De Paris à Télimélé : le parcours atypique du généreux Seydou Kéita

A la Fin des années 1970, Seydou Keita, ambassadeur de Guinée à Paris, est affecté à Télimélé en qualité de gouverneur de région. Il avait exercé dans les mêmes fonctions d’ambassadeur en Europe Occidentale avec résidence à Rome, après avoir été Directeur Général de la SIG (Société Immobilière de Guinée). Vous pouvez imaginer la rupture et la fracture entre le vécu quotidien doré des bords de la Seine et celui tout à fait guinéen de Horé Loubha.

Mais, la révolution globale et multiforme prédisposait chacun à la servir partout, avec le même engagement, la même volonté et la même détermination.

Seydou Keita arrive donc à Télimélé et, à bord d’une Jeep Russe, visite les 14 arrondissements de la région en gardant des souvenirs mémorables des 2 jours passés pour arriver à Daramagnaki, dans le Bambaya.

Grand dirigeant sportif, ayant fait partie des bâtisseurs du célèbre Hafia avec les présidents Kaba Hafia, MS Kaba, Amara Laye Kourouma, Abdoulaye Sylla, N’Famara Camara, Baba Sakho, Alpha Ibrahima Mongo Diallo… Seydou Keita imprime rapidement sa marque à la JRDA de Télimélé, dirigée alors par le fougueux général Mouk Baldé. L’orchestre fédéral, le Télé Jazz, prend de l’ascension avec Moussa Solano, Aly Kania Bangoura, Abdoulaye Breveté, Aliou Barry, Zito, Sambou Yaya, maîtres Seck et Garanké.

Longtemps battu à la pelle et au quintal par le Gangan FC de Kindia, sous Seydou Keita, le Télé FC prendra sa revanche grâce à un effectif de qualité : le capitaine Amadou Barry « Katoumba », Mory Aly, Pérez, Younoussa Goulgoul, l’actuel maire de la commune urbaine. C’est le gouverneur de région qui conduisait en personne la délégation de l’équipe fédérale dans ses déplacements en Basse Guinée. Une première dans l’histoire de Télimélé dont la troupe fédérale, composée des filles parmi les plus belles du pays, se fera remarquer pendant les quinzaines artistiques régionales et festivals nationaux.

Et ce n’est pas tout. Seydou Kéita encourage la pratique du Basket et du Volley Ball, toutes séries, avec sur le plancher la bande à Adams Kouyaté et la propre nièce du gouverneur (fille de son frère Sakoba Kéita), Tata Kéita, l’actuelle épouse du Premier ministre, Dr Ibrahima Kassory Fofana.

Tandis que Barry de Kollet et maître Bamus sifflent majestueusement, le football féminin prend son envol à Télimélé. Composée de joueuses pétries de talents, comme la capitaine Hadjiratou Diallo et Nèné Nbourou (actuelle directrice nationale adjointe de la salubrité publique), le Télé FC version féminine s’impose à toutes ses homologues de la Basse Guinée avant de constituer l’ossature de la régionale de Kindia qui va remporter la première édition de la coupe nationale de football féminin dotée du trophée de Hadja Andrée Touré.

Tout a changé à Télimélé, Seydou Kéita est au cœur de ses administrés. Il rend visite aux sages, assiste les démunis, envoie des personnes, hommes et femmes à la Mecque, suit personnellement et recommande les fils de Télimélé pour la solution de leurs problèmes à Conakry et ailleurs.

La résidence du gouverneur est devenue une sorte d’arbre à palabres et de paillasse où s’étaient donnés rendez vous les représentants de toutes les conditions sociales qui avaient tous droit à la table à manger du locataire avec cet accueil, cette chaleur et cette générosité partagée de l’épouse du gouverneur, Hadja Rama, une malienne dont la simplicité et l’humilité font école.

Tel père tel fils, telle mère tel fille : Diènè, Ibrahima Sory (Mao), Sakoba et tous leurs frères et sœurs, venus directement de Paris, s’adapteront rapidement à leur nouvelle vie. Ils vont à l’école à pied en descendant et en remontant l’abrupte côte de la ville de Télimélé, mêlés amicalement à tous les élèves qui étaient quotidiennement soumis au même exercice à la recherche du savoir.

Mais, la révolution dans son exigence privera Télimélé de ce gouverneur hors du commun qui avait en si peu de temps transformé la région. Seydou Kéita est nommé gouverneur de la région de Conakry avant de rentrer au gouvernement en qualité de Commissaire Général aux Sports, aux Arts et à la Culture. Son départ est comme un deuil à Télimélé, partie intégrante et palpitante de la révolution qui se soumet alors à ses exigences.

Télimélé compte désormais pour ce charismatique et dynamique prince Kéita, Mandenka de Sanankoro, village situé à 12 kilomètres de Kouroussa ville, sur l’autre rive du majestueux fleuve Djoliba. Il emportera dans ses bagages à Conakry, Moussa Solano, bassiste et chef d’orchestre du Télé Jazz qu’il gardera à ses côtés au Commissariat aux Sports ; Lamarana Diallo, qui sera affecté à la commission permanente de l’UNESCO ; Fodé Souaré, qui sera affecté à l’ambassade de Guinée à Lagos, au Nigeria ; et Mamadou Touré, le chef protocole de la région de Télimélé qui continuera dans les mêmes fonctions auprès de lui à la maison et au bureau.

Plusieurs fils de Télimélé vivants à Conakry bénéficieront de l’immense soutien et des grandes largesses de Seydou Kéita, à commencer par l’auteur de ces lignes, devenu son attaché de presse, voyageant avec lui à travers le monde, honneurs et privilèges en majesté.

En ces périodes fastes de 1970-80, des princes Kéita du Hamana, du Koumana et de Sanankoro, à Kouroussa, devinrent des gouverneurs de région aux acquis considérables à l’Ouest. Le fils de Diamanati Namory, commandant Sidy Mahmoud Kéita à Gaoual, Diamady Kéita à Koundara, Seydou Kéita à Télimélé et le cousin de Siguiri, Abraham Kabassan Kéita, le premier marin guinéen à Boké.

Le don à la mosquée de Télimélé de ces 10 rouleaux de moquettes par la ministre de la Coopération et de l’Intégration Africaine, Diènè Kéita, et de son frère cadet, Ibrahima Sory Kéita dit « Mao », conseiller à la Primature, est un geste de reconnaissance et d’attachement à Télimélé en droite ligne de l’héritage de leur père. Comme le dit l’adage « le fleuve va toujours à la mer, parce que fidèle à la source ».

Il reste à espérer qu’un jour, ces heureux donateurs, leurs frères et sœurs, iront à la recherche du bois mort dans la forêt de souvenirs à Télimélé. Nul doute que le beau frère devenu Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, fera partie du voyage afin de lui conférer plus de solennité en arpentant le célèbre col de Loubha. Ce sera un grand jour de fête à Télimélé.

Amadou Diouldé Diallo

Journaliste et Historien

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