Entretien avec Fama Sanoh, sous-préfet de Kankalabé (texte et vidéo)

Guineematin.com reçoit aujourd’hui monsieur Fama Sanoh, sous-préfet de Kankalabé, située à 85 km du chef-lieu de la préfecture de Dalaba, dans la Région Administrative de Mamou. Enseignant de profession, notre invité de la semaine a près de 20 ans d’expérience dans l’administration du territoire. Kankalabé où il a pris service le 24 septembre 2015 est son troisième poste dans les fonctions de sous-préfet en République de Guinée.

Dans cet entretien vidéo exclusif, monsieur Fama Sanoh nous présente brièvement sa collectivité locale, explique les difficultés auxquelles il est confronté dans l’exercice de ses fonctions à Kankalabé, exprime des soucis de sécurité pour les ses administrés et décline les besoins prioritaires des populations locales, sous la conduite d’une nouvelle équipe du conseil communal travaillant en harmonie avec la tutelle et les ressortissants…

Décryptage !

Guineematin.com : Bonjour monsieur le sous-préfet !

Fama Sanoh : Bonjour, mon frère !

Vous-êtes le sous-préfet de Kankalabé depuis le 24 septembre 2015, date à laquelle vous avez pris service ici. Présentez-nous brièvement cette sous-préfecture !

La sous-préfecture de Kankalabé fait partie des 9 sous-préfectures de Dalaba. Elle est située à 85 km du chef-lieu de la préfecture de Dalaba. Elle est composée de 8 districts pour une population de près de 15.000 habitants et 37 secteurs.

Tous les services déconcentrés de la préfecture sont représentés à Kankalabé, qui est une sous-préfecture à vocation sylvo-agropastorale. On a des plaines aménagées et aménageables.
Le commerce est à peu près florissant, parce qu’on a un marché hebdomadaire le dimanche où toutes les sous-préfectures environnantes se réunissent ici.

Sur le plan de la quiétude sociale, la paix règne dans notre sous-préfecture. Nous travaillons avec une commune composée de 17 membres, à sa tête un maire et deux vice-maires, plus les conseillers, gérés par un secrétaire général et un receveur sur le plan administratif. A peu près, tout va bien ici.

En prenant service ici, au mois de septembre 2015, qu’est-ce qui vous a de plus marqué au départ ?

En prenant service ici, j’ai remarqué qu’à Kankalabé, les ressortissants s’investissent dans le développement de la localité. On a des ONG locales qui interviennent dans divers domaines. Sur le plan de la foresterie, on a des ONG qui s’investissent pour le reboisement. Nous sommes en accord avec une ONG française qui intervient sur le plan non seulement du reboisement mais aussi sur le plan éducatif. Ils nous aident dans notre lycée ici où ils participent à la construction des édifices scolaires. Ils nous envoient aussi du matériel de travail comme les ordinateurs. Ils nous ont aidés à faire un complexe sportif : basket, volley et handball. De l’eau potable pour les élèves. Ils ont même électrifié le lycée. La bibliothèque aussi est bien garnie.

Au niveau de la santé aussi, ils interviennent en nous envoyant des petits médicaments. Ils participent à la création des forages. Kankalabé est en voie d’aller un peu de l’avant par rapport non seulement à la participation de la communauté, à travers les ressortissants, mais aussi l’intervention de l’Etat, parce qu’avant l’arrivée de l’ANAFIC, le PACV est aussi intervenu dans la construction des écoles, des postes de santé.

Le défi qu’on a à interpeller, c’est le problème d’infrastructures routières parce que Kankalabé et ses 8 districts, l’accès un peu difficile. Kankalabé et le chef-lieu de la préfecture de Dalaba, l’accès est un peu difficile. C’est donc le problème qui nous assaille un peu sur le plan des infrastructures routières.

Quels sont les aspects qui ne fonctionnaient pas très bien à votre installation et que vous avez réussi à redresser au fil du temps en collaboration avec les autorités communales ?

Notre rôle dans ça avec les nouvelles autorités communales, c’est surtout basé sur l’assainissement. Je veux vous dire sans risque de me tromper, on peut s’enorgueillir et dire qu’après Conakry, Kankalabé est l’une des sous-préfectures les plus propres, parce qu’à la base, avec l’appui de la commune, on a initié les femmes. Le marché hebdomadaire de Kankalabé, c’est dimanche. Mais, après, dès le lundi, toutes les femmes, près de 100 à 150 femmes se réunissent pour rendre le village très propre. Je vous disais que Kankalabé, c’est une ville propre, c’est l’occasion pour moi de profiter pour interpeller l’autorité pour aider ces braves femmes en nous aidant sur le plan du matériel, parce que l’assainissement demande beaucoup de moyens. Et là-aussi, la commune nous a beaucoup appuyé dans cette initiative. Chaque matin, les femmes sont là les dimanches, le lundi matin pour nettoyer le village. C’est l’aspect le plus important que j’ai dans ma tête.

Sur le plan du reboisement, il faut dire que Kankalabé est un village vert, parce qu’on a plus de 75 à 80 hectares de forêts classées primaires, communautaires ou privées dans la sous-préfecture. Ce ne sont pas que des commentaires. C’est lui qui n’est pas sûr, il n’a qu’à venir voir. On a ça ici.
Avec la commune, réellement, les relations sont très bonnes. Nous travaillons ensemble. Et notre souci permanent, c’est le problème de sécurité. Bien que depuis que je suis venu, on n’a pas eu de problèmes extraordinaires, mais on n’a que deux agents pour une population de près de 15.000 habitants et Kankalabé se trouve au cœur du Fouta, parce qu’on est entouré par beaucoup de sous-préfectures des préfectures de Dalaba, de Labé, de Tougué, c’est un pôle économique attractif. Ce qui fait la sécurité nous inquiète un tout petit peu. Malgré qu’on n’a pas, depuis que je suis venu, eu des choses qui nous empêchent de dormir.

Nous venons de sortir des examens nationaux de fin d’année scolaire 2018 – 2019. Quels sont les résultats enregistrés par Kankalabé à l’élémentaire et au secondaire ?

Avec les résultats de cette année, le constat est amère, parce qu’à l’école primaire, on n’a pas fait un grand pourcentage. On a eu 6 élèves admis dans toute la sous-préfecture, sur près de 150 candidats. Ce qui était au-dessous de nos attentes. Au brevet, à Kankalabé centre sur 50 candidats, il n’y a eu que 15 admis. On a été un peu soulagé par rapport au bac, parce qu’en terminale Sciences Sociales, sur 13, on a 6 admis. En Sciences Maths, sur 3, on a zéro admis.

Ce facteur-là nous a permis de réfléchir. D’ici l’ouverture de tirer les leçons, parce que l’échec-là est du à beaucoup de facteurs. Vous savez mieux que moi que la grève a un peu perturbé l’élan de l’année scolaire. Cela a un peu influencé sur ce qui se passe et au niveau des enseignants et au niveau des élèves.

Mais, je crois qu’avec l’appui de tout le monde, la commune, la sous-préfecture, l’APEAE et les enseignants, nous allons tirer les leçons pour que l’année prochaine on ait un bon résultat, parce que c’est une première à Kankalabé qui a toujours donné de bons résultats. On gagne souvent de 80 à 90% d’admis.

Parlez-nous un peu du secteur de la Santé !

La santé, on se bat grâce à l’appui de nos ONG et de nos partenaires. On a près de 8 postes de santé. Et le centre de santé est là, il est un peu amélioré par rapport à l’après Ebola. L’Etat a investi des moyens au niveau des centres de santé. Les 8 postes de santé de Kankalabé sont tous fonctionnels. Les vaccinations aussi, quand le moment arrive, les gens s’investissent. On sensibilise avec le COSA pour permettre aux femmes d’envoyer les enfants de 0 à 5 ans dans le programme de vaccination.

Avec l’affaire de moustiquaires aussi, chacun a reçu ce qu’il doit avoir. On a sensibilisé pour que chaque famille utilise ses moustiquaires à bon échéant.

Et l’hydraulique villageoise ?

L’hydraulique villageoise aussi, on a des forages. On a beaucoup de forages et toujours avec nos partenaires, ils nous aident à la réparation de ces forages. Bien qu’on a des besoins. Les forages qui sont faits par l’Etat, par les ONG et les privés qui ont installé même des pompes dans les petits villages permettent au moins d’éviter les maladies hydriques au niveau de la population.

Quelles sont les difficultés que vous rencontré dans l’exercice de vos fonctions de sous-préfet ?

Les difficultés que je rencontre sur le plan administratif, c’est sur le plan infrastructurel. Le logement du sous-préfet qui est construit depuis 1968 n’est pas de bonne qualité. Il faut le reconnaître. Etant représentant de l’Etat, le symbole de l’Etat doit être visible.

Aussi, les difficultés qu’on a sont des difficultés d’ordre matériel. Le sous-préfet n’a pas de moyen de locomotion par rapport aux activités que nous menons. Nous interpellons l’Etat par rapport à ça. On nous a fait des promesses, on attend…

Justement, nous apprenons que les partenaires qui font la promotion des communes de convergence ont décidé d’accompagner l’Etat à équiper les administrations locales. C’est dans ce cadre qu’on annonce de nouvelles motos pour les sous-préfets…

Nous ne sommes pas une commune de convergence. Mais, grâce au président de la République, nous avons appris que nous devons avoir des moyens de locomotion. Pour le moment, on n’a pas reçu d’abord. Mais, on a l’espoir que les motos-là vont venir pour nous permettre de nous déplacer et mener nos activités à bon échéant.

Dans beaucoup de collectivités, nous avons retrouvé des élus analphabètes. Cette réalité complique souvent l’application du code des collectivités sur le terrain, puisque généralement ces élus prennent leurs désirs comme principes. Est-ce que c’est le cas à Kankalabé ?

Ce n’est pas Kankalabé seule qui a ces difficultés. La plupart des élus ne connait pas le code des collectivités. Notre souci, c’est comment les former. Le besoin est là. L’Administration du Territoire, envisage de venir former les conseillers par rapport à cet élan. Mais, nous ici, chaque fois que l’occasion nous est présentée, on explique au conseil ce qu’il doit faire par rapport au code des collectivités. Mais, la formation, nous la souhaitons aux conseillers. Ce n’est pas à Kankalabé seulement. La plupart des conseillers n’est pas lettré. Des fois, il y a donc, déphasage avec ce qu’ils font et ce qui doit être fait par rapport au code des collectivités. Mais, nous pensons que l’occasion viendra pour les former de façon très formelle face à ces petites difficultés qu’ils ont. Mais, tout notre souci ici, c’est sur le plan du développement. Il n’y a pas de partis pris. Le maire qui est élu et ses conseillers savent qu’ils sont là pour le développement, sans politiques, sans considération de part et d’autres. Leur objectif, c’est le développement. Et nous, en tant qu’autorité, en tant que représentant de l’Etat, on est là à les renforcer par rapport à cet élan.

Il y a combien de partis politiques qui sont représentés au sein de ce conseil communal de Kankalabé ?

Il y a trois (3) partis politiques représentés dans le conseil communal de Kankalabé. Ils sont 17 conseillers. Il y a l’UFDG majoritaire, le RPG et l’UPR.

Quel regard portez-vous sur le plan annuel d’investissement de la commune de Kankalabé ?

Grâce aux efforts fournis par le gouvernement par rapport à l’ANAFIC, Kankalabé a bénéficié des fonds comme les autres communes de la Guinée. Notre objectif, c’est donc, à travers le conseil communal, nous avons priorisé des actions. Cette année, avec près d’un milliard 200 millions de francs guinéens qu’on a reçu, on a envisagé de faire une nouvelle commune digne de nom et reconstruire l’école primaire de Kankalabé qui date de 1929. Aussi, grâce à l’initiative présidentielle, de faire le foyer des jeunes, encore appelé la maison des jeunes. Ces trois actions sont donc prioritaires et par la grâce de Dieu, si les fonds sont mis à notre disposition, cela sera fait. Et l’année prochaine aussi, on va voir aussi comment il faut faire. On va priorisé les actions, grâce aux conseillers.

Quelle est la situation de la jeunesse de Kankalabé ?

La jeunesse de Kankalabé est là. Elle participe à beaucoup de nos actions mais elle a besoin d’être soutenue, d’être renforcée, d’être encouragée par rapport à ce qu’elle doit faire. C’est pourquoi j’ai dit, quand la maison des jeunes va finir, on va chercher à les regrouper, créer ce qu’on appelle le CECOJE, centre d’écoute, de conseil et d’orientation des jeunes, pour leur permettre d’être là-bas, d’apprendre beaucoup de chose, pour leur éviter non seulement les travers sociaux donc l’alcool et le banditisme, mais aussi fixer des objectifs en créant des petits projets afin de les maintenir, pour éviter ce que nous connaissons tous, l’immigration.

Parlant de l’insécurité, vous avez dit que vous avez 2 agents. Nous savons que dans la région, le vol de bétail est un fléau. Quelle est la situation de Kankalabé à ce sujet ?

Depuis que je suis venu, je n’ai pas subi ce cas. C’est rare. Je ne dis pas que ça n’existe pas mais c’est rare. Quelques temps, on apprend qu’un animal est égorgé par-là. On a pris tout, on a envoyé. Mais, ce que vous entendez, vol de bétail de façon grande, n’existe pas très bien à Kankalabé ici, parce qu’il faut qu’on se le dise. Mais, de temps en temps, on apprend que quelqu’un est venu trouver qu’on a égorgé son animal. On a pris une partie de l’animal, on a laissé le reste. On mène les petites enquêtes pour voir quelles sont les complicités internes qui s’associent à ça.

En tant que sous-préfet, quel est le domaine dans lequel vous n’avez pas réussi à vous faire entendre par vos administrés sur le terrain ?

Je crois que, je ne sais pas si c’est une chance, moi, personnellement, je n’ai pas assez de problèmes avec mes administrés. Chacun a un objectif à atteindre. Chaque fois, on a des réunions. De temps à autres, chacun vient faire le constat de ce qui se passe. Et les petites difficultés qu’on a cette année, c’est par rapport à l’agriculture, par rapport aux engrais, parce que la campagne agricole est là. Cette année, on n’a pas reçu d’engrais pour la campagne 2018-2019. Ce sont les engrais de l’année passée qu’on a. Mais, vous savez, Kankalabé est une zone agricole. La plaine de Mansa qu’on a, a près de 800 à 1000 ha. Tout le monde se focalise là-bas. Mais, cette année, l’engrais a un peu retardé et la pluviométrie que vous savez mieux que moi a perturbé la campagne agricole. Voilà, j’ai ce souci parce que la priorité de la Guinée, c’est l’agriculture. Quand elle se développe, le pays se développe. Avec le conseil communal, chaque fois, on partage, les populations nous embêtent par rapport aux engrais.

Avez-vous un autre message à nous confier ?

Le message que j’ai à vous confier, c’est un message de paix, d’entente et de bonne collaboration dans le cadre du développement de Kankalabé. Mon souci, en tant que représentant de l’Etat, c’est le développement. On se battra avec le conseil pour que Kankalabé soit un pôle d’attraction de la Guinée.

Entretien réalisé à Labé par Idrissa Sampiring DIALLO
Tél. : (00224) 622 269 551 & 657 269 551 & 660 901 334

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