La justice guinéenne à l’épreuve

Les autorités clament et proclament sur tous les toits que la justice guinéenne est indépendante. Comme dans tout pays démocratique, il y aurait une séparation de pouvoirs. Ce qui empêche l’un à s’immiscer dans les affaires de l’autre.

De temps en temps la justice tente de confirmer cette assertion. Comme ce fut le cas lors de la relaxe d’Oumar Sylla par le juge du tribunal de première instance de Dixinn. Lequel juge donna ainsi espoir à ceux qui rêvent d’une justice véritablement indépendance dans ce pays. Cet espoir fut malheureusement de courte durée, comme on le verra plus loin.

Le tribunal de première instance de Mafanco pourrait emboiter le pas à celui de Dixinn. Ce 28 juin 2021 le procureur près dudit tribunal a estimé n’avoir pas de preuves contre deux accusés. En l’occurrence le maire et le vice-maire de Matam. Cet aveu est un espoir pour les deux anciens responsables de la commune de Matam. Et plus particulièrement à Ismaël Condé, devenu la bête noire du régime à cause de sa transhumance politique et son opposition contre le troisième mandat.

Cette décision du procureur de Mafanco constitue-t-elle les prémisses d’un début de l’indépendance de notre justice ? Le sort réservé aux deux hommes apportera la réponse. Car cette décision va à l’encontre de la volonté de ceux qui voudraient que M. Condé paye le prix de son opposition au troisième mandat. Beaucoup d’observateurs estiment que la velléité de quelques magistrats d’afficher leur indépendance se heure souvent à un rappel à l’ordre. Quelques faits constituent la preuve que la séparation de pouvoirs et l’indépendance de la justice restent pour le moment un vœu pieu.

Tout d’abord, les prisonniers politiques, qui cèdent au « chantage » selon l’opposition, sont libérés. Plusieurs détenus n’ont recouvré la liberté qu’après avoir demandé pardon au chef de l’Etat. C’est le cas de Boubacar Diallo alias Grenade et de Mamadi Condé connu sous le nom de Madic100 frontières. Depuis la libération de ces deux bagnards de Coronthie, la méthode a fait tache d’huile. Souleymane Condé a emboité le pas à Mamadi Condé. Reste à savoir si Ismaël Condé va marcher sur leurs traces.

Des faits troublants. Entre autres la rétention du 1er vice-président du principal parti de l’opposition, empêché de sortir du territoire pour des soins de santé à l’étranger. Dans un pays où la justice est véritablement indépendance, un juge aurait autorisé l’opposant malade à quitter le pays dans la mesure où, jusqu’ici, ce dernier n’est responsable d’aucune infraction. Visiblement le pouvoir attend que Dr Fodé Oussou Fofana, tout comme ses camarades de lutte en détention, demande la clémence du chef suprême pour pouvoir quitter la Guinée ou pour recouvrer la liberté.

L’intéressé a tranché en disant qu’il préfère que son œil crève que de « quémander » son autorisation de sortir du pays. Une prise de position diversement appréciée au sein de l’opinion. Pour les partisans du pouvoir ce « suicide » prouve l’orgueil de l’homme. Un tout autre son de cloche pour les militants de l’opposition qui interprètent le cri de désespoir de M. Fofana comme une dignité et un don de soi pour son pays.

D’autres faits non moins troublants, c’est la condamnation d’Oumar Sylla dit Foniké Mengué à une peine de prison supérieure à celle préconisée par le procureur. Ce qui suscite encore aujourd’hui beaucoup d’interrogations. Un juge peut-il être plus royaliste que le roi des poursuites ? Cela peut arriver, selon l’ancien bâtonnier, qui a expliqué sur sa page Facebook qu’un juge n’est obligé d’appliquer ni la plaidoirie d’un avocat ni le réquisitoire d’un procureur.

Mais, la règle est que la peine prononcée par un juge est souvent inférieure à celle que préconise l’empereur des poursuites. Dans le cas d’Oumar Sylla, nous avons assisté à l’inverse. D’où l’indignation de la défense, de la classe politique et de certains observateurs. Tous crient à un règlement de compte contre ce fer de lance du mouvement contre le troisième mandat.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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