Un décorateur se fâche : « le ministre de la culture ne s’intéresse pas à notre travail »

La décoration est un métier très peu pratiqué en Guinée. Pourtant, plusieurs institutions nationales et internationales font recours aux décorateurs pour des questions d’ornement. Pour parler de ce métier, un reporter de Guineematin.com hier, vendredi 12 avril 2019, a rencontré Saïdouba Camara, un artiste-décorateur-plasticien. Monsieur Camara accuse notamment le ministère de la Culture et du Patrimoine Historique d’avoir négligé ce domaine culturel.

Guineematin.com : qu’est-ce que c’est que la décoration ?

Saïdouba Camara : la décoration, c’est mixte. Quand on parle de la décoration, il y a la décoration murale, la décoration sur les tissus, la décoration sur les tableaux. Entre les décorateurs, il y a les peintres, ceux qui font le réalisme, c’est-à-dire qui regardent la photo pour faire la même chose. Ensuite, il y a les artistes plasticiens. Ces artistes là, ce sont eux qui font la création. Eux, ils ont leur main à part, leur style à part. Donc nous notre groupe est composé des artistes plasticiens. Pour être artiste plasticien, il faut être capable de créer par tes propres imaginations, être célèbre que tu sois reconnu par ton tableau. Tu dois avoir ta main à toi, ton style à toi. C’est ça l’art plastique. C’est pourquoi, le créateur est génie parce que ce qu’il fait est fruit de l’imagination. C’est pourquoi, nos professeurs disaient d’avoir notre propre main, notre propre style. Mais moi, je peux faire le portrait, je peux faire la décoration murale. En art plastique, je peux faire des tableaux originaux. J’ai participé à trois concours de la BICIGUI. J’ai travaillé aussi avec PSI sur le thème Excision. On ne fait que nous donner le thème, c’est à nous de le développer de façon artistique. L’inauguration du PNUD, c’est moi qui ai fait la décoration. Tous les tableaux qui sont là-bas, c’est moi qui les ai faits.

Guineematin.com : comment vous avez appris ce métier ?

Saïdouba Camara : ça a été un métier de passion pour moi, parce depuis que j’étais à l’école, je faisais le dessin. Mon papa ne voulait pas que je fasse le dessin. Mais, quand il a compris que j’aimais le dessin, il m’a pris et envoyé à l’atelier. C’est ainsi que j’ai commencé à fréquenter l’atelier. A chaque fois que je revenais de l’école, je partais à l’atelier décoration. Donc là-bas, je faisais des dessins, des créations par mes propres imaginations. Après ça, j’ai eu plusieurs autres formations. Des blancs sont venus à Conakry ici, nous ont formés en décoration. Chaque professeur a avait sa formation, son style à part. Donc les formations n’étaient les mêmes.

Guineematin.com : quels sont les matériaux que vous utilisez pour faire la décoration ?

Saïdouba Camara : pour le moment, faire les vrais tableaux, les matériaux manquent. On travaille actuellement avec la peinture locale. On utilise beaucoup de peinture. Pour certains tableaux, on fait le collage. Pour d’autres, la peinture simple. Pour la peinture à l’heure là, c’est difficile. On vend la peinture à la papeterie, ça coûte cher. Pour ce qui est des prix, un couteau peut coûter 100 mille, la peinture se négocie entre 10 mille et 15 mille l’unité. Mais le paquet c’est 20 mille. La peinture de 200 ml coûte à l’heure où je vous parle là, à la papeterie, 100 mille francs guinéens. Pour faire un tableau, il nous faut 5 couleurs différentes : rouge, jaune, vert, noir et blanc.

Guineematin.com : comment ce fonctionne ce métier en Guinée ? Est-ce que vous parvenez à vous en sortir ?

Saïdouba Camara : avant, ça marchait bien, mais à l’heure là, ça ne marche pas. Certains parmi nous sont obligés de faire le bricolage, c’est-à-dire avec les pancartes, les banderoles, les T-shirt. On a travaillé sur beaucoup de tableaux, mais ça ne marche. Donc, on n’a plus le courage et l’Etat ne nous accompagne pas. Le ministre de la culture ne s’intéresse pas à notre travail alors qu’il y a des institutions internationales qui ont besoin de nous. Mais, on n’est pas soutenu par l’Etat. C’est ça le problème. Même ceux qui nous accompagnaient là ont cessé, parce qu’ils ont constaté peut être que l’Etat ne nous accompagne pas.

Guineematin.com : à combien se vend un tableau ?

Saïdouba Camara : avant, on vendait un tableau entre 300 et 500 mille francs guinéens. Mais maintenant, les choses coûtent chères et les tableaux ne marchent pas trop. Actuellement, on est obligé de vendre les tableaux entre 800 mille et un million francs guinéens. Donc, nous demandons au gouvernement de nous aider, parce que ce que nous faisons, c’est purement culturel. Et, c’est l’honneur de la Guinée d’avoir des artistes dans ce domaine là.

Propos recueillis par Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com

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