Filles âgées et célibataires : pourquoi vous n’êtes pas mariées ?

« Cette voiture est à moi, je suis responsable des ressources humaines dans une entreprise de la place. Par modestie, je ne vous dirais pas que je suis très belle ; mais, je suis belle et issue d’une famille très respectable. Mais, jamais un homme n’a envoyé les colas chez mes parents pour m’épouser. Toutes mes copines se sont mariées, elles ont 2 à 3 enfants… J’ai tellement envoyé de colas à la mosquée, je suis partie tellement chez des marabouts qui m’ont lavé avec tellement de choses que ça n’a toujours pas abouti… »

Le mois d’avril 2019, veille du mois saint de Ramadan, a connu une véritable ruée vers les états civils de Conakry et de l’intérieur du pays pour de très nombreux couples. Une démarche qui s’inscrit dans la logique de la célébration de leur union devant l’officier d’état civil. Mais, d’autres jeunes filles n’ont pas pu faire partie de ce lot. D’ailleurs, elles sont nombreuses à « tarder » à se trouver un prétendant, bien qu’elles soient majoritairement belles, à l’âge avancé parfois, bien éduquées, jouissant d’une relative indépendante financière.

Une situation qui suscite des commentaires, des railleries et même des quolibets dans nos sociétés, généralement très conservatrices où le mariage est obligatoire pour fonder un foyer respectable. De nombreuses jeunes femmes ont souvent entendu des remarques du genre « trouve-toi un mari maintenant », ou « toutes tes copines se sont mariées, qu’est-ce que toi tu attends ? », ou encore « si tu es toujours célibataire, c’est parce que tu refuses de te marier ». Des rappels à l’ordre difficile à entendre, alors que les filles du voisinage qui se sont mariées très tôt sont souvent citées en exemple.

Qu’est ce qui explique réellement ce problème ? Pourquoi de plus en plus de femmes se retrouvent aujourd’hui célibataires à 30 ans ? Un coup du destin ou un choix personnel ? Pour tenter de répondre à ces questions un reporter de Guineematin.com a donné la parole à certaines jeunes filles/femmes de Conakry, dans la journée de ce vendredi, 24 mai 2019.

Dans les sociétés africaines, on vous fait bien comprendre que « le mariage, c’est la consécration suprême pour une jeune fille. Ne pas se marier, c’est admettre qu’on ne vaut rien, pensent de nombreux observateurs. À un certain âge, la femme doit être mariée. Un point, c’est tout ».

Aminata Pilimini Diallo, journaliste de profession, âgée de 30 ans, est directrice de publication du site d’informations actu-elles. Cette célibataire explique qu’elle préfère vivre seule plutôt que d’être mal accompagnée. Elle refuse d’épouser un homme avec qui elle n’a rien en commun.

« Le mariage, c’est avoir la chance d’avoir l’homme de sa vie. Moi personnellement, ces dernières années, j’ai choisi de ne pas aller avec n’importe qui, parce que je suis intellectuelle. Quand on est intellectuelle, on doit choisir avec qui vivre, qui doit nous accepter, qui est compatible à ce que nous voulons. L’homme de nos rêves, c’est celui qui accepte qui nous sommes, ce que nous sommes. Par exemple ces dernières années, j’ai eu des hommes qui voulaient m’épouser, mais qui m’ont posé des conditions de changer ma vie. On ne peut pas changer sa vie pour vivre la vie des autres », soutient la journaliste.

Pour ce qui est des railleries, Aminata Pilimini dit que ça lui arrive d’en être victime. « C’est vrai qu’à chaque fois, quand je rencontre des membres de ma famille, surtout des femmes que je connaissais depuis toute jeune, elles me disent : ah tu as fini tes études. Je dis oui. Tu as trouvé un mari, je réponds par la négative. Elles me disent que je refuse de me marier. Je rétorque que je ne refuse pas, mais que je ne veux pas de n’importe quel mari. Après, elles me regardent avec des yeux bizarres. Nous sommes dans une société où on juge tellement les femmes, on fait comme si c’est toi qui refuse de te marier. A la maison, maman me juge, papa me juge, ils me disent voilà tu as eu tes 30 ans, tu n’es toujours pas mariée. Mais à mon avis, ce n’est pas ça qui compte. Nous avons vu des femmes qui se sont mariées à 40 ans, qui sont très heureuses dans leurs foyers parce qu’elles ont été matures avant de se marier. J’estime qu’avec mon âge, je suis mature et je pourrais bien gérer mon foyer ».

Pour sa part, Mariam Sylla est une belle femme, âgée de 39 ans. Elle a confié au reporter de Guineematin.com qu’elle vit dans un enfer en famille à cause de son statut de célibataire. « Ce qu’il faut faire comprendre aux gens, c’est que toute femme désire se marier, aucune femme ne choisi de rester aussi longtemps sans trouver de mari. Moi, par exemple, cette voiture est à moi, je suis responsable des ressources humaines dans une entreprise de la place. Par modestie, je ne vous dirais pas que je suis très belle ; mais, je suis belle et issue d’une famille très respectable. Mais, jamais un homme n’a envoyé les colas chez mes parents pour m’épouser. Toutes mes copines se sont mariées, elles ont 2 à 3 enfants ».

Par ailleurs, Mariam Sylla avoue qu’elle n’échappe pas aux remarques et autres railleries. « Je suis tout le temps persécutée par mon père et mes tantes qui me demandent qu’est-ce que tu attends pour te marier ? On ne veut plus te voir dans cette maison parce que tu refuses de te marier. Au fond, c’est choquant, il n’y a pas où je n’ai pas été ou ce que je n’ai pas fait pour avoir un mari. J’ai tellement envoyé de colas à la mosquée, je suis partie tellement chez des marabouts qui m’ont lavé avec tellement de choses que ça n’a toujours pas abouti. Donc, j’aimerai que nos proches sachent qu’on souffre et que le mariage, c’est la chance. Qu’on arrête de nous reprocher notre état célibataire », lance-t-elle.

De son côté, Hassatou Lamarana Bah, journaliste-écrivaine, âgée de 27 ans, une femme cultivée peut bien aider le foyer à s’épanouir et ne doit pas être vue comme sources de problèmes. « Ce qu’il faut comprendre, c’est que les femmes instruites et indépendantes, comme nous, ont des problèmes à trouver un mari en Afrique, notamment en Guinée. On nous colle souvent plusieurs étiquettes de femme insoumise, qui ne respectera pas son mari, qui va commander son mari à la maison, ses enfants ne seront pas bénis parce qu’elle va commander son mari. C’est tous ces facteurs là qui font que nous femmes instruites, on peine à trouver un mari. Ce que je pourrais dire, c’est de sensibiliser les parents afin que les familles comprennent réellement que ce n’est pas parce qu’on a fait des études supérieures, qu’on a un travail, qu’on est au dessus de l’homme. Il faut que les gens sachent qu’une femme qui travaille peut mieux aider son mari dans les besoins de la famille. Qu’ils arrêtent ce complexe », conseille-t-elle.

La vie de célibataire a un prix à payer pour la femme dans la société africaine. Ce prix est celui de la solitude et de l’injustice. Sont-elles coupables de cette situation ? Et les hommes dans tout ça ?

Salimatou Diallo pour Guineematin.com
Tél:224623532504

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