« D’ici 50 ans, si rien n’est fait, tout le monde se retrouvera sur les côtes », prévient un député

Une mission composée de députés et de membres de plusieurs départements ministériels a séjourné récemment dans la préfecture de Boké. Conduite par le président de la commission environnement, pêches et développement rural et durable de l’Assemblée nationale, l’Honorable Sékou Benna Camara, cette forte délégation de l’exécutif et du législatif guinéens est allée échanger avec les responsables locaux autour d’une éventuelle élaboration d’une loi protégeant le littoral de notre pays, a constaté un envoyé spécial de Guineematin.com qui était sur place.

C’est dans la salle de conférence de la préfecture de Boké que les membres de cette mission ont rencontré les responsables locaux, dont le maire de la commune urbaine, l’Honorable Mamadouba Tawel Camara et le secrétaire général des collectivités, Jean Béavogui, représentant le préfet.

Dès l’entame des travaux, le directeur général du milieu marin et zones côtières du ministère de l’environnement, Mohamed Lamine Sidibé, a procédé à la projection d’un documentaire sur l’état dégradé des côtes maritimes guinéennes devant les maires, secrétaires généraux de communes et sous-préfets des 8 collectivités côtières sur les 10 que compte la préfecture de Boké.

Puis, le maire de la commune de Boké, suivi du chef de la délégation, par ailleurs président de l’alliance des parlementaires et élus locaux pour la protection du littoral en Afrique de l’Ouest, (APPEL), se sont relayés pour dire à l’assistance l’objet de la rencontre portant sur des consultations et échanges en vue d’établir une loi protégeant le littoral guinéen, à l’image des autres pays membres d’APPEL (le Sénégal, le Cap Vert, la Sierra Léone, le Libéria, la Mauritanie,…).

Ils ont expliqué que littoral, zone de rencontre de la terre, de la mer et même de l’atmosphère, se trouve être sérieusement menacé en Guinée. Long de plus 300 km et couvrant 5 préfectures et la capitale, le littoral guinéen présente un environnement très dégradé particulièrement à Boké, où l’exploitation minière, la coupe abusive du bois de la mangrove, le nombre croissant de ports miniers, la pratique de la culture sur brûlis par endroits, les feux de brousse entre autres sont légion.

Face à cette situation alarmante, le représentant de la société civile de Boké à cette rencontre, Elhadj Sékou Souaré, a exprimé à la mission sa préoccupation. « Par rapport aux sociétés minières, nous avons des problèmes. Quand les gens font le dragage, cela fait des dégâts sur les activités côtières. Le Kapatchèse et le fleuve Rio Nunez sont régulièrement perturbés par les activités portuaires en général et le mouvement des barges et navires dans la zone.

Que ce soit la pèche ou l’agriculture, toutes nos activités sont menacées. Des huiles sont déversées en mer, et les mouvements des navires sont ressentis de Kamsar jusqu’à Kanfarandé. Les plaines et les zones agricoles sont submergées par la mer », a souligné cet activiste de la société civile.

Bocar Morin, maire de Kamsar

D’ailleurs, la commune urbaine de Kamsar, devenue une véritable zone portuaire, présente un visage environnemental aggravant. Le maire de la commune, Bocar Morin, déplore les dégâts causés sur l’environnement par les sociétés minières de la place. « Dans mon village, le riz ne donne plus. Le poisson, on n’en gagne plus. Les plants fruitiers : les manguiers par exemple, et les animaux domestiques et aquatiques sont morts. On a tout perdu.

Parlant de la ville de Kamsar, on n’a pas d’eau potable. On nous a donné des forages, mais l’eau qui sort n’est pas propre à la consommation. L’eau puisée c’est comme du reste d’huile. Donc, ce n’est pas bon pour la consommation et je souhaite que la mission se rende sur les lieux, à Taïbé, (son village,ndlr) pour apprécier ce qui se passe sur le terrain », a dit le maire de la cité industrielle de Kamsar.

Sékou Benna Camara, Député

En clôturant les débats, l’honorable Sékou Benna Camara, a rassuré les participants de la disponibilité de l’Assemblée nationale et des départements techniques engagés, à prendre en compte toutes les préoccupations des populations dans l’élaboration de la future loi sur le littoral. « Les scientifiques ont dit que si on ne fait pas quelque chose, dans 50 ans, les populations vont se retrouver anarchiquement au bord de la mer.

La loi que voulons élaborer, c’est une comme une feuille de route. C’est elle qui va réguler l’occupation des zones côtières, le type de constructions portuaires. Elle permettra également d’harmoniser les textes de loi existant en la matière et permettre une meilleure collaboration entre les départements impliqués dans la protection du littoral guinéen, apportant une solution aux conflits d’intérêts qui existent par ci et par là », a souligné le chef de mission.

A noter que seules les communes de Malapouya et Sangarédi n’étaient pas représentées à cette rencontre. Parce qu’elles sont classées comme étant non côtières. Mais, selon les intervenants, même ces deux collectivités ne sont pas l’abri de la dégradation environnementale actuellement observée à Boké.

Ces consultations qui ont démarré depuis le début du mois de mai, ont été menées successivement à Forécariah, Coyah, Dubréka, Boffa et Boké avant de prendre fin à Conakry. Elles ont été réalisées grâce au soutien financier de l’Union Internationale de la Conservation de la Nature, UICN, basée à Dakar, au Sénégal.

De retour de Boké, Abdallah BALDE pour Guineematin.com
Tél : 628 08 98 45

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