Manifestations contre un 3ème mandat en Guinée : les gendarmes accusés d’exactions à (Pétel) Mamou

Depuis le début de cette semaine, la ville de Mamou fait face à des violences d’une extrême gravité. Et, hier, mercredi 16 octobre 2019, n’a pas été d’un grand répit pour les manifestants anti-troisième mandat et les agents des forces de l’ordre. Ces derniers sont d’ailleurs accusés d’avoir vandalisé plusieurs boutiques à Petel, un des quartiers de la commune urbaine de Mamou où la protestation contre le projet de nouvelle constitution ne faiblit pas depuis le premier jour des protestations, lundi, a appris Guineematin.com de sources locales.

Deux morts, une trentaine de blessés dont certains par balles (selon une source médicale qui a requis l’anonymat), plus de 40 personnes interpellées : c’est le bilan encore provisoire des deux premiers jours (lundi et mardi) de manifestation dans la ville carrefour.

Depuis le début des protestations lancées par le front national pour la défense de la constitution du 07 mai 2010, la commune urbaine de Mamou est en proie à des violences d’une extrême gravité. Les manifestants anti-3ème mandat et les forces de l’ordre s’affrontent à coups de jets de pierres contre tirs de gaz lacrymogènes. Des barricades et des pneus brûlés sont visibles sur les principales artères de la ville. De l’huile de moteur est également déversée par endroit sur la chaussée.

Tenaces et prêts à en découdre, les manifestants tiennent tête aux forces de l’ordre. Par moment, ils réussissent même à les faire replier.

Dans la journée du Mardi, certains manifestants se sont introduits dans la cour du gouvernorat et endommagé plusieurs véhicules dont celui de l’inspecteur régional de la culture. Ils ont aussi réussi à accéder au local qui abrite les bureaux de l’inspection régionale des affaires sociales.

« Ils ont emporté des objets de valeur et des ordinateurs », a confié à Guineematin.com un cadre du gouvernorat, joint au téléphone.

Malgré l’appel à la retenu et au dialogue lancé aux acteurs (FNDC et autorités administratives), les échauffourées continuent d’orner le quotidien des populations de Mamou. Et, hier, mercredi, troisième jour de manifestation, les violences ont pris une autre dimension.

Ayant réussi à franchir le ‘’Pont de Petel’’, les forces de l’ordre se seraient livrées à des actes de vandalisme, tout en proférant des menaces de mort et des injures grossières à l’endroit des femmes de ce quartier.

Elhadj Alseny Sylla, habitant de Petel

« Nous étions là avec nos familles. Et, d’un seul coup, vers 13 heures, on a vu arriver les forces de l’ordre. Les agents ont directement commencé à s’attaquer aux boutiques des gens. Ils sont venus endommager ma moto qui est ici. Ils ont voulu entrer dans ma maison, ils n’ont pas pu défoncer la porte métallique qui est là. Mais, ils ont réussi à entrer chez mon voisin. Ils ont pris tout ce qu’ils ont voulu et ils l’ont sévèrement battu avant de quitter. Si vous regarder le long de la route de Petel, les agents ont fini de tout gâter », a expliqué Elhadj Alseny Sylla, un travailleur de la société électricité de Guinée (EDG).

Selon les témoignages, ces exactions des forces de l’ordre ont eu lieu en présence de Bakary Camara, le commandant de la gendarmerie départementale de Mamou. « Commandant Bakary était arrêté sous le fromager qui se trouve à côté du pont. Il a assisté à tout ce qui s’est passé ici. Et, quand je l’ai interpellé, au lieu de dire à ses hommes d’arrêter les exactions, il a plutôt ordonné aux agents de venir me battre avec les vieux qui étaient à mes côtés. Ils nous ont roués de coups. Ils ont pris aussi nos téléphones et notre argent. Et, après, ils se sont retournés, tout en promettant de revenir dans la soirée », a indiqué Mamadou Sanoussy Bah, un des commerçants qui a assisté impuissant au vandalisme de son magasin.

Mamadou Sanoussy Bah

Non loin de là, Houssaïnou Diallo formule des griefs contre les agents des forces de l’ordre qui sont intervenus ce mercredi à Petel. « Les agents sont venus donner des coups à nos portes et fenêtres. Nous étions enfermés dans la maison. La seule personne qu’ils ont réussi à avoir, c’est notre petit locataire. Il s’appelle Abdourahamane Diallo. Ils l’ont battu comme un chien, avant de vandaliser son petit conteneur rempli de marchandises. Ils ont aussi cassé tous les sots et les chaises qui étaient dehors. Ils nous ont insultés comme des enfants. Par pudeur, je ne peux pas répéter ce qu’ils nous ont dit. Mais, je sais une chose ; quelqu’un qui respect sa mère ne va jamais murmurer ces injures, à plus forte raison les dire à haute voix à l’endroit d’une femme », a expliqué Houssaïnatou Diallo, la gorge nouée.

Plutôt dans l’après-midi de ce mercredi, les échauffourées qui ont été éclaté à Pétel ont contraint le tribunal de première instance de Mamou à renvoyer l’audience des 42 personnes (interpellées lors des manifestations de lundi et mardi) à une date ultérieure.

« Dès que nous avons débuté les débats, on a appris qu’il y a des manifestants qui sont au niveau du pont de Petel et qui se dirigent vers le tribunal… C’est pourquoi le tribunal a estimé qu’il fallait renvoyer à une date ultérieure. Le temps pour nous de prendre toutes les dispositions pour continuer les débats », a dit le procureur Elhadj Sidiki Camara à sa sortie d’audience.

A rappeler que les violences enregistrées lors des manifestations contre un troisième mandat du président Alpha Condé ont déjà fait deux morts (un gendarme et un jeune élève) dans la commune urbaine de Mamou.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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