Nouveau Code civil : ce qu’en dit Fatou Hann de Wafrica Guinée

Madame Fatou Ane Souaré, directrice exécutive de l’ONG Wafrica Guinée

Le nouveau Code Civil, adopté jeudi 09 mai 2019, par l’Assemblée Nationale, continue à soulever une vague de commentaires à travers la Guinée. L’article 281 de ce code, qui a le plus polarisé l’attention, est lié à la monogamie. Le nouveau Code Civil interdit à un homme d’épouser une seconde femme sans l’aval préalable de la première. Une disposition diversement appréciée dans l’opinion publique.

Pour évoquer cette problématique, un reporter de Guineematin.com s’est entretenu avec Madame Fatou Ane Souaré, directrice exécutive de l’ONG Wafrica Guinée. Elle est également membre du collectif des ONG pour les textes respectueux des droits humains.

Guineematin.com : l’Assemblée Nationale a adopté jeudi dernier le nouveau code civil renvoyé en seconde lecture par le président Alpha Condé. Contrairement au premier texte adopté en décembre dernier, ce code interdit à un homme d’épouser une seconde femme sans l’aval préalable de sa première femme. En tant que féministe, que pensez-vous de ce nouveau code ?

Fatou Ane Souaré : on est très content en tant qu’ONG féminine que ce code soit passé, parce qu’il faut savoir que c’est un code qui était en révision depuis près de 20 ans pendant lesquels beaucoup d’associations féminines ont fait un travail énorme de plaidoyer pour que le texte soit effectivement révisé et que les dispositions qui ont trait au droit des femmes soient amendées et améliorées. Donc, on est content pour le code civil par rapport à toutes ces questions des droits des femmes en dehors même de la polygamie. La polygamie malheureusement a pris toute l’attention, parce que c’était une question, je pense, qui a occasionné le blocage pour le passage justement du code civil dans ces 20 dernières années. Donc, il a été passé déjà en décembre. C’est vrai qu’il n’a pas été promulgué par le Président, il a été renvoyé justement pour cette question de polygamie encore et on trouve que ça a été courageux de la part du Président de renvoyer le texte pour demander aux députés de prendre en compte certaines choses : le respect des droits des femmes et leur dignité en ne prévoyant pas la polygamie comme la règle, comme ça avait été fait il y a trois mois, que plutôt la monogamie et aussi en prenant compte des engagements internationaux que la Guinée a vis-à-vis de certains textes telle que la convention pour l’élimination de toute discrimination à l’égard des femmes qui avait été signée en 1979 ou 80 par la Guinée et qui avait été signée sans exception, parce qu’il faut savoir que la Guinée, jusqu’à maintenant, avant que ce texte rentre en vigueur, est un pays qui interdit la pratique de la polygamie même si dans la pratique les choses sont ce qu’on sait.

Guineematin.com : il y a déjà certains qui pensent que l’application de cette loi va poser des problèmes. Par exemple, un homme qui souhaite épouser une deuxième femme, si sa première femme s’y oppose, il pourrait décider de divorcer avec la première pour se remarier. N’est-ce pas là un problème ?

Fatou Ane Souaré : écoutez ! Nous, on a eu la même réaction. Au début, on s’est dit que la ville va prendre feu avec tous les mariages qui passent, si à chaque fois les familles doivent s’asseoir pour savoir est-ce qu’ils s’avèrent polygame ou pas. On a pensé que ça pouvait être problématique. Mais, on a trouvé un juste milieu : il faut savoir qu’avant, c’est la monogamie qui était consacrée, la polygamie était interdite, ça n’a pas empêché certaines choses. Au jour d’aujourd’hui, la polygamie est prévue ; mais, il faut l’accord de la femme et on trouve que c’est intéressant que les uns et les autres aient à prendre leur responsabilité et soient informés. Avant, on faisait les choses en cachette. Ce qui était un peu, pour nous, malhonnête. Aujourd’hui, elles ont la possibilité de faire leur choix et l’homme a aussi le devoir de prendre ses responsabilités, parce que cette question de polygamie est une responsabilité que nous pensons être prise trop à la légère dans notre pays et pas suivie comme elle devrait l’être… Cela permet un équilibre, une prise de responsabilité. C’est vrai, ça va causer des situations mais ces situations vont créer justement l’équilibre qu’on veut dans les couples aujourd’hui.

Guineematin.com : l’autre aspect, c’est le côté religieux. Puisque l’islam n’interdit pas la polygamie, certains hommes peuvent décider de célébrer leurs deuxième et troisième mariages dans la mosquée sans aller à la mairie.

Fatou Ane Souaré : Mais, c’est ce qui se passe jusqu’à maintenant. C’est-à-dire que les gens ne se rendent pas à la mairie pour leur deuxième ou troisième noce. Cela dit, je n’aime généralement pas trop me prononcer sur les questions religieuses. Mais, ce que je pense, c’est que cette fameuse disposition, parce que le verset qui prévoit ça est dans un livre qui est aussi une loi, mais elle vient avec des conditions et le souci fondamental en Guinée, les hommes vont très légèrement vers la polygamie.

Guineematin.com : dans ce code civil, on constate aussi que l’adultère n’est pas interdit et les enfants nés hors mariage peuvent hériter. Qu’en pensez-vous ?

Fatou Ane Souaré : l’adultère est prévu et il est rééquilibré maintenant ce qu’il faut savoir, les enfants ne sont que des victimes des actes des personnes responsables. Nous, en tant que défenseurs des droits des femmes et des enfants, on pense que les uns et les autres doivent être responsables.

Entretien réalisé par Touré Amadou Oury pour Guineematin.com

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