Conakry : un vieux fait plus de 2 ans de prison pour un viol qu’il n’a pas commis

Âgé d’une soixantaine d’années, Mamadou Chérif Diallo est incarcéré à la maison centrale de Conakry depuis le 21 février 2019 pour un viol présumé qu’il aurait commis sur une mineure. Son procès s’est tenu hier, lundi 07 juin 2021, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la mairie de Ratoma). Et, à l’issue des débats, ce vieil homme a été renvoyé des fins de la poursuite pour crime non constitué. Il recouvre ainsi la liberté avoir passé exactement 2 ans 3 mois et 16 jours en prison, rapporte Guineematin.com à travers un de ses journalistes.

Dans cette affaire qui a jeté l’anathème, le discrédit, l’humiliation, le déshonneur sur lui et qui lui a volé plus de deux ans de sa vie d’homme libre, Mamadou Chérif Diallo y a été en pâture par Alhassane Goubou Diallo. C’est ce dernier qui, apparemment sans aucune preuve, l’a accusé de viol sur sa fille mineure et l’a jeté en prison. Et pourtant, au moment où on portait cette grave accusation à son encontre, Mamadou Chérif Diallo était malade et souffrait d’un problème urinaire. Il se souvient encore de ce jour funeste où on l’accusait et le blâme, en dépit de l’innocence qu’il clamait de toutes ses forces. Et, ce lundi à la barre, il est revenu sur cette histoire pour éclairer la religion du tribunal en charge de le juger.

« Ce jour, j’étais malade ; parce que j’avais un problème urinaire. Mes urines ne sortaient pas normalement et parfois elles ne sortaient pas. Je suis allé voir un médecin qui m’a donné des produits et qui m’a dit de revenir à la maison et que ça allait se débloquer. Quand j’ai pris les produits, je me suis mis sur un banc non loin de la toilette. Il n’y avait pas de courant. J’ai eu le besoin d’aller me mettre à l’aise ; mais, je ne savais pas que la fille (sa présumé victime) était à l’intérieur de la douche. C’est une toilette commune qui n’a même pas de porte, c’est moi qui aie attaché une bâche pour couvrir l’intérieur.

Dès que je suis rentré, j’ai trouvé la fille et je me suis retourné aussitôt pour me mettre à l’aise à côté. J’avais tellement mal, j’ai même mouillé mon pantalon. C’est ainsi que le père de la fille est venu me dire qu’il n’a pas confiance à moi, car il m’a vu revenir de la douche alors que sa fille était là-bas. Mais, que si j’accepte, on peut régler à l’amiable. Je ne lui ai même pas répondu, parce que ce n’est pas ce qui me préoccupait. C’est ainsi qu’il est allé à la gendarmerie rédiger une convocation et venir déposer chez le chef du quartier.

Tous nos voisins lui ont déconseillé, parce qu’ils savaient tous que ce sont des accusations sans fondement. Mais, en tant que citoyen et sachant que je ne me reproche de rien, je suis allé me présenter librement à la gendarmerie. C’est ainsi qu’on m’a conduit devant le juge d’instruction qui m’a aussi déféré à la maison centrale. Et finalement, le plaignant même a écrit pour une lettre de désistement pour dire qu’il m’accuse à tort », explique Mamadou Chérif Diallo, tout en précisant qu’il n’a jamais touché à la fille de son accusateur Alhassane Goubou Diallo.

En effet, cette « lettre de désistement » mentionnée par l’accusé a été déposé au tribunal de première instance de Dixinn le 11 novembre 2019 (soit près de 9 mois après que Mamadou Chérif Diallo ait été placé sous mandat de dépôt). Mais, malgré que son accusateur avoué l’avoir accusé à tort dans cette affaire, le tribunal de Dixinn ne s’est pas penché sur ce dossier pour démêler très vite le vrai du faux pour éviter de maintenir un innocent en prison. Une attitude que déplore même Alhassane Goubou Diallo qui considère la justice comme le geôlier de Mamadou Chérif Diallo. Car, appelé à la barre pour être confondu à son accusé, Alhassane Goubou Diallo a déclaré devant le tribunal qu’il a accusé à tort Mamadou Chérif Diallo et qu’il l’avait aussi dit à la justice.

« Je n’ai pas beaucoup de choses à dire. La façon dont les gens m’ont expliqué, ce n’est pas comme ça que les choses se sont passées. C’est pourquoi j’ai écrit une lettre de désistement le 11 novembre 2019 ; mais, c’était trop tard parce que monsieur Diallo était déjà en prison. C’est vrai, la manière dont je l’ai vu sortir de la toilette m’a laissé des doutes ; mais, au finish j’ai compris que je l’accuse », s’est confessé brièvement Alhassane Goubou Diallo.

N’ayant aucune preuve, ni aucun témoin (pas même une déposition à charge contre l’accusé) sous la main, le ministère public s’est vu dans l’obligation de requérir la relaxe pure et simple de Mamadou Chérif Diallo.

«Au niveau de l’enquête préliminaire, la fille avait déclaré qu’elle a un copain dans son école et que personne ne sait ce que les deux font… Par conséquent, le ministère public requiert qu’il vous plaise de faire application à l’article 544, déclarer Mamadou Chérif Diallo non coupable des faits qui lui sont reprochés et le renvoyer à des fins de poursuite pour délit non constitué », a requis le procureur audiencier.

Ces réquisitions du ministère public ont conforté la position de la défense qui, sans grand discours, a aussi demandé la relaxe de son client.

Finalement, le tribunal, dans son délibéré, a déclaré Mamadou Chérif Diallo non coupable des faits de viol qui lui sont reprochés et l’a renvoyé des fins de poursuite.

Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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