Déguerpissement à Kaporo-Rails et Kipé2 : « cela risque d’augmenter la violence à Ratoma »

Alors que des milliers de personnes ont perdu leurs maisons à Kaporo Rails, l’opération de déguerpissement lancée dans ce quartier il y a quelques semaines par le gouvernement guinéen touche désormais le quartier Kipé2. La démolition des maisons se poursuit sans la moindre humanité, laissant les habitants de ces lieux dans une profonde désolation. Parmi les victimes de ce déguerpissement, figurent les enfants déshérités qui étaient pris en charge et encadrés par l’ONG Aide aux enfants déshérités.

Le centre que l’ONG avait mis en place pour apprendre à ces enfants un métier a été démoli et ils se retrouvent aujourd’hui sans activité. Cette situation préoccupe aujourd’hui le fondateur de cette ONG humanitaire, Ibrahima Saïkou Diallo, communément appelé CIA Agency. Au cours d’une interview qu’il a accordée à Guineematin.com, ce mardi 12 mars 2019, le jeune homme alerté les autorités guinéennes sur les risques que comporte cette opération.

Décryptage !

Guineematin.com : vous êtes parmi les victimes du déguerpissement en cours à Kaporo Rails et à Kipé2. Le centre où vous encadriez les enfants déshérités que vous avez recueillis dans la rue a été démoli. Quelle est votre réaction face à cette situation ?

Ibrahima Saïkou Diallo : je vais vous dire tout d’abord que ma structure a pour mission de récupérer les enfants de la rue et les insérer dans les différents métiers à Conakry ici. Leur centre de formation se trouvait ici à Kaporo Rails. Comme avant il n’y avait pas de courant à Bambéto, on a installé leur atelier de formation ici à Kaporo Rails. On avait beaucoup d’enfants qui travaillaient ici dans la soudure. Mais récemment, les autorités sont venues nous déguerpir de là. On est allé ensuite nous installer de l’autre côté (dans la zone de Kipé2. Là-bas aussi, ils sont venus aujourd’hui pour casser les lieux.

Le centre d’accueil des enfants, ils m’ont demandé de quitter là-bas aussi. Le propriétaire des lieux veut revenir pour installer un garage mécanique sur les lieux. Donc, tous ces enfants risquent de se retrouver encore dans la rue. Ce qui représente un énorme risque. Si vous regardez dans plusieurs carrefours de Conakry, vous verrez les enfants de moins de 18 ans qui jouent aux rabatteurs de passagers pour les chauffeurs de taxis. Tout ça, c’est parce qu’ils n’ont pas où travailler. Donc si l’Etat ne nous vient pas en aide pour avoir un local pour héberger ces enfants, ils vont retourner dans la rue encore.

Guineematin.com : combien d’enfants travaillaient dans ce centre qui a été démoli ?

Ibrahima Saïkou Diallo : plus de 8 enfants faisaient la soudure ici. Mais, maintenant que leur atelier de formation a été démoli, ils sont tous rentrés à Bambéto. Ils sont assis là-bas, sans travail.

Guineematin.com : tout à l’heure, vous avez parlé d’énormes risques liés à ce déguerpissement en cours. C’est quoi exactement ces risques ?

Ibrahima Saïkou Diallo : vous savez, les violences qui se passent au niveau de l’axe ici, c’est le résultat du déguerpissement qui a eu lieu en 1998 à Kaporo Rails. Avant, on n’entendait pas de violences sur cette zone. Depuis que ce déguerpissement a eu lieu, les violences ont commencé sur l’axe parce que les enfants n’avaient plus où rester, sauf dans la rue. On a récupéré certains enfants. Aujourd’hui chacun d’eux fait un métier. Mais là où nous sommes installés, ils sont venus nous déguerpir des lieux. Plusieurs ateliers de formations ont été démolis. Les enfants étaient dans des ateliers de menuiserie, de soudure, de tapisserie, d’électricité.

Les maîtres avaient en garde beaucoup d’enfants qui n’ont pas de parents. Mais tous ces enfants-là, sont aujourd’hui laissés pour compte. Donc, cela risque d’augmenter la violence encore au niveau de Ratoma. Parce que tous ces enfants ne peuvent pas suivre leurs parents pour rentrer au village où ils n’ont même pas de maisons. Donc, les enfants vont rester à Conakry sans parents et ils vont faire ce qu’ils veulent.

Guineematin.com : face à cette situation, quel est votre message à l’endroit des autorités guinéennes ?

Ibrahima Saïkou Diallo : je lance un appel en premier lieu au président de la République, monsieur Alpha Condé. Ensuite au Premier ministre, chef du gouvernement, Kassory Fofana, de venir aider les enfants déshérités de cette zone. Parce que c’est la vie et l’avenir des enfants de la Guinée toute entière qui sont en jeu. C’est eux qui vont nous remplacer demain.

Saidou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620 589 527/654 416 922

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