Elhadj Abdoulaye Baldé, ex-détenu politique : « nous étions 66 personnes dans une cellule ; mais, jamais je n’allais demander pardon à Alpha Condé … »

L’imam de Wanidara, Elhadj Abdoulaye Baldé, comme 78 autres de ses co-détenus politiques, a recouvré sa liberté, dans la soirée du mardi 8 septembre 2021, après 10  mois et quelques jours de détention arbitraire à la maison centrale de Conakry.

Au micro de la presse dont Guineematin.com, l’ancien geôlier partagé entre la joie de retrouver sa liberté et le chagrin d’avoir perdu plusieurs de ses proches dont son papa, rencontré ce mercredi, 8 septembre 2021, est revenu sur ses conditions d’arrestation, de détention et de libération.

«  Je commence par rendre grâce à Dieu, notre créateur qui nous a permis de traverser cette situation et nous redonner la liberté dans la santé. C’est le 28 octobre 2020 vers 2 h que des agents au bord de 12 pick-up ont débarqué chez moi. Ils ont arrêté un de mes locataires et les autres se sont mis à monter sur la cour. Je suis sorti demander c’est quoi. Ils se sont présentés avant de me demander si c’est moi Elhadj Abdoulaye, l’imam de Wanidara, j’ai dit oui. Ils m’ont dit qu’ils sont venus chercher les armes cachées à mon domicile. J’ai dit que moi je ne fabrique pas d’armes, ni d’explosifs et je ne sais rien de cela et qu’ils peuvent le vérifier. Ils sont rentrés fouiller toute la maison jusqu’à l’étage, où j’ai ma bibliothèque remplie de livres coraniques. Ils n’ont rien trouvé après 2 heures de fouille. Ils m’ont pris et conduit à la DPJ. Mais dans la fouille, ils m’ont volés une valise remplie d’habits et de l’argent ».

Malgré qu’ils n’aient rien retrouvé, l’homme de Dieu a été conduit à la DPJ puis à la CMIS (la compagnie mobile d’intervention et de sécurité) de la Camayenne.

 «  De la DPJ à la Camayenne, je suis resté 12 jours en tout avant d’être déposé à la maison centrale, le 9 novembre 2020. Là-bas, nous avons passé pratiquement 10 mois, moins de 2 jours. Ce qui fait en tout 10 mois et 10 jours de détention », a expliqué l’ex détenu qui dit n’avoir pas manqué de nourriture grâce à la ténacité de sa famille.

« Pendant ces 10 mois de détention, ma famille m’a envoyé régulièrement à manger malgré la distance et les frais que cela implique. C’est seulement pendant trois jours qu’ils n’ont pas pu le faire. Le jour de la proclamation des résultats de leur mascarade électorale, un autre jour et le dimanche dernier, puisqu’il n’y avait pas de passage pour rentrer à Kaloum. Je prie Dieu de leur rester reconnaissant. Pendant notre séjour carcéral, nous avons été interrogés par le tribunal militaire pour dire qui nous a accusé d’avoir une usine de fabrication d’armes. Vu qu’ils n’ont aucune preuve, ils ont modifié les chefs d’accusation… », a souligné l’ancien geôlier du Pr Alpha Condé.

Armé de courage et de sa foi, l’imam de Wanidara soutient n’avoir jamais demandé pardon à qui que ce soit pour recouvrer sa liberté.

« Nous sommes très contents d’être libres aujourd’hui. S’il était question qu’on demande pardon pour être ici, je n’allais jamais le faire. Puisque nous ne sommes pas fautifs. C’est à Dieu seulement qu’il faut demander pardon, si tu es convaincu de n’avoir fait du tort à personne. Nous sommes animés d’une joie immense mais également habité d’un chagrin. La joie d’avoir retrouvé notre liberté et le chagrin d’avoir perdu assez de proches dont mon papa. Personnellement, j’ai recensé 16 cas de décès dans ma famille, chez mes proches et voisins. C’était vraiment dur moralement », a rappelé Elhadj Baldé qui se remet à Dieu pour le reste. Pour lui, il appartient aux nouvelles autorités de décider du sort de l’ancien Président par rapport aux abus de pouvoir et aux dégâts qu’il a commis pendant son règne.

En termes de souvenirs, ce religieux et également opérateur économique garde dans sa mémoire, surtout le décès de Roger Bamba.

« Le jour du décès de ce jeune, il m’a salué, il est parti se laver et il m’a dit qu’il ne se porte pas bien. C’est le lendemain qu’il est décédé à l’hôpital. Cela m’a choqué. Nous étions également 66 détenus dans une même cellule. Et ils envoyaient régulièrement les gens  dans la salle Covid-19. Cela faisait également peur aux détenus d’être là-bas. J’étais avec Kéamou Bogola Haba dans la même cellule… Pour le reste, je prie Dieu de récompenser nos libérateurs, ces officiers qui se sont sacrifiés pour le peuple de Guinée. Egalement, nous prions Dieu de châtier les menteurs, ceux qui sèment la haine et la division dans notre pays. Ce sont des malfaiteurs. Les auteurs du mal sont maudits, nous prions pour qu’ils soient plus maudits, … », a dit l’imam avant de rappeler la peur qui les habitait après avoir entendu le 1er coup de feu, le dimanche 5 septembre.

« Lorsqu’on a entendu les premiers coups de feu, nous avons pensé qu’ils voulaient prendre quelques prisonniers pour les envoyer à Soronkoni à Kankan. On avait peur. Puisque même ceux qui sont pris pour violation du couvre-feu, ils sont arrêtés et envoyés à la maison centrale. Finalement, c’est vers 10 heures qu’on a appris, à travers les réseaux sociaux que c’est le Colonel Mamady Doumbouya et ses hommes qui ont pris Alpha Condé. Sur les images, nous avons vu qu’il a été arrêté de la même manière que nous. J’ai fait des bénédictions et le lendemain, j’ai jeûné et demandé à Dieu de bénir le Colonel Doumbouya et ses hommes et de payer le salaire qu’ils méritent à ceux qui nous ont mis en prison », a conclu l’homme de Dieu.

Dans sa cour qui ne désemplit pas de monde, Elhadj Abdoulaye Baldé reçoit à tour de bras parents, amis et proches, certains même en larmes, pour célébrer sa sortie de prison.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com 

Tél : 628 08 98 45

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