Marche de ce jeudi, son interpellation, sa détention à la maison centrale… Abdoulaye Oumou à Guineematin

Abdoulaye Oumou Sow, coordinateur de la cellule de communication du FNDC
Abdoulaye Oumou Sow, coordinateur de la cellule de communication du FNDC

Quelques jours après avoir été relaxé par le tribunal de Dixinn, Abdoulaye Oumou Sow, coordinateur de la cellule de communication du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), réaffirme son engagement dans le combat contre le 3ème mandat.

Dans une interview accordée à Guineematin.com monsieur Sow est également revenu sur la marche du FNDC de ce jeudi, 24 octobre 2019, son arrestation et son séjour carcéral, du message qu’il a à l’endroit de ses collègues détenus à la maison centrale et du peuple de Guinée.

Décryptage !

Guineematin.com : le FNDC appelle à une marche ce jeudi, 24 octobre 2019, à travers la Guinée. Une marche qui est autorisée par le gouvernement, après plus d’une année d’interdiction de manifestations. Quel appel vous avez à lancer au peuple de Guinée pour cette marche pacifique ?

Abdoulaye Oumou Sow : le premier défi, il est déjà gagné parce que vous vous-même vous venez de le dire, qu’il y a plus d’un an que le gouvernement avait interdit les manifestations. On a forcé la main au gouvernement, on a eu à faire une manifestation sur tout le pays et finalement le gouvernement a été obligé de se rétracter. On a même entendu le ministre qui avait interdit les manifestations dire qu’il n’a jamais interdit des manifestations en Guinée. Donc, ils sont obligés d’accepter nos lettres d’informations, ils sont obligés d’accepter que nous marchions. Ils viennent de changer l’itinéraire. Tout cela pour perturber la mobilisation, mais ça ne passera pas. La marche de ce jeudi part de la Tannerie en passant par l’aéroport Gbessia, Kondéboungni pour remonter vers Concasseur et pour se terminer sur l’esplanade du stade du 28 septembre de Dixinn. On espère avoir au moins trois millions de personnes.

Guineematin.com : toi et certains responsables du FNDC, dont le coordinateur national Abdourahmane Sanoh, avez été interpellés le 12 octobre 2019, soit 48 heures avant la manifestation du 14 octobre. Dites-nous, dans quelles conditions vous avez été interpellés ?

Abdoulaye Oumou Sow : on était réuni au domicile de monsieur Sanoh. C’était en prélude à la conférence de presse que nous devrions animer à la maison de la presse. Mais, malheureusement au moment où nous tenions cette réunion préparatoire, nous avons constaté que des personnes cagoulées sont entrées dans la cour, ultra armées et ils nous ont interpellés tous.

Guineematin.com : on sait qu’après qu’on vous ait fait embarquer dans les pick-up, on vous a fait sillonner plusieurs endroits. Dites-nous en un peu plus ?

Abdoulaye Oumou Sow, coordinateur de la cellule de communication du FNDC

Abdoulaye Oumou Sow : oui au début, on ne savait pas où on allait précisément. Les personnes on ne voyait pas leurs visages, on ne communiquait pas avec eux, ils n’étaient pas coopératifs. Nous avons été emmenés dans un premier temps à la CMIS de Camayenne. Ensuite, on nous a alignés et ils ont commencé à demander qui d’entre nous était journaliste et blogueur. Alors ils ont dit que cette personne serait moi selon eux. Ainsi donc, à la demande du Général Bafoé (directeur général de la police nationale) je suis allé le voir. Arrivé, il a demandé que je me présente ; on a eu une chaude discussion. Après on nous a fait embarquer, pour nous envoyer à la direction générale des renseignements via la DPJ. En cours de route, on était inquiet parce qu’on ne savait pas où on nous emmenait. Et là-bas, ils se sont rendus compte que la presse a eu des informations sur notre position, ils ont commencé à s’inquiéter. Donc, ils nous ont envoyé à la DPJ (Direction Centrale de la Police Judiciaire). Après plusieurs heures d’interrogatoire, ils nous ont envoyé à la CMIS de Camayenne où on a passé la nuit. Quand il y a eu du tollé au niveau des medias, ils ont opté pour la stratégie de la diversion. C’est-à-dire qu’ils nous ont scindés dans les différents commissariats de Conakry et des villes environnantes. Et c’est ce qui a fait qu’avec les évènements du 14 octobre dernier, on n’a pas pu tous être entendus par le procureur. Le premier groupe a été déféré lundi. Nous qui étions en haute banlieue et à Dubréka, on n’avait pas pu être entendu par le procureur de Dixinn ce jour, parce que le peuple avait répondu à l’appel du FNDC. C’est finalement le mardi que Sékou Koundouno et moi avons été entendus avant d’être déférés à la maison centrale le 15 octobre.

Guineematin.com : quel était le moral du groupe ? A un moment, est-ce que vous avez eu peur ?

Abdoulaye Oumou Sow : bon oui, tu peux avoir peur à certain moment, mais il y a des circonstances où tu n’as plus peur parce que quand tu vois la mort en face surtout que la lutte que tu mènes a certains risques. Donc, tu es préparé moralement aux arrestations et autres avant d’être engagé dans cette lutte. Donc, j’ai eu peur pour mes proches qui vont s’inquiéter pour moi. Sinon pour moi, je n’avais pas peur. Et je sais que c’était le cas aussi chez mes amis. Leur intention, c’était de nous faire peur, mais ils ont vu qu’on n’avait pas peur.

Guineematin.com : on sait que vous avez passé plusieurs jours à la maison centrale, 10 jours environs. Quelle était la vie à la maison d’arrêt de Conakry ?

Abdoulaye Oumou Sow : la vie dans la maison centrale était bonne. Peut-être c’était les trois premiers jours dans les commissariats qui ont été pénibles avec les aller et retour. Mais au niveau de la maison centrale, on a bénéficié d’un très bon accueil de la part des gardes pénitenciers, du régisseur et même de la part des prisonniers. On a été accueilli en héros de la part des prisonniers à la maison centrale. Ils s’occupaient de nous comme des dignes fils de la nation. Ces prisonniers nous assistaient dans tout, ils n’acceptaient même pas que nous mettions de l’eau dans les bouilloires, ils le faisaient à notre place. Ça, ils le faisaient parce qu’ils savaient que nous, nous nous battions pour des causes nobles.

Guineematin.com : on sait quand même que tout n’est pas rose à la maison centrale ?

Abdoulaye Oumou Sow : la prison, c’est la prison. On peut enfermer quelqu’un, mais on ne peut pas fermer son esprit. C’est vrai qu’on avait plus de liberté de mouvement, mais ils n’ont pas pu fermer cette liberté d’agir, cette liberté de penser que nous avions.

Guineematin.com : toi tu es libre aujourd’hui. Mais tes autres collègues Abdourahmane Sanoh et Cie sont toujours détenus. Quel message tu as pour les proches de ces détenus ?

Abdoulaye Oumou Sow : je me réjouis que je sois en liberté, c’est l’occasion pour moi de saluer l’effort des éminents avocats qui ont travaillé sur ce dossier ici à Conakry et à travers le pays. Les avocats ont assisté les détenus à travers tout le pays. Les avocats ont pu avoir gain de cause pour certains de ces procès et n’ont pas eu gain de cause dans d’autres. Mais on est optimiste parce que le peuple va réagir. La réalité c’est quoi ? C’est le travail des dictateurs, ils essaient de faire un semblant de justice, ils libèrent certains et ils emprisonnent d’autres. Mais ils oublient qu’on peut qu’on peut restreindre la liberté des gens mais on ne peut pas emprisonner les esprits. Nos camarades qui sont en prison, je sais ce qu’ils vivent, je sais qu’ils mènent le combat là où ils sont. Mon appel, c’est aux proches de nos camardes. Ils doivent savoir que seule leur lutte peut rendre nos camarades fiers. Et nos camardes n’ont pas peur, ils sont fiers de ceux qui mènent le combat dehors comme eux.

Guineematin.com : c’est la fin de cet entretien. Avez-vous un dernier mot ?

Abdoulaye Oumou Sow : le dernier mot, c’est à l’endroit de la jeunesse guinéenne. Je vais lui dire que le combat ne fait que commencer et d’ailleurs il est presque gagné. Mais, il ne sera gagné que si le peuple de Guinée se lève comme un seul homme. Ce message s’adresse aussi à l’endroit des jeunes du parti au pouvoir qui sont aussi des amis, qui sont des jeunes aussi. Ils doivent savoir que ce combat doit être mené par le RPG, c’est un combat contre un système. Ce n’est pas forcement contre le professeur Alpha Condé mais contre le système. Les jeunes du RPG doivent se lever pour exiger la tenue d’un congrès au sein du parti. Cela pour que le parti désigne enfin un successeur à Alpha Condé puisqu’il n’est pas le seul. Il y a des personnes comme Moustapha Naïté, Albert Damantang Camara, pourquoi pas le ministre Diané qui est le petit président de la République aujourd’hui.

Entretien réalisé par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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