Labé : trois Ziyaras en quatre jours en hommage à de grands érudits du Fouta

La région de Labé va accueillir à partir de ce jeudi, 21 mars 2019, trois Ziyaras destinées à rendre hommage à de grands noms qui ont contribué au rayonnement de l’Islam au Fouta. La première, qui débute ce jeudi pour prendre fin samedi, est organisée par la famille de Thierno Aliou Bhoubha Ndiyan, en hommage à ce grand Waliou du Fouta Djallon.

Le village saint de Zawiya, dans Lélouma entame la sienne dans la nuit de ce jeudi pour clôturer vendredi dans la matinée. C’est le village de Dalein, qui va boucler la boucle le dimanche, avec la Zihara du Waliou Thierno Sadou.

Mais ensemble, allons à la découverte de ces éminentes figures de l’islam dont la renommée et le prestige ont depuis longtemps franchi les frontières de leur région de naissance.

1-THIERNO ALIOU BHOUBHA NDIYAN

Il naquit en 1850 à Donghol Thiernoya, de Thierno Mamadou et de Néné Asmaou. Il fit de brillantes études et alla approfondir ses connaissances chez le Kaldouyanké, Thierno Doura Sombili, et le Séléyanké, Thierno Boubacar Poti Lougoudhi Lélouma. Son immense culture et son intégrité morale lui valurent d’être choisi comme juge indigène. Il associa son ami Thierno Mamoudou Laria à l’exécution de cette noble tache avant de démissionner pour se consacrer uniquement à la propagation de l’islam.

Thierno Aliou Bhoubha Ndiyan fonda l’un des dudhés (écoles coraniques) les plus importants du Fouta. Toutes les familles, soucieuses de la bonne formation, inscrivirent leurs enfants à son école qui comprenait aussi les propres enfants du Waliou.

Certains, comme Thierno Oumar Kana, dans les mains duquel il trouva la mort, le poète Thierno Diao Pellel, Thierno Abdourahmane, l’un des fils du Waliou, son neveu Thierno Oumar pérédio, furent des dignes héritiers de leur maitre.

Thierno Aliou Bhoubha Ndiyan est du clan des Ndouyêbhés. Son père, Thierno Mamadou, eut pour père Thierno Mamadou Bano, fils de Thierno Abdourahmane Ndouyêdio, fils de Thierno Malal, fils de Thierno Moussa, fils de Thierno Mamadou, qui eut pour père Saïkou Mamadou Aly Kaly. L’aïeul qui a fait une partie de ses études à Nioro du Sahel.

A noter que Thierno Malal a rencontré Karamoko Alpha mo Labé dans le village de Deben et, dans leur cheminement, il décéda à Missidé Hindé. On l’y enterra. Son fils, Thierno Abdourahmane Ndouyêdio continua le chemin et se vit proposer par Karamoko Alpha, une installation à Donghol Thiernoya en raison de l’élargissement de sa famille.

Thierno Aliou, qui mourut le 24 mars 1927, eut de nombreux enfants :

Elhadj Mamadou Bah, Thierno Mamadou Lamine, Elhadj Saïkou, Thierno Abdoulaye, Elhadj Habib, Thierno Siradiou, Thierno Abdourahmane, Thierno Aguibou, Thierno Mamadou Bano, Thierno Ousmane et de nombreux petits enfants, parmi lesquels on peut citer Elhadj Badrou, l’actuel imam de la grande mosquée de Labé, le préfet de Labé, Safioulaye Bah, Kadiatou Bah, la 2e épouse de Cellou Dalein Diallo, etc.

Des arrières petits fils comme l’éminent journaliste et homme politique, Siradiou Diallo, petit neveu comme Alpha Bacar Diâri, le père de celui qui proclama l’indépendance de la Guinée, Elhadj Saifoulaye Diallo.

2- ZAWIA :

C’est mâma Yaghouba, du clan des Woussinayabhés de Bouroudji, qui fonda le village de Zawia il y a près de 300 ans et en fit une véritable académie de l’Islam. Il eut pour fils Mâma Ismaila, père de Cheikh Alghassimou.

Mais ici, la succession respectait plutôt le droit d’ainesse au niveau des familles de tous les frères que la règle souvent établie de père en fils.

Ainsi, l’ordre de succession s’établit comme suit : Cheikh Alghassimou ; Karamoko Ibrahima ; Mâma Aliou ; Cheikh Chérif ; Cheikh Diao ; Thierno Mamadou Bobo, fils de Cheikh Chérif, est le père de l’actuel Waliou de Zawia, Cheikh Abdourahimi, en place depuis 1999.

Suivront dans l’ordre, Thierno Moudjitaba ; Thierno Abdoul Ghadiri ; Elhadj Ousmane ; Elhadj Yacine ; Elhadj Alghassimou ; Elhadj Diyata ; Thierno Abdourahimi.

3- THIERNO SADOU MO DALEIN

On peut penser que Thierno Mo Dalein et ses deux cousins germains, Thierno Mamadou Samba Mombeya et Thierno Boubacar Poti Lougoudhi Lélouma, sont les fruits de l’une des prédictions de leur illustre arrière grand père, Thierno Mamadou Cellou, dit Karamoko Alpha Mo Labé.

Le fondateur de Labé aurait en effet prédit que de ses huit enfants, seule la descendance de son ainée, Aissata Gniré, allait hériter de son savoir ; cela, pour avoir bu l’eau bénite de sa jarre.

Thierno Sadou eut pour père Mâma Ibrahima Bano, le fondateur de Dalein Kolla, issu de l’union entre le Séléyanké Mâma Doulla et Aissata Gniré, la fille ainée du Kaldouyanké, Karamoko Alpha Mo Labé.

Il naquit à Dalein en 1788. Il eut pour fils Amadou, Diâfarou, Doulla, Mouctar, Mamadou Saidou, Mamadou Dian et Thierno Saliou Dioulnowo ou Diannowo. Ce dernier, qui mourut avec un de ses frères dans la forêt de Fitaba, lors de la sanglante bataille contre les Houbbous, eut pour fils Thierno Diao, père de Saïkou Amadou Tidiane, lui-même père de Mamadou Cellou Diallo, ancien Premier ministre guinéen, actuel président de l’UFDG et chef de file de l’opposition guinéenne.

Des nombreuses œuvres et actions du Waliou, Thierno Sadou Mo Dalein, on peut retenir : Grand conseiller des Almamy ; le partage biannuel du pouvoir à Timbo entre les deux branches Seydiyankés : Alphaya et Soriya ; le partage équitable de l’héritage au Fouta ; la traduction et l’interprétation des œuvres islamiques de l’Arabe au Poular ; sa farouche opposition aux exactions mortelles contre les mécréants une fois qu’ils se sont convertis à l’islam ; le conseil utile à Almamy Oumar de ne nullement inquiéter le marabout conquérant, Elhadj Oumar Tall, il éviterait ainsi des ennuis au Fouta.

Pour convaincre l’Almamy, il utilisa la métaphore d’un python qui survole le Fouta en se dirigeant vers l’est. Il faut aussi ajouter les conseils et les sacrifices pour la victoire des troupes du Fouta en partance pour la bataille de Tourban Kansala contre l’animiste, Diankewali Sané, roi du Ngâbou.

Thierno Sadou mourut en 1854 à Dalein alors que le départ pour Ngâbou était imminent, laissant un vide difficile à combler. Car il était devenu Waliou dans la précocité, homme de sciences, de prose et de poésie de grande envergure et de notoriété admise dans tout le Fouta.

Ces Ziyaras, initiées par feu Thierno Abdourahmane Bah, sont justement des occasions de rendre hommage à ces grands Waliou qui ont consacré toute leur vie à l’implantation et au rayonnement de l’islam.

Amadou Diouldé Diallo

Journaliste-historien

Facebook Comments Box