Soria Bangoura après sa libération : « la maison centrale est un centre de déshumanisation »

Arrêté le 6 août dernier à son domicile à Matam, Soria Bangoura a recouvré sa liberté hier, mardi 07 septembre 2021. Ce fédéral de l’UFDG dans la commune de Matam a été jugé et déclaré non coupable, par le tribunal correctionnel de Mafanco, des faits « d’entrave aux mesures d’urgence sanitaire » qui pesaient à son encontre. Et, dans un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com ce mercredi, cet acteur politique a dénoncé les conditions de vie exécrables des prisonniers qui croupissent à la maison centrale. Le secrétaire fédéral de l’UFDG à Matam parle d’un « centre de déshumanisation » surpeuplé où circule « toute sorte de drogues » et où croupissent des « prisonniers mal nourris et affamés ».

Dans cet entretien d’une dizaine de minutes, Soria Bangoura a mis en évidence l’injustice qu’il a subie et les conséquences de son emprisonnement sur sa famille. Il a également dénoncé les conditions de vie difficile des prisonniers qui sont à la maison centrale.

« Je ressens aujourd’hui la substance de la culture de l’injustice et la joie de retrouver ma famille. J’ai perdu ma maman, alors que j’étais en détention. Elle a refusé de s’alimenter pendant dix (10) jours, ce qui est pénible. J’ai aussi eu une fracture à la jambe à la maison centrale. Mais, ce qui est plus pathétique, c’est de savoir que nous n’avons pas une maison centrale, mais un centre de déshumanisation. C’est pour cela d’ailleurs que je demande aux autorités actuelles et à tous ceux qui aspirent à gérer demain ce pays, de visiter maintenant la maison centrale pour voir les réalités. Parce que quand on traite des êtres humains comme des sardines ou des animaux, c’est inconcevable. Cette injustice nourrit par nos autorités depuis des années est inconcevable… J’ai entendu un monsieur (Mamady Doumbouya du CNRD) parler de la cohésion sociale, mais c’est par rapport aux actes que nous allons le juger. J’ai entendu parler de justice et de lutte contre la gabegie. Mais, je crois que pour résoudre ces problèmes aujourd’hui, il faut donner un exemple fort à tous ces prédateurs qui pillaient ce pays et qui ont sacrifié une jeunesse. Parce que le pouvoir est un danger quand il est mal géré. Et, aujourd’hui, les plaies sont tellement profondes, les maux sont tellement éprouvants qu’il est difficile d’en parler. Je vais avoir 70 ans dans 3 ans et j’ai le cœur brisé de savoir que notre génération a toujours menti, excepté certaines personnes qui se sont démarqués, qui n’ont pas voulu de l’argent, qui ont travaillé pour le peuple. J’ai pitié de voir que les guinéens peuvent être en prison pendant 5 ans, 10 ans sans être jugés. Et cela, sous le regard soi-disant des magistrats, des manutentionnaires juridiques », a dénoncé Soria Bangoura.

A en croire le fédéral de l’UFDG à Matam, les prisonniers de la maison centrale sont très misérables et affamés. Et, pour étayer son propos, il a laissé entendre que c’est à cause de 5000 francs guinéens qu’un jeune qui cherchait à manger lui a infligé une fracture à la jambe.

« Quand les gens sont dans la misère, dans la pauvreté, ils peuvent commettre des actes incontrôlés. Pour ma fracture, c’est un garçon qui est venu me trouver, il a pris mon pied qui était sur un petit tabouret. Il m’a dit : Papa je vais vous masser. J’ai dit non, ne me masse pas. Au moment où j’ai voulu retirer mon pied, il l’a tordu et j’ai une fracture. Mais, il n’a pas fait exprès, parce qu’il voulait juste 5000 francs pour manger. Et, c’est là que c’est pathétique. Et ça, c’est la responsabilité de l’Etat, parce que les gens (les prisonniers ont été abandonnés) ont été abandonnés, ils n’ont pas été jugés et on en a fait un business. Il y a toutes sortes de drogues à la maison centrale. Des enfants de 14 ans sont déshumanisés là-bas… Nous ne pouvons pas laisser cette situation pourrir comme ça. Les guinéens sont dans la misère. Moi j’ai été arrêté tout simplement parce que je suis de l’UFDG, non pour une violation des barrières sanitaires », a indiqué Soria Bangoura.

Parlant du coup d’Etat qui a renversé dimanche dernier le régime d’Alpha Condé, ce responsable fédéral de l’UFDG a révélé avoir prédit un peu plus tôt la fin du pouvoir du président déchu.

« J’avais dit que le jour où Alpha Condé me mettra à la maison centrale, son règne sera terminé. Je n’avais pas peur. On voulait que je quitte Cellou pour rejoindre Alpha. Mais, je ne peux pas rejoindre la médiocrité, la grande cour des démagogues », a dit Soria Bangoura.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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