Lutte contre le banditisme en Guinée : le service de Thiegboro accusé de torture à Conakry

Colonel Moussa Thiegboro Camara, secrétaire général à la présidence de la République chargé des services spéciaux, de la lutte contre la drogue et du crime organisé

… Ils m’ont conduit au PM3 où j’ai fait trois jours sans manger, ni boire. Ils m’ont ensuite ramené à la base de Thiégboro où ils m’ont demandé de reconnaître. J’ai refusé d’obéir. Ils m’ont alors privé de manger ce jour-là aussi. Mais, face à la torture, j’ai fini par céder et signer de faux aveux. C’est après qu’on m’a conduit à la maison centrale…


Abdourahamane Barry

Abdourahamane Barry et Cie ont comparu à nouveau hier, Mardi 12 Mars 2019, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la mairie de Ratoma). Ils sont poursuivis pour des faits de vol à main armée et de détention illégale d’arme. Des faits pour lesquels le procureur, Boubacar I Bah, a requis des peines allant de 2 ans de prison à 10 ans de réclusion criminelle contre les accusés, rapporte un journaliste de Guineematin.com qui a suivi ce procès.

A l’ouverture de leur procès (le 05 Mars dernier), les trois accusés dans cette affaire avaient plaidé non coupable des faits articulés dans l’ordonnance de renvoi qui les a conduits devant le tribunal criminel de Dixinn. Abdourahamane Barry, alias Original, Boubacar Barry, dit Kess, et Mamadou Moustapha Bah, alias Mouz By, se sont ensuite succédé à la barre pour expliquer les circonstances dans lesquels ils ont été interpellés et conduits en prison.

« C’est le 16 Août 2017 vers 9 heures qu’on m’a arrêté à l’auberge (un motel sis à Sonfonia). J’étais en compagnie de ma copine (petite amie) avec laquelle j’ai passé la nuit. Les gendarmes sont venus taper à la porte. Quand j’ai répondu, ils ont dit que c’est la gendarmerie nationale et qu’il s’agissait d’une simple vérification. J’ai alors ouvert la porte. Ils sont entrés dans la chambre pour effectuer des fouilles. Ensuite, ils nous ont mis aux arrêts, ma copine et moi. Je ne détenais que deux boites de XXL (boisson énergétique) et les clés de ma voiture Renault 19. De l’hôtel, les agents m’ont conduit directement à la base du Colonel Thiégboro Camara. Arrivé là-bas, ils m’ont dit qu’ils ont retrouvé un fusil PMAK dans la chambre de Kess et que ce dernier leur a dit que c’est moi qui lui ai confié cette arme. J’ai protesté pour dire que c’est faux… Ils m’ont conduit au PM3 où j’ai fait trois jours sans manger, ni boire. Ils m’ont ensuite ramené à la base de Thiégboro où ils m’ont demandé de reconnaitre. J’ai refusé d’obéir. Ils m’ont alors privé de manger ce jour-là aussi. Mais, face à la torture, j’ai fini par céder et signer de faux aveux. C’est après qu’on m’a conduit à la maison centrale », a expliqué Abdourahamane Barry.

Par ailleurs, « Original » a précisé que c’est après trois jours de torture que les agents lui ont présenté des pieds-de-biche et des couteaux. « Ils ont dit que c’est dans ma voiture qu’ils les ont trouvés. Mais, c’est faux ! Il n’y avait rien dans ma voiture », a-t-il ajouté.

De son côté, Boubacar Barry, dit Kess, a confié qu’aucune arme n’a été retrouvée dans sa chambre à Sonfonia T7 où il a été arrêté en compagnie de sa copine et de son ami Mouz By. Cependant, il a admis avoir connu Abdourahamane Barry (Original) alors que ce dernier était en prison à Kindia.

« Original était en prison à Kindia avec un de mes amis. Et, mon ami m’appelait souvent avec le téléphone de Original, avec qui je communiquais un peu. Mon ami est mort en prison… Et, le 15 Août 2017, Original m’a appelé au téléphone pour me dire qu’il est à Conakry, mais qu’il n’a pas de chambre. Il m’a dit de lui garder son sac jusqu’à ce qu’il trouve une chambre. Je n’ai pas fouillé le sac ; mais, il m’a dit que ce sont ses habits qui s’y trouvaient. Ce jour-là, nous avons veillé ensemble à l’auberge. Et, le lendemain, les gendarmes sont allés m’arrêter. J’étais avec ma copine et mon ami Moustapha (Mouz By). Ils ont fouillé toute la chambre ; mais, ils n’ont rien trouvé à part mes habits », a expliqué Boubacar Barry, qui s’est également plaint avoir fait l’objet de torture de la part des hommes du colonel Thiégboro Camara.

Dans le dossier de la procédure qui a été transmis au tribunal, indique le juge Mafering Camara, il est clairement mentionné qu’un fusil PMAK, une boite de chargeur et des pneus de moto ont été retrouvés dans la chambre de Kess. Ce que nie en bloc cet accusé. « Ils n’ont rien trouvé chez moi », a insisté Boubacar Barry.

Sur la même lancée, Mamadou Moustapha Bah, alias Mouz By, a avoué avoir vu un sac à dos dans la chambre de Kess. Mais, soutient-il, aucune arme n’a été retrouvée là-bas en sa présence. « C’est à la base de Thiégboro qu’on m’a présenté un fusil, des pieds-de-biche et des couteaux. Aucune arme n’a été retrouvée chez Kess au moment de notre arrestation », a-t-il expliqué.

Dans ses réquisitions de ce mardi, le ministère public est longuement revenu sur cette affaire. Le procureur audiencier, Boubacar I Bah, a expliqué que les trois accusés qui comparaissent devant le tribunal ont été interpellés suite à une dénonciation. « Dans la nuit du 16 au 17 Août 2017, le service de Thiégboro a eu des renseignements selon lesquels des bandits de grand chemin étaient à l’auberge. Le 17 au matin, les agents sont allés faire des investigations. C’est ainsi qu’ils ont interpellé Abdourahamane Barry. Ils sont allés ensuite à Sonfonia T7 où ils ont interpellé Boubacar Barry et Mamadou Moustapha Bah… Les pieds-de-biche et les couteaux ont été retrouvés dans la voiture de Abdourahamane. L’arme PMAK a été retrouvée sous le matelas de Boubacar. Les pneus de moto ont également été retrouvés chez Boubacar », a-t-il indiqué.

Bref, le procureur Boubacar I Bah a requis 10 ans de réclusion criminelle contre Abdourahamane Barry, alias Original (pour vol à main armée et détention illégale d’arme), 2 ans et 3 ans de prison contre respectivement contre Mamadou Moustapha Bah, alias Mous By et Boubacar Barry, dit Kess (pour complicité de détention illégale d’arme).

De leur côté, les avocats de la défense ont plaidé pour l’acquittement de leur clients conformément à l’article 544 du code de procédure pénal. « Qui sont les victimes ? Où sont-elles ? Où est le fameux fusil PMAK dont on parle ? Depuis le début de ce procès, jusqu’aujourd’hui, personne n’est venue ici, devant votre tribunal, pour dire qu’il a été victime de vol à main armée de la part des accusés ici présents… Pour nous, les faits ne sont vraiment pas établis. Et, c’est pourquoi, nous demandons au tribunal de renvoyer ces accusés des fins de la poursuite pour délits non constitué », a plaidé Me Abou Camara.

Finalement, le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour décision être rendue le 19 mars prochain.

Dossier à suivre !

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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