Boycott des audiences par les avocats : les magistrats expriment leur opposition

Mohamed Aly Thiam
Mohamed Aly Thiam, président de l’Association des Magistrats de Guinée

Depuis un certain temps, le torchon brûle entre le barreau guinéen et les magistrats. La prestation de serment de 11 jeunes avocats à la Cour d’Appel, malgré l’opposition de l’Ordre des Avocats est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres entre les deux camps. Les avocats ont dans la foulée annoncé le boycott de toutes les audiences jusqu’à nouvel ordre. Une position dénoncée par l’Association des Magistrats à l’issue d’une assemblée générale tenue à huit clos ce lundi, 30 septembre 2019, à la Cour d’Appel de Conakry, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Les magistrats de Guinée se sont réunis pour se pencher sur la crise qui mine le système judiciaire après la décision des avocats de bouder les cours et tribunaux jusqu’à nouvel ordre. Au terme d’un huit clos de quatre heures, c’est le président de l’Association qui en a fait le compte-rendu.

Selon Mohamed Aly Thiam, deux points ont été abordés à cette assemblée : la colère des avocats et l’attaque verbale dont ils ont fait l’objet de la part du ministre de la sécurité.

« En ce qui concerne les avocats, nous allons nous entretenir, et on va faire une résolution qu’on va leur adresser aussi, pour leur dire que nous travaillons au nom du peuple et au service des citoyens. Il y a des décisions que nous ne pouvons pas prendre qui pourraient aller dans le sens contraire des intérêts des populations. Quand un avocat ou un magistrat décide de boycotter les audiences de justice, c’est contre les intérêts des citoyens, c’est contre les intérêts des justiciables qui se sont adressés à eux pour faire valoir leur droits. Nous ne sommes pas d’accord avec eux. Nous pensons que nous devons nous asseoir et nous dire certaines vérités pour que cela n’arrive pas. Parce qu’il y a l’intérêt d’abord des citoyens, ensuite ça paralyse l’Etat. Nous ne sommes pas d’accord avec eux », a lancé le président de l’Association des Magistrats de Guinée.

Lors d’une récente sortie médiatique, le ministre de la Sécurité, Alpha Ibrahima Kéira, a dénoncé l’attitude des magistrats qui libèrent les malfaiteurs mis aux arrêts par la police. Fustigeant de tels propos, Mohamed Aly Thiam a dit que cette sortie est une manière de mettre leur relation en mal avec les services de police. « Nous dénonçons les propos du ministre de la sécurité, quant à dire que nous libérons les prisonniers que les policiers arrêtent, comme s’il n y avait pas des règles de procédure qui nous emmènent à condamner ou à libérer. La présomption d’innocence est une règle fondamentale de notre système constitutionnel. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Ce n’est pas parce qu’on a arrêté quelqu’un, immédiatement nous allons être le bras séculier de ceux qui arrêtent. Et puis, c’est une manière de mettre nos relations avec les services de police en mal. Cela ne doit pas venir d’une autorité gouvernementale. Que les policiers s’en plaignent, nous avons le droit de s’asseoir avec eux et d’en parler puisqu’il s’agit de relation de collaboration. Mais, le ministre de la sécurité ne peut pas monter au créneau pour tenir de tels propos qui mettent notre sécurité en danger. Parce que c’est une incitation des citoyens à la révolte et à la violence contre les magistrats », soutient-il.

Saidou Hady Diallo pour Guineematin.com

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