Sortie de crise à N’zérékoré, nouvelle constitution : le ministre Frédéric Loua à Guineematin

Frédéric Loua, ministre des Pêches, de l’Aquaculture et de l’Economie Maritime
Frédéric Loua, ministre des Pêches, de l’Aquaculture et de l’Economie Maritime

Comme annoncé précédemment, les responsables de l’antenne régionale du FNDC à N’zérékoré et les autorités locales ont signé le mercredi dernier, 19 juin 2019, un protocole d’accord permettant une sortie de crise dans la ville. L’un des artisans des négociations qui ont abouti à ce terrain d’entente, c’est Frédéric Loua, ministre des Pêches, de l’Aquaculture et de l’Economie Maritime. Au cours d’un entretien qu’il a accordé à l’envoyé spécial de Guineematin.com à N’zérékoré, le ministre est revenu sur cette situation et sur la tournée qu’il mène depuis plusieurs jours en Guinée forestière.

Décryptage !

Guineematin.com : vous avez pris part aux négociations qui ont abouti à la signature d’un accord de sortie de crise entre le FNDC et les autorités de N’zérékoré. Parlez-nous de cet accord.

Frédéric Loua : en fait, ça fait près de deux semaines que je suis dans la région. J’étais venu dans le cadre du lancement des activités de l’ANAFIC et les évènements m’ont trouvé ici à N’zérékoré. J’ai commencé donc à m’investir avec les autorités de la place. Heureusement aujourd’hui, nous avons abouti à un consensus qui nous fait sortir de ces situations difficiles. La rencontre a été sanctionnée par une déclaration qui dit qu’à N’zérékoré, on allait surseoir aux manifestations de rue.

Le deuxième point, c’est que les autorités de la place s’engagent à ne pas poursuivre les organisateurs des marches. Ensuite, il était question de mettre en place une commission qui allait passer aussi inventorier les dégâts. Ce qui est important, c’est que toutes les parties sont d’accord pour cette sortie de crise. Ça permettra aux uns et aux autres de vaquer à leurs affaires. N’zérékoré est très sensible, la marche qui était prévue ce jeudi, 20 juin a été purement et simplement annulée.

Guineematin.com : l’accord a été trouvé ; maintenant, qu’est-ce qu’il faut pour pérenniser le calme qui est revenu dans la ville de N’zérékoré ?

Frédéric Loua : pour pérenniser ces actions, c’est de se conformer à ce qui a été dit et à ce qui a été écrit. Puisque très souvent, nous n’avons pas la maîtrise de nos gens que nous mettons sur le terrain, soit pour la marche ou soit je ne sais quoi. Le mieux, c’est de s’en tenir aux clauses qui disent qu’il n’y a plus de manifestation sur les voies publiques. S’il y a manifestation, c’est dans les sièges des organisateurs. Ça, c’est très important. Le comité de veille s’est engagé, ainsi que l’organisation de la société civile et les religieux, d’accompagner le processus. Nous-mêmes, nous y veillerons, nous autorités. Même étant à Conakry, nous pourrons faire un suivi rapproché de ce document qui a été signé.

Guineematin.com : les pick-up des services de sécurité sont encore visibles à certains endroits de la ville, et cela suscite une psychose chez la population. Qu’est-ce que vous en dites par rapport à ça ?

Frédéric Loua : ça ne devrait pas les inquiéter, c’est pour leur protection. Quand on dit que ça ne va pas dans une localité, le gouvernement a le droit de sécuriser les populations. Nous voyons N’zérékoré ville, mais n’oubliez pas que nous sommes vers les frontières. La dernière fois, il y a deux messieurs qui ont été arrêtés en boubous, plein de gris-gris dessus. Cela n’a rien à avoir avec une marche pacifique. Qui est là aujourd’hui à N’zérékoré ? On ne sait pas. Donc, il faut bien sécuriser la ville. Je salue la venue de nos forces de l’ordre pour pouvoir aider les responsables de N’zérékoré à maîtriser la situation.

Il y a des gens de bonne foi qui veulent que ça marche et il y a d’autres qui veulent tout détruire. Donc, n’ayez pas peur, ceux qui sont venus, c’est pour vous, c’est pour nous et c’est pour garantir la paix. C’est pour nous accompagner, c’est pour nous protéger, ce n’est pas pour brutaliser qui que ce soit. Mais, quelqu’un qui ne sort pas pour faire la pagaille, pourquoi avoir peur alors des gendarmes ou des policiers ? Ils viennent pour notre sécurité.

Guineematin.com : vous disiez tout à l’heure que vous êtes dans la région depuis près de deux semaines, vous avez fait une tournée avec le ministre Papa Koly Kourouma notamment. Quel était l’objectif de cette tournée ?

Frédéric Loua : nous avons fait Lola, Zoo, Beyla, Moussadou, Diecké et Yomou. C’était dans le cadre du lancement des activités de l’ANAFIC. Vous savez, le président de la République a bien voulu mettre à la disposition des communes, qu’elles soient urbaines ou rurales, 15 % des revenus issus de l’exploitation minière. C’est une nouveauté dans notre pays, et voilà une idée à saluer. Ainsi, la gestion relèvera directement de ces communautés. Les procédures de passation des marchés se feront par ces communautés et surtout les entreprises locales sont bénéficiaires justement de la mise en œuvre de ces projets. Donc ça va faire une valeur ajoutée dans ces localités, l’argent pourra tourner dans ces localités et c’est très important.

Comment faire pour pérenniser justement ce qui est mis en œuvre ? C’est par des documents qui peuvent être le socle de notre pays, qui peuvent être la loi fondamentale, ce que nous appelons la nouvelle constitution. Le monde a évolué avec la Guinée, les choses ont changé. Si les documents actuels ne sont plus en phase avec la réalité, c’est de tout mettre en œuvre pour que les documents de notre loi fondamentale reflètent notre vie. Donc nous avons passé aussi ces messages parce qu’il y avait un amalgame entre troisième mandat et nouvelle constitution et c’est ce qui a envoyé même des difficultés sur ce terrain.

Guineematin.com : et c’est quoi la différence entre ce projet de nouvelle constitution et un projet de troisième mandat pour le président Alpha Condé ?

Frédéric Loua : les gens parlent de troisième mandat, s’il y a la modification de la constitution actuelle, là il peut y avoir troisième mandat comme le disait le président de la République. Mais là, ce que le président veut proposer aux guinéens, et c’est son droit de consulter son peuple, il veut consulter le peuple par un référendum pour une quatrième République avec une nouvelle constitution. C’est très différent d’une modification d’un article de la constitution, d’un troisième mandat. Je ne sais pas d’où sort cette affaire de troisième mandat. Les gens en parlent, ils ne savent même pas de quoi il s’agit. Le président de la République veut proposer aux guinéens une nouvelle constitution, c’est son droit le plus absolu.

Cette nouvelle constitution va nous amener dans la quatrième République. On a fait la première République, nous avons dit non à la France en 1958 par référendum, nous sommes rentrés dans la deuxième République, la troisième République est là également. Mais rappelez-vous, la constitution actuelle n’a jamais été soumise à la population, c’était pendant la transition, et cette transition avait pour mission d’organiser rapidement les élections. Ils se sont dotés d’un instrument qui est la constitution actuelle, qui n’a jamais été soumise au peuple de Guinée. Mais si aujourd’hui les choses sont dépassées, il est normal qu’on revienne à tout ce qu’il faut pour garantir notre avenir.

Guineematin.com : le silence du chef de l’Etat sur le sujet inquiète bon nombre de personnes, qui estiment que s’il y a nouvelle constitution, c’est uniquement à son avantage parce que ça lui ouvre la voie pour briguer un nouveau mandat. Quel est votre avis là-dessus ?

Frédéric Loua : vous parlez de quelque chose qui n’existe pas encore. Nous sommes dans un principe, avez-vous déjà vu le document de nouvelle constitution ?

Guineematin.com : voulez-vous dire que cette constitution n’existe pas encore alors que dans sa lettre de démission, l’ancien ministre de la justice, Me Cheick Sako, a invoqué entre autres, le fait de n’avoir pas été associé à la rédaction de cette constitution ?

Frédéric Loua : maître Cheick Sako n’est pas Frédéric Loua, ça n’engage que lui. S’il a été consulté ou pas pour que quelque chose, moi je le suis pas. Ce que je sais, j’ai été consulté par le Premier ministre quand il m’a posé la question : monsieur le ministre des Pêches êtes-vous d’accord ou pas pour le principe d’une nouvelle constitution ? Et là j’ai été très clair, j’ai répondu par le OUI que j’étais favorable à une nouvelle constitution. C’est un principe, mais si Cheick Sako dit qu’il n’a pas été associé, il est libre de le dire mais c’est lui seul qui sait. Moi je ne suis pas Cheick Sako, je ne suis pas au courant.

Guineematin.com : avez-vous un message à l’endroit de la population de N’zérékoré ?

Frédéric Loua : je suis originaire de cette ville, je n’ai pas un autre village, je suis originaire de Gonia. N’zérékoré est très fragile, il y a quelque chose qui se passe dans cette ville, un problème entre des individus devient facilement problème entre communauté. Et, quelque fois, ça a même une tendance à aller sur le plan religieux. C’est pourquoi je demanderai aux habitants de N’zérékoré, de se donner la main, de ne pas suivre les on-dit. Parce que là, j’ai reçu pas mal de coups de fils, j’ai reçu des témoignages qui n’ont rien à avoir avec ce qui s’est passé à N’zérékoré.

L’évènement de N’zérékoré n’était pas dans toute la ville en réalité, c’est une situation qui a été créée dans un quartier. C’était vers la scierie, ça s’est transporté vers Gonia, et ce n’est pas dans tout Gonia. C’était essentiellement dans Gonia 3, mais il y a eu extrapolation. On a dit que ça ne va pas à N’zérékoré et puis on a fait croire que c’est toute la ville qui était en ébullition, non. Je demande aux gens de N’zérékoré de vérifier l’information, de se donner la main pour construire cette belle cité que nous avons. L’argent a peur du bruit, les bailleurs étaient venus, quand ils ont vu ce mouvement, ils ont replié.

Je suis très heureux de vous le dire, j’étais ce matin au bureau du gouverneur quand j’ai vu les logisticiens venir s’enquérir de la situation et ils se sont rendus compte que c’est réel, le calme revenait. Ils nous ont dit nous allons voir comment acheminer le matériel pour Zogota à N’zérékoré. Donc c’est une bonne nouvelle, c’est de nous donner la main, aller vers le travail, développer notre localité que de suivre des gens qui n’ont pas la bonne information.

Entretien réalisé par Siba Guilavogui et Foromo Gbouo Lamah pour Guineematin.com

Tél. : 620 21 39 77/ 662 73 05 31

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