Mohamed Bangoura à la barre : le journaliste serein face à la pluie de questions

Les débats de fond ont commencé ce lundi, 22 juillet 2019, dans le procès de Mohamed Bangoura, directeur de publication du site d’informations Mosaïqueguinee, poursuivi avec Fodé Baldé, responsable de la communication digitale de l’UFR, par l’agence judiciaire de l’Etat. Après avoir prononcé le rejet des exceptions de nullité soulevées par les avocats de la défense, la juge, Hadja Mariama Doumbouya, a ordonné la comparution du journaliste devant le tribunal correctionnel de Kaloum. Notre confrère fait preuve de sérénité en répondant aux nombreuses questions qui lui sont adressées, rapporte un journaliste de Guineematin.com, présent dans la salle d’audience.

C’est maître Lancé 3 Doumbouya, l’un des avocats de l’Agence Judiciaire de l’Etat, qui a ouvert les débats. « Est-ce qu’avant de publier cet article (le texte incriminé, ndlr), vous avez pris connaissance du contenu ? », interroge-t-il au journaliste. « Oui », répond Mohamed Bangoura. Et l’échange se poursuit : « Est-ce que vous avez appelé celui qui a envoyé l’article avant publication ? Non. Pourquoi ne l’avez-vous pas appelé ? Rien. Ne saviez-vous pas qu’il porte atteinte à la stabilité du pays ? Ça c’est vous qui pensez ainsi? Pourquoi avez-vous publié ? Parce que c’est son opinion.

Comment vous comprenez le contenu de son opinion ? Monsieur Fodé Baldé est mieux placé pour répondre à cette question. Nous ne comprenons pas bien le Français monsieur Bangoura, facilitez-nous la compréhension ! Non, ça c’est monsieur Fodé Baldé qui peut vous le dire ». L’avocat poursuit encore : « monsieur Bangoura, oui ou non en publiant cette tribune vous avez pris la mesure d’assumer les conséquences de cette publication ? » « Oui, quand vous êtes directeur de publication d’un site, vous assumez la responsabilité de tout ce que vous publiez », répond Mohamed Bangoura.

La parole est revenue ensuite aux avocats de la défense pour interroger leur client. Me Mohamed Traoré a commencé par déplorer la décision du tribunal qui a rejeté les exceptions que son camp a soulevées. « Je prends la parole avec beaucoup de pincement de cœur madame (la présidente du tribunal, ndlr). C’est avec un grand étonnement que j’ai constaté le rejet des exceptions posées », a-t-il dit, avant de s’adresser à Mohamed Bangoura. « Dans la tribune qui a été publiée, si vous avez trouvé des termes injurieux, des propos injurieux est-ce que vous l’auriez publiée ? » « Non », répond Mohamed Bangoura.

« Alpha Condé à la tête de la CEDEAO ? Au-revoir à la démocratie (le titre de la tribune incriminée, ndlr), qu’est ce qui est injurieux là ? ». « Rien », répond le journaliste. Me Traoré poursuit : « est-ce que vous savez que lors de la dernière Assemblée générale du parti au pouvoir, monsieur M’Bany Sangaré a déclaré qu’effectivement c’est le président de la République qui était pressenti pour diriger la CEDEAO mais qu’il s’est désisté en faveur d’un autre? » « Oui, je sais ». « Qu’est-ce qui est injurieux là ? » « Rien », répond notre confrère. S’ensuit encore un long échange entre l’avocat et son client : « Dans cette salle-là, qui savait l’existence de cette tribune avant le déclenchement de cette procédure judiciaire ? Personne. Donc ça veut dire que cette tribune serait passée sans aucun problème ? Effectivement. Dans cette tribune, qui a été traité comme un animal ? Personne. Dans une République, qui détermine la vie de la nation ? C’est le président de la République.

Alors, est-ce qu’il est à l’abri des critiques ? Qui peut dire qu’un président de la République doit être à l’abri des critiques ? Non, ce n’est pas injurieux, ce n’est pas un crime. Déjà, il y a des restrictions graves à la liberté de la presse, déjà il y a des restrictions graves à la liberté de réunion, déjà il y a des restrictions graves à la liberté de manifester », rappelle Me Mohamed Traoré, avant de poser une autre question à son client. « Alors, est-ce que vous serrez étonné d’apprendre que demain il y a des atteintes graves à la liberté de la magistrature ? » « Non », répond le prévenu.

Me Salifou Béavogui, un autre avocat de la défense, a renchéri : « Mohamed Bangoura, vous êtes directeur de publication du site Mosaïqueguinee.com, un site crédible, qui a souvent la primeur des informations. Alors, il y a un autre intellectuel guinéen qui s’est réveillé de son sommeil pour faire une tribune sur un événement qui se passait dans la sous-région. Je pense que si les choses avaient marché tel que prévu, vous ne seriez pas là aujourd’hui. Mais avant vous, est-ce que vous avez appris une information sur une éventuelle élection du président de la République à la tête de la CEDEAO ? », Demande-t-il à son client.

« Oui, avant la publication de cette tribune, il y a des communicants du RPG arc-en-ciel qui avaient dit que le président de la République serait élu à la tête de la CEDEAO », répond Mohamed Bangoura. « Alors, comme il s’agit de ces communicants, le procureur ici présent n’ose pas les trimballer devant ce tribunal. Ils sont à l’abri de toute poursuite du fait de leur position stratégique du moment », a déclaré Me Salifou Béavogui, qui a provoqué ainsi l’ire du procureur et de la présidente du tribunal.

A rappeler que Mohamed Bangoura et Fodé Baldé sont poursuivis par l’Agence Judiciaire de l’Etat pour injure, diffamation production, diffusion et mise à disposition de données de nature à troubler l’ordre et la sécurité publics et la dignité du président de la République. Cette affaire fait suite à un la publication d’une tribune rédigée par le responsable de la communication digitale de l’UFR sur le site Mosaïqueguinee.com dont Mohamed Bangoura est le directeur de publication.

Les débats se poursuivent devant le tribunal de première instance de Kaloum, et nous y reviendrons !

Du TPI de Kaloum, Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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