nous savons, en tant que membres de l’URTELGUI en amont, mais aussi en aval, directeurs de médias, nous savons les difficultés que les gens traversent. Donc d’abord, il faut les soutenir, magnifier le travail qu’ils sont en train de faire et leur dire de continuer dans ce sens-là. Parce que nous sommes un maillon très fort de la démocratie, nous sommes un moyen de démocratisation de l’information, de la parole. Nous sommes cette entité qui permet aux personnes qui n’ont pas été à l’école, de justement connaître ce qui se passe dans le monde, qui se passe dans leur pays et ce qui se passe même dans leur contrée. C’est pour dire combien de fois la radio, elle est importante.

Donc, au-delà de ces activités, en termes de discours que nous avons préparées, il y a aussi certaines informations qu’on va distiller, liées à notre union. Nous allons parler de la subvention et d’autres réalités aussi. Vous savez, cette journée doit être mise à profit pour parler aussi des côtés positifs de la radio, ce que la radio apporte aux sociétés pour justement interpeller les pouvoirs publics sur l’importance de la radio. Et, prendre à bras le corps cette entité, ce médium qu’on peut écouter en dansant, en chantant, en faisant n’importe quelle activité, de quelle que nature qu’elle soit.

Mais au-delà de tout ce qu’on vient dire, au de-là du bon discours que l’UNESCO vient de faire, au-delà du discours même du secrétaire général des Nations Unies, pour interpeller la conscience des dirigeants sur la radio, il est important de souligner qu’en Guinée, très malheureusement, le tableau est peint en noir. Parce que tout simplement, les radios sont dans une discrimination qui ne dit pas son nom. Les radios sont dans des problèmes qu’on ne peut pas dénombrer à ce jour. Et quand on nous pose la question, en Guinée, aujourd’hui, est-ce que les autorités guinéennes ont un problème avec la presse, avec les radios ? Je dis oui. Et quand on me demande est-ce que ce problème est grand ? Je dis oui, oui. Est-ce que ce problème est foncièrement grand ? Je dis oui, oui et oui. En Guinée, nous avons un réel problème.

Les autorités d’en face ont du mal à s’approprier de l’importance, de l’impact positif de la radio sur les populations. Donc, il est très important que nous profitions de cette journée, mais aussi de parler de ces difficultés que nous traversons en longueur de journée dans l’exercice justement de ce métier noble à travers lequel justement on joue la radio.

Guineematin.com : au nombre de ces difficultés justement, il y a le fait que les journalistes subissent souvent des discriminations, parfois même des exactions comme ce qui s’est passé à l’escadron mobile n°3 de Matam, où des journalistes ont été violentés, certains blessés par des gendarmes. D’autres sont trimballés devant la justice où ils sont condamnés. Au-delà des dénonciations, qu’est-ce que l’URTELGUI compte faire justement pour parer à cela ?

Aboubacar Camara : vous savez, l’URTELGUI alloue un très grand espace en termes de considération aux journalistes, aux techniciens, à tout le personnel des médias. Parce que vous savez que les journalistes, les techniciens et autres, sont pour les radios ce qu’est un système d’exploitation pour une machine. Vous savez, on considère la machine comme la radio. Mais, lorsqu’il n’y a pas un système d’exploitation qui permet de donner vie à cette machine, elle peut être une belle machine, mais ne servira que de décor à la maison. Donc, les journalistes sont ce système d’exploitation pour la radio. Sans journaliste, sans animateur, sans technicien, on ne peut parler de la radio. Donc, c’est pour dire que l’URTELGUI est sensible à toutes ces difficultés que les journalistes traversent aujourd’hui dans l’exercice de leur métier.

Et les derniers cas en date, comme vous l’avez rappelé, on a déjà un dossier pendant au niveau de la cour d’Appel de Conakry, qui n’est pas encore passé au procès. Donc, il est important aujourd’hui de mettre cette occasion à profit pour dire aux autorités, que nous ne pouvons pas laisser ce dossier, nous ne pouvons pas laisser ces exactions qui ont été commises sur les journalistes à un moment donné dans l’exercice de leur métier. Ces journalistes qui ont été roués de coups, qui ont été insultés, qui ont été bafoués dans leurs droits, mais aussi qui ont été touchés dans leur dignité, et tout cela pour servir dignement leur nation, parce qu’ils ont décidé d’être ces gens-là. Au moment où les gens sont sous la climatisation, eux, ils ont décidé d’être sous le chaud soleil pour aller recueillir les informations, les traiter, afin de les mettre à la disposition de la masse populaire.

Je crois que ces gens, si on n’a rien à leur donner, on doit leur accorder le maximum de respect. Parce que c’est un métier noble, c’est un métier qui ne fait pas de quelqu’un riche, mais les gens qui sont dans ce métier, c’est des gens qui ont décidé de se sacrifier pour les sociétés, qui ont décidé de se sacrifier pour la nation. Parce qu’il est très difficile de voir un journaliste milliardaire ou un patron de médias milliardaire dans ce métier. Donc tout ça s’inscrit dans un registre très sobre, à l’actif du gouvernement, à l’actif du pouvoir en place. Et il faut oser le dire et que cela soit inscrit désormais sur le frontiste de l’histoire de notre pays, que ces cinq dernières années, la presse guinéenne a passé les pires moments de son existence.

Moi en tout cas, depuis que je suis venu dans ce métier, les moments que je traverse maintenant, en termes de difficultés, je crois que c’est des moments qui sont inouïes. Et, c’est des moments qui provoquent l’ire de tout bon citoyen, de tout individu qui veut l’émancipation de la démocratie, qui veut que la démocratie soit pérenne, soit une réalité dans notre pays. Aujourd’hui, il faut que les citoyens comprennent le cri de cœur de la presse, le cri de cœur de la radio, le cri de cœur des sites internet et autres. Parce que nous sommes un maillon fort, nous sommes l’ossature, nous sommes la pierre angulaire du développement. Sans la presse, on ne peut pas parler du développement, on ne peut pas parler de démocratie, on ne peut pas parler de liberté d’expression dans notre pays.

Guineematin.com : aujourd’hui, la radio, qui était il y a quelques années le seul véritablement moyen d’information en Guinée, est sérieusement concurrencée par la télévision et les sites internet, mais également les réseaux sociaux. Quels sont les défis actuels de la radio, selon vous ?

Aboubacar Camara : les défis sont nombreux. On a l’impression qu’il y a un choc qui se prépare. Il y a les sites internet qui migrent, qui insèrent des pages pour la radio et la radio qui émet justement en FM, c’est-à-dire en modulation de fréquence. Donc, c’est pour dire que ça va être aussi l’occasion pour interpeller les promoteurs de médias, à aller vers les nouvelles technologies de l’information et de la communication, à faire en sorte que le médium soit adapté aux réalités du moment. Parce que c’est la radio qui doit aujourd’hui s’adapter à l’évolution de la science et de la technologie et non le contraire. Donc, pour que nous puissions vivre longtemps, on a déjà vécu longtemps, mais pour que cela soit de façon continuelle, je crois qu’on doit aller vers l’adaptation de nos moyens de communication vers les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Entretien réalisé par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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