Adultère, concubinage, polygamie… Me Hamidou Barry à Guineematin

Me Hamidou Barry
Me Hamidou Barry, avocat 

« Avec le code pénal du 31 décembre 1998, on a abrogé l’adultère comme étant une infraction pénale. Et, le code d’octobre 2016 a suivi la même position. Cela veut dire que sur le plan pénal, l’adultère n’est pas sanctionné », a indiqué maître Hamidou Barry, chargé des affaires juridiques de l’Organisation Guinéenne pour la défense des Droits de l’Homme (OGDH), qui a reçu un reporter de Guineematin.com hier, mardi 15 janvier 2019, pour un entretien.

Guineematin.com : le code civil révisé a été voté par les députés, mais pas encore promulgué. Le sujet relatif à la polygamie a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Vous qui êtes spécialiste du code civil, comment avez-vous perçu ce débat ?

Maître Hamidou Barry : je pense que la question de la polygamie ressemble un peu à la question de la peine de mort. Il y a toujours des gens qui sont pour, et d’autres qui sont contre. Vous savez, tout ce qui intéresse la religion, qui intéresse les mœurs, qui intéresse la famille, on ne peut pas le changer comme on le fait en informatique. Je crois qu’interdire catégoriquement la polygamie, c’est se tromper. Parce que, vous allez interdire quelque chose que vous ne pouvez pas contrôler ou empêcher. Qu’est-ce qui va arriver si on interdit la polygamie ? Comme la loi autorise, permet, admet le mariage coutumier, un homme qui a une femme, peut se marier sur le plan coutumier. Vous ne pouvez pas dire qu’il est polygame. Vous pouvez le poursuivre peut-être pour adultère ou union libre. Mais, il n’y a pas polygamie. Il peut épouser une 3ème femme sur le plan religieux, sans le célébrer devant l’officier de l’Etat civil. Parce qu’il y a polygamie, quand l’homme célèbre deux ou trois mariages devant l’officier de l’Etat civil. Je pense qu’il faut avoir la même position que le Droit sénégalais, c’est-à-dire l’option. Pour la première fois quand l’homme se marie, si la femme accepte un homme qui prévoit d’être polygame, elle a accepté. Maintenant, si l’homme opte pour la monogamie, c’est fermer. Mais, je crois qu’il vaut mieux ouvrir que d’interdire.

Guineematin.com : vous avez parlé tout de suite d’union libre. Qu’est-ce que c’est ?

Maître Hamidou Barry : l’union libre, c’est lorsque les gens vivent comme s’ils étaient mariés, alors qu’ils n’ont pas célébré leur mariage devant l’officier de l’Etat civil. L’union libre, la loi guinéenne est muette là-dessus. C’est-à-dire qu’elle ne l’interdit pas. Elle ne se prononce pas dessus. C’est des personnes qui ne sont pas mariées, qui vivent maritalement, qui font souvent des enfants, qui ne font pas le religieux. Par rapport à la loi, c’est le silence. Mais, sur le plan moral, sur le plan religieux, c’est des choses qui sont interdites.

Guineematin.com : que peut-on dire de l’adultère, au pénal comme au civil ?

Me Hamidou Barry

Maître Hamidou Barry : il faut prendre l’adultère sous deux angles : au pénal et au civil, comme vous l’avez dit. Sur le plan pénal, quand vous voyez l’évolution législative, c’est que le code de 1965 avait sanctionné pénalement l’adultère, c’était six mois de prison ou un an. Mais, avec le code pénal du 31 décembre 1998, on a supprimé, abrogé, l’adultère comme étant une infraction pénale. Et, le code d’octobre 2016 a suivi la même position. Cela veut dire que, sur le plan pénal, l’adultère n’est pas sanctionné. Mais, sur le plan civil, l’adultère est une cause de divorce, en vertu des articles 341 et suivants du code civil guinéen. L’époux ou le conjoint bafoué pour le fait de l’adultère peut initier une action civile devant le juge pour demander réparation.

Guineematin.com : en cas d’adultère, la victime demande réparation aux deux personnes ou à sa femme ou son mari ?

Maître Hamidou Barry : c’est les deux personnes accusées d’adultère qui seront poursuivies pour réparation.

Guineematin.com : dans quelques jours, nous allons commémorer l’anniversaire du massacre du lundi, 22 janvier 2007, sous le régime de Lansana Conté. Comment se passent les préparatifs au niveau de l’Organisation Guinéenne pour la défense des Droits de l’Homme ?

Maître Hamidou Barry : les préparatifs vont bon train. Permettez-moi de rendre hommage à feu Ibrahima Fofana, qui s’est beaucoup battu, avec ses camarades de la CNTG, de l’USTG et d’autres mouvements syndicaux. Il faut rendre hommage aux vivants et aux personnes décédées. Cette année, nous allons commémorer ce triste anniversaire le mardi prochain. Nous allons organiser une conférence de presse au cours de laquelle nous allons rappeler les douloureux événements de janvier et février 2007. Il y avait eu beaucoup de morts et des dégâts matériels, des arrestations, sur toute l’étendue du territoire national.

Guineematin.com : au-delà de cette commémoration, est-ce qu’il y a des actions qui sont engagées en justice ? Est-ce qu’il y a eu des inculpations ?

Maître Hamidou Barry : évidemment, depuis 2012, il y a une action qui est portée devant le Tribunal de Dixinn. Il y a eu 28 victimes qui ont été auditionnées. Nous informons toutes les personnes victimes des événements de janvier et février 2007 de se présenter devant le tribunal de Dixinn, devant le doyen des juges d’instructions pour être additionnées. Il y a un collectif d’avocats constitué à cet effet et piloté par l’OGDH. Pour le moment, il n’y a pas eu d’inculpations. Mais, nous estimons que pendant cette année, si on relance l’affaire, il y en aura.

Propos recueillis par Alpha Mamadou Diallo pour Guineematin.com

Tél. 628 17 99 17

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