Guinée : 4 opposants recouvrent la liberté sans demander pardon

Il aura fallu deux événements majeurs pour que certains prisonniers politiques recouvrent la liberté. Même si c’est une liberté conditionnelle : le premier événement est l’annonce de la formation d’une nouvelle alliance politique regroupant tous les partis qui avaient justement formé l’Alliance Nationale pour l’Alternance Démocratique (ANAD). Le deuxième événement est la décision du principal parti de l’opposition de reprendre les manifestations de rue. Et ce suite à la demande voire l’exigence de ses militants.

Ce n’est donc ni le dialogue politique ni la demande de pardon au chef de l’Etat qui a abouti à cet ouf de soulagement pour les désormais anciens pensionnaires de Coronthie et les leurs. En tout cas si la première hypothèse n’est pas totalement à exclure, la seconde, elle, n’était pas envisageable. Quelle que soit leur souffrance, les observateurs estiment qu’Ousmane Gaoual Diallo, Cellou Baldé, Abdoulaye Bah et leur ainé Chérif Bah préféreraient le pire que demander pardon. Arguant que, premièrement, demander pardon revient à reconnaitre sa faute. Et deuxièmement c’est parce que les intéressés ne se reprochaient de rien qu’ils avaient volontairement décidé de se présenter à leur convocation.

Après cette libération, même conditionnelle, Cellou Dalein Diallo et ses nouveaux alliés ont toutes les raisons de se frotter les mains. Le président de l’UFDG disait aux médias qu’il ne peut pas négocier le couteau sur la gorge. En levant partiellement ce couteau, le pouvoir lui ôte désormais un argument supplémentaire pour accepter la main tendue. Et les diplomates, au chevet de la Guinée, ne manqueront pas de mettre la pression sur celui qui s’était autoproclamé président élu après la présidentielle d’octobre 2020.

Mais Cellou et les siens devront faire face à l’autre paire de manche : seuls les responsables de l’UFDG ont recouvré la liberté. Les autres, à la fois acteurs politiques et activistes de la société civile, restent en prison. Or les mêmes ont défendu la même cause. Si le parti qui empêche Sékoutouréya de dormir se satisfait de la libération des siens pour aller à la table de négociation, alors que d’autres prisonniers, et non des moindres, sont encore à la Maison Centrale, il aura joué le jeu du pouvoir. Aucune raison ne justifierait qu’Oumar Sylla, alias Foniké Mangué, Etienne Soropogui et Ismaël Condé et tous les autres anonymes restent en prison pendant que les quatre responsables de l’UFDG ont bénéficié d’une liberté provisoire.

Tout porte à croire que, le chef de l’Etat, qui ne fait rien pour rien, souhaite tendre un nouveau piège à son principal opposant. Si ce dernier fléchit sa position il va s’attirer les foudres des autres détenus et les leurs. Or le geste présidentiel est assez significatif. Même si les opposants soutiennent que les détenus n’étaient rien d’autres que des otages du pouvoir. Et comme un otage remercie rarement ses ravisseurs, ils ne comptent pas donner l’impression de reconnaitre quelque gratitude au pouvoir.

Reste à savoir si, en lieu et place du fameux pardon qu’il a obtenu avec d’autres, le président Condé a arraché quelques concessions à Cellou Dalein Diallo. Ce qui est improbable. Dans tous les cas, Fodé Bangoura, nouveau coordinateur du cadre du dialogue, lui, ne manquera pas de brandir cette liberté provisoire comme un véritable trophée de guerre. Il estimera à tort ou à raison qu’il est pour quelque chose dans cette libération. Tout comme l’opposition dite constructive qui appelait sans cesse à la libération de ces personnes. Bref, les anciens bagnards risquent de faire l’objet d’une véritable récupération politique.

En attendant d’être fixés sur leur sort définitif, trois des quatre ex prisonniers, qui étaient des anciens élus de l’intérieur du pays, ne peuvent pas rentrer chez eux. Car liberté conditionnelle est différente de liberté tout court. Bien malgré tout, Labé, Kindia et Gaoual fêtent déjà leurs héros. Lesquels seront allés jusqu’au bout avec le très célèbre slogan d’un d’entre eux, en l’occurrence Ousmane Gaoual Diallo : Gorko Suusay. Entendez, un homme doit être téméraire. Il ne reste plus qu’à souhaiter que les autres prisonniers politiques, tant connus qu’anonymes, puissent obtenir la même mesure que leurs anciens codétenus.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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