Sidya Touré aux RPGistes : « ressaisissez-vous et pensez à l’avenir de ce pays »

Sidya Touré, président de l'UFR
Sidya Touré, président de l’UFR

A la veille de la nouvelle marche appelée par le FNDC demain, jeudi 07 novembre 2019, l’opposant Sidya Touré a accordé une interview à un journaliste de Guineematin.com ce mercredi. Le président de l’UFR et membre du comité de pilotage du Front National pour la Défense de la Constitution est revenue sur les préparatifs de cette manifestation autorisée par les autorités.

Il a invité les Guinéens à se mobiliser massivement pour exprimer leur opposition au projet de troisième mandat d’Alpha Condé, et les responsables et militants du parti au pouvoir de prendre conscience de la gravité de la situation dans laquelle s’engage le chef de l’Etat guinéen.

Décryptage !

Guineematin.com : le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) appelle à une nouvelle manifestation demain, jeudi, contre le projet de 3ème mandat du président Alpha Condé. A Conakry, la marche prévue doit suivre le même itinéraire que celle du 24 octobre dernier. Comment préparez- vous cette nouvelle sortie du FNDC ?

Sidya Touré : nous préparons la marche de demain dans le même esprit pour faire comprendre à nos compatriotes qu’ils doivent sortir massivement pour affirmer leur opposition à toute réforme constitutionnelle ou à l’introduction de toute nouvelle constitution tendant uniquement à proroger le mandat d’Alpha Condé.

Guineematin.com : en tant qu’organisateurs de cette manifestation, quelles dispositions avez-vous prises au FNDC pour le bon déroulement de cette manifestation ?

Sidya Touré : vous avez vu que nous avons marché le 24 octobre avec des centaines de milliers de personnes, on n’a pas cassé un œuf. Donc nous demandons à nos gens d’être disciplinés pour démontrer à ceux d’en face que chaque fois qu’il y a une perturbation comme ce qu’on a connu ces derniers temps, c’est de leur faute. Sinon nos militants, les membres de la société civile, les Guinéens opposés à cette idée de 3ème mandat, ont marché le 24 octobre sans anicroche. Et, nous leur demandons de refaire la même chose demain.

Guineematin.com : le gouvernement guinéen a réagi aux incidents ayant émaillé les obsèques des 11 jeunes tués lors des premières manifestations du FNDC et qui ont entraîné la mort de 3 autres jeunes lundi dernier à Conakry. Les autorités réfutent la version selon laquelle les forces de l’ordre ont attaqué le cortège funèbre et tué des gens, indiquant que les pertes en vies humaines ont été enregistrées en dehors du périmètre réservé aux obsèques. Quelle est votre réaction à cette communication du gouvernement ?

Sidya Touré : je suis juste peiné, je suis attristé. Je suis un guinéen, on ne parle pas de la mort de ses compatriotes de cette façon-là. Quel que soit l’endroit où on a tiré sur les gens pour les tuer, c’est déjà assez grave. Ce qui s’est passé avant-hier, nous avons quitté la clinique sino-guinéenne dans une procession qui était parfaitement ordonnée et où il n’y avait absolument rien. On a même les services d’ordre qui cadraient les gens. Et, arrivés vers Bambéto, compte tenu du nombre des gens qui étaient là, ce que nous avons vu, c’est une provocation délibérée des forces de l’ordre pour perturber la cérémonie qui était en train de se faire. Donc, là où on les a tués, là où on ne les a pas tués, ça ce n’est pas la question, je trouve cela très déplorable dans la mesure où il y avait 11 morts. Vous ne pouvez pas au moment où on est venu pour enterrer ces gens-là en tuer encore.

Guineematin.com : la communauté internationale a réagi aussi suite à ces dernières violences. Les ambassades de France, des Etats-Unis et de l’Union européenne ont signé un communiqué commun dans lequel elles appellent à la fin des violences et au dialogue entre les différentes parties. Qu’en dites-vous ?

Sidya Touré : ça clarifie le débat. Nous sommes passés devant une ambassade comme celle des Etats-Unis et de là-bas je crois que tous ceux qui étaient dans la cour ont vu ce qui se passait. La violence, on sait d’où ça vient. Nous pensions que selon les mœurs et coutumes de notre pays, quand il y a un décès, vous vous habillez en blanc pour aller à la mosquée et ensuite pour aller enterrer les corps. Ceux qui ont voulu semer la pagaille ensuite pour s’en prendre aux leaders ainsi de suite, c’était quelque chose de préparé, c’était prémédité, mais c’est vraiment déplorable pour la Guinée.

Guineematin.com : il y a plus de cent personnes qui ont été tuées depuis l’arrivée du Professeur Alpha Condé au pouvoir. Jusque-là, aucune lumière n’a été faite sur ces cas de meurtres. Vous, président de l’UFR, avez-vous espoir que justice leur sera rendue un jour ?

Sidya Touré : en tout cas pas avec ce régime-là. Parce qu’aujourd’hui, apparemment on peut encore tuer des gens parce qu’on va essayer d’enterrer ceux qui l’ont été avant. Donc aujourd’hui, nous sommes à environ 125 morts. Vous savez, quand nous sommes sortis ici contre l’armée en 2009, c’était pour les mêmes raisons : le refus de la confiscation du pouvoir. Nous l’avons fait avec le RPG. J’étais au stade. Je peux même vous dire que quelqu’un comme Tidiane Traoré (un responsable du RPG Arc-en-ciel), il y a une balle qui a frôlé sa tête, il y a eu 150 morts. Aujourd’hui, nous en sommes à 125 morts de la part d’un président qui a été élu pour nous éviter ce genre de choses. On s’interroge. Il faut faire en sorte que tout cela ne continue pas et que chacun puisse assumer ses responsabilités au moment venu.

Guineematin.com : le samedi dernier, des journalistes dont un de Guineematin.com ont été victimes de violences physique et verbale au siège du RPG Arc-en-ciel. Comment réagissez- vous à cela ?

Sidya Touré : je trouve que tout cela est totalement anormal. La liberté de la presse, nous l’avons obtenue au temps de Conté en 2005. Je crois que tout le monde en a profité, y compris tous les partis politiques. Donc, si un journaliste ne partage pas votre point de vue, parlez à celui qui partage votre point de vue. Je veux tout simplement dire que c’est un comportement inacceptable et inqualifiable. Il y a une dérive qui est en train de se faire. Et moi je dis au RPG, vous êtes un vieux parti, ressaisissez-vous et pensez à l’avenir de ce pays-là. Le fait que les gens ont des positions différentes des vôtres, ne peut pas déclencher les ires des uns et des autres. Donc, je déplore cela.

Guineematin.com : à lire les dernières sorties du président Alpha Condé dans les médias dont « Le Monde », on comprend aisément qu’il n’est pas prêt à reculer par rapport à ce projet de nouvelle constitution. Aujourd’hui, quel message avez-vous à l’endroit de ceux qui le soutiennent encore notamment les membres du gouvernement ?

Sidya Touré, président de l’UFR

Sidya Touré : soutiens ? Je ne sais pas, tout est confus. Aujourd’hui, il y en qui soutiennent pour de l’argent, nous l’avons vu pendant ces marches-là. Ceux qui devraient le soutenir sur le plan politique sont de plus en plus rares. Parce que le RPG comprend que son propre avenir peut être compromis par cette affaire. La sortie du président était une sortie malheureuse. C’est un aveu disant, oui, moi aussi je vais aller tuer les gens et puis ma constitution se mettra en place. Moi j’estime que c’est assez malencontreux. Mais, les Guinéens ne reculeront pas pour autant, le FNDC ne reculera pas pour autant.

Nous allons nous battre pour que notre pays ait un autre destin que celui dans lequel on nous a entraînés et qui est un destin sans écoles, sans routes, sans hôpitaux, sans aucun bien-être pour les populations. C’est notre aspiration et nous ne voyons pas de quelle manière ce gouvernement, après avoir eu à gérer le pays pendant 9 ans, peut prétendre nous dire que cela doit continuer sur les temps qui n’ont même pas encore été définis. Donc, nous continuerons cette lutte. Bien-sûr qu’il est libre à Alpha Condé de faire ce qu’il veut. Mais, il faut dire que tout ne se passe pas de la même manière. Il y a la justice un peu partout.

Guineematin.com : c’est la fin de cet entretien. Un dernier mot ?

Sidya Touré : je demande à tout un chacun de faire en sorte que demain, nous puissions faire une marche de millions encore à Conakry et qu’on comprenne bien que cela reflète la volonté de l’absolue majorité de nos compatriotes qui ne veulent pas voir ce gouvernement se pérenniser. Je demande à nos compatriotes de suivre le trajet qui a été indiqué et de démontrer avec force qu’aujourd’hui, la seule chose à laquelle 99% des Guinéens s’accordent, c’est qu’il n’y aura pas de 3ème mandat. C’est que Amoulanfé, c’est ça notre position.

Entretien réalisé par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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